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Héritage équitable: le combat d’une femme copte en Egypte

Christophe Lafontaine
14 janvier 2020
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Héritage équitable: le combat d’une femme copte en Egypte
Huda Nasrallah, avocate des droits de l’homme, a fait valoir que s'applique pour elle-même les lois sur les droits de succession prévues par la constitution de 2014. ©Huda Nasrallah

Un tribunal égyptien a tranché en faveur de l'application des règles chrétiennes qui accordent aux femmes et aux hommes coptes les mêmes droits de succession, a fait savoir la principale intéressée à l’AFP le 5 janvier.


« J’ai le droit de demander à être traitée comme mes frères. » Voilà l’origine du combat de Huda Nasrallah, 40 ans et copte égyptienne. Près de trois ans après que le président Abdel Fattah al-Sissi a décrété 2017 « Année de la femme » en Egypte.

A la mort de son père en décembre 2018, Huda Nasrallah, avocate des droits de l’homme, a voulu que soient appliquées les règles coptes pour le partage de l’héritage de son père. Des normes qui garantissent l’égalité entre les hommes et les femmes. Contrairement à la loi musulmane qui favorise les héritiers masculins. Et sur laquelle s’appuie encore en la matière, l’Egypte, pays majoritairement musulman.

Si le système juridique égyptien accorde à l’Eglise copte l’autorité sur les questions relevant du statut personnel comme le droit de la famille, les mariages et de divorces de ses fidèles, les lois sur les droits de succession étaient depuis les années 1940 du ressort de l’Etat pour tous les citoyens. Et ce, jusqu’au changement de constitution en 2014.

Pour autant, la loi islamique a continué de s’appliquer aux coptes alors qu’ils n’y sont logiquement plus soumis.

Être héritier en Egypte tout en étant copte

En vertu de la loi musulmane, les héritières ne peuvent pas hériter des biens de leurs parents à égalité avec les hommes. En conséquence, elles reçoivent la moitié de l’héritage accordé aux hommes de leur famille. Et c’est ce contre quoi Huda Nasrallah s’est engagée dans une bataille juridique pour recevoir le même héritage que ses frères.

Puisqu’au regard de la constitution, les choses auraient dû changer en 2014.

Après que deux tribunaux ont auparavant statué contre elle, et s’étant présentée en troisième lieu devant le juge d’un tribunal supérieur, elle a finalement reçu gain de cause.

La décision de justice qui a tranché en sa faveur s’appuie sur « l’article 3 de la Constitution égyptienne de 2014 qui garantit l’application des règles chrétiennes régissant l’héritage » dans des affaires concernant les chrétiens et « l’article 245 du règlement copte orthodoxe qui garantit, quant à lui, l’égalité dans l’héritage aux fils et aux filles du défunt », a-t-elle indiqué.

Au bilan, donc, elle recevra la même part de l’héritage de son père que ses frères, qui l’ont d’ailleurs soutenue dans ses efforts.

Jurisprudence pour l’avenir ?

Ce verdict changera-t-il définitivement les choses ? C’est en tous les cas ce que souhaite ardemment Huda Nasrallah. Quand bien même un précédent juridique rendu par un tribunal du Caire datant de 2016 n’a pour autant pas fait jurisprudence.

Mais cette fois l’affaire a été rendue publique. Et Huda Nasrallah espère faire bouger les lignes dans la société pour les femmes chrétiennes et faire des émules qui contribueront à ce que la loi islamique cesse de s’appliquer, peu à peu, aux coptes qui forment la plus importante minorité d’Egypte avec quelque 10 à 15 millions de personnes sur une population de près de 100 millions d’habitants.

Une chose est sûre, c’est moins pour l’argent que pour le principe que Huda Nasrallah s’est battue. « Je ne me bats pas pour l’héritage en soi. Mon père ne nous a pas laissé des millions », a-t-elle confié à l’Associated Press. Pour elle, l’égalité n’a pas de prix.