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« Non à Eitam » : la nomination à Yad Vashem qui indigne

Christophe Lafontaine
1 décembre 2020
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Des Israéliens, survivants de la Shoah, manifestent à Jérusalem contre la nomination d'Effi Eitam en tant que nouveau président de Yad Vashem, le 24 novembre 2020 © Olivier Fitoussi/Flash90

La nomination pressentie d’une figure de l’extrême-droite, Effi Eitam, à la tête du mémorial de la Shoah à Jérusalem, secoue Israël. Pétition, manifestations, tribunes dans la presse. La contestation est forte.


Le 1er janvier 2021, Effi Eitam pourrait devenir le directeur de l’institut international pour la mémoire de la Shoah. Yad Vashem, à Jérusalem, est à la fois un musée, un mémorial et centre de recherche. A 81 ans et après 27 ans d’activité, Avner Shalev rend son tablier.

Problème, celui qui est pressenti pour lui succéder, Effi Etiam, 68 ans, est une personnalité controversée. Sa nomination est fortement décriée pour les actes et propos anti-arabes qu’il a pu avoir au cours de sa carrière. A ce titre, son curriculum est jugé incompatible avec la fonction pour laquelle son nom est proposé.

La décision a été prise au mois d’août sur proposition du ministre de l’Enseignement supérieur Ze’ev Elkin, avec le soutien du Premier ministre Benyamin Netanyahu. La nomination ne sera effective qu’une fois approuvée par le gouvernement. Pour l’heure, elle est gelée. Le mouvement centriste Bleu et Blanc, qui compose la coalition gouvernementale avec le Likoud, se dit opposé à la nomination d’Effi Eitam. Ce dernier et Yad Vashem n’ont fait aucun commentaire.

Effi Eitam est un ancien officier supérieur qui a vu sa carrière militaire marquée par le décès, en 1988, d’un captif palestinien que quatre de ses subordonnés de la brigade de Givati avaient, ont-ils soutenu, battu à mort sur ses ordres. Bloqué dans son avancement militaire, il a siégé à la Knesset de 2003 à 2009 en tant que député du Parti national religieux. Il a été ministre dans le gouvernement d’Ariel Sharon. Il quittera ses fonctions en 2004, pour dénoncer le plan de retrait israélien de la bande de Gaza. En 2006, il prône « l’expulsion de la plupart » des Palestiniens de Cisjordanie, ainsi que « l’exclusion des Arabes israéliens du système politique », car, avec 1/5ème de la population israélienne, ils représenteraient « une cinquième colonne » et « un groupe de traîtres ». Eitam est à la tête aujourd’hui d’une société de forage pétrolier, active sur le territoire occupé du Golan, annexé par Israël en 1981 mais considéré par le droit international comme occupé depuis 1967.

Selon le Times of Israel, « ses partisans, en particulier ceux qui sont responsables de sa nomination, ont insisté sur le fait que ses commentaires sur les Palestiniens ont été sortis de leur contexte et sont venus au milieu des vagues de bombardements de la deuxième Intifada, et ceux qui ciblaient les Arabes israéliens se référaient uniquement aux députés arabes israéliens et avaient été prononcés lors d’un débat controversé à la Knesset ». Le bureau de Ze’ev Elkin a déclaré que le ministre continuait de soutenir la candidature d’Eitam au nom des services rendus à l’État d’Israël.

Réputation morale…

Une pétition, rendue publique le 20 novembre, a été signée par 750 chercheurs, historiens, directeurs de musées juifs et spécialistes en études juives en Israël et dans le monde. Les signataires appellent le gouvernement israélien à reconsidérer sa décision. « La rhétorique haineuse d’Eitam envers les Arabes israéliens et les Palestiniens s’oppose totalement à la mission déclarée de Yad Vashem », peut-on lire. Et le texte de poursuivre que l’objectif de Yad Vashem est « non seulement la documentation, la recherche et l’éducation, mais aussi la prévention de la barbarie et des futurs actes de génocide ». La pétition rappelle aussi que l’École internationale d’études sur l’Holocauste vise à combattre « antisémitisme, racisme et exclusion au sein de la société en général ».

Le 24 novembre, des dizaines de survivants de la Shoah, ont manifesté à Jérusalem en brandissant des panneaux où l’on pouvait lire « Non à Eitam ». « Le chef de Yad Vashem doit être quelqu’un qui soit également acceptable pour tous les juifs et les non-juifs. Nous voulons que le monde apprenne de la Shoah, mais comment peuvent-ils faire cela quand le chef de Yad Vashem a dit de telles choses ? », s’est exclamé auprès du Jerusalem Post Avraham Roet, 92 ans, un survivant des Pays-Bas.  Eva Morris, 92 ans, originaire de Tchécoslovaquie, a, pour sa part, confié au même journal que selon elle, « le but de Yad Vashem est de montrer ce qui peut arriver si les gens adoptent des idées diaboliques ». « La façon dont Eitam parle de nos citoyens et de nos voisins me rappelle des choses que j’ai entendues à notre sujet lorsque j’étais enfant », a-t-elle rajouté.

Dans un éditorial, le journal centre-gauche Haaretz a lui aussi appelé les ministres à voter « farouchement » contre cette nomination « pour protéger Yad Vashem ». « Le seul espoir réside dans le fait que cette fois-ci, Netanyahu a rencontré une opposition extérieure à l’arène politique, une opposition qui est confiante dans la justesse de sa cause et qui ne se rendra pas à lui ».
… et expertise en jeu

La présidente de la fédération israélienne des survivants de l’Holocauste s’inquiète aussi de l’absence de toute expérience d’Eitam dans le domaine académique et culturel. Idem pour Efraim Zuroff, directeur du Centre Simon-Wiesenthal à Jérusalem et chasseur de nazis en tant que coordinateur dans la traque de crimes de guerre nazis et Yossi Klein Halevi, chercheur principal à l’Institut Shalom Hartman de Jérusalem, l’un des principaux lieux de réflexion sur le judaïsme et sur Israël. Tous les deux ont signé une tribune commune dans le Times of Israel. « Le prochain président de Yad Vashem doit avoir une réelle sensibilité aux droits de l’homme tout en s’engageant à préserver le caractère unique de la Shoah – tout en possédant les compétences diplomatiques nécessaires pour maintenir cet équilibre compliqué. Effi Eitam ne satisfait pas aux qualifications essentielles pour ce poste. Au lieu de cela, il sera largement perçu comme l’antithèse des leçons de morale de l’Holocauste ».

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