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Egypte : un Copte à la tête de la Cour suprême

Christophe Lafontaine
10 février 2022
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Egypte : un Copte à la tête de la Cour suprême
Boulos Fahmy, le tout premier chrétien copte à diriger la plus haute Cour du pays prête serment devant le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi au Caire le mercredi 9 février 2022 (Photo de la page Facebook du Porte-Parole de la Présidence égyptienne)

Historique. Le président égyptien a nommé président de la Haute Cour constitutionnelle d'Egypte, Boulos Fahmy, un juge chrétien copte de 65 ans. Quelle portée a ce signe de la part d’Abdel Fattah Al Sisi ?


La dernière fois qu’un Copte égyptien a fait la une, c’était en 2018 et il s’agissait d’une femme. Manal Awad Mikhail, alors âgée de 51 ans, avait en effet été nommée gouverneure de la province de Damiette en Egypte. Si elle n’était pas la première femme à siéger à un tel poste, elle en était la première femme copte.

Hier, pour la première fois, un chrétien copte a prêté serment devant le président égyptien Abdel Fattah Al Sisi en tant que nouveau président de la Cour Constitutionnelle Suprême d’Egypte, pays pourtant très majoritairement musulman. Boulos Fahmy, 65 ans, a pris ses fonctions le jour même. Il était jusqu’ici vice-président de la même institution. La veille un décret a été publié au Journal officiel prévoyant sa nomination, qui plus est au rang de ministre.

Le porte-parole de la Présidence de la République a déclaré que le Président égyptien a exprimé « ses vœux sincères au nouveau président de la Cour Constitutionnelle Suprême pour ses efforts, son dévouement et sa responsabilité pour soutenir la justice et l’application de la loi. »

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La Cour constitutionnellesuprême d’Egypte, qui siège est dans la banlieue du Caire, à Maadi, est un organe judiciaire constitutionnel indépendant de la République arabe d’Egypte, créé en 1979 pour remplacer la Cour suprême, elle-même créée dix ans plus tôt par le président Gamal Abd el Nasser. En 2017, le président Sissi a ratifié des amendements juridiques permettant au président de nommer des juges aux plus hautes cours égyptiennes.

L’article 2 de l’actuelle Constitution égyptienne, entrée en vigueur en 2014, reconnaît les « principes de la charia islamique » comme la « principale source de législation ». Après la Révolution de 2011, pendant l’intermède où le gouvernement était dirigé par les Frères musulmans, la Cour suprême a été l’un des principaux facteurs institutionnels d’opposition aux programmes d’islamisation rigide de la législation égyptienne.

« Un pas de géant inédit » mais…

La principale fonction de la Haute Cour est de vérifier et de confirmer la constitutionnalité des lois et des règlements émis par les autorités égyptiennes compétentes en la matière. Elle a aussi pour compétence d’interpréter les textes législatifs, de statuer sur les différends relatifs aux affaires de ses membres, sur les conflits de compétences entre les corps judiciaires et les entités qui se sont vus attribuer une compétence judiciaire, sur les litiges relatifs à la mise en œuvre de décisions contradictoires lorsque l’une vient d’une autorité judiciaire et l’autre d’un autre organe, et sur les litiges relatifs à la mise en œuvre de ses verdicts et décisions.

Selon l’agence catholique Fides, « les médias égyptiens ont présenté la nomination de Fahmy à la tête de la Haute Cour constitutionnelle comme un nouveau signe de la volonté du président al Sisi de garantir aux chrétiens la possibilité d’accéder aux plus hautes institutions égyptiennes ». Même son de cloche pour la cheffe du Conseil gouvernemental des droits humains, Mouchira Khattab qui a déclaré à l’AFP que la nomination de Boulos Fahmy à la tête de la plus haute instance judiciaire égyptienne, était « un pas de géant inédit », dans un pays où les chrétiens se disent marginalisés de longue date.

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Mais tous ne partagent pas cet avis. Ishak Ibrahim, un éminent expert des affaires chrétiennes en Egypte, chercheur au sein de l’ONG Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), a déclaré dans un message sur Facebook que cette décision aura peu d’impact sur la fin de la discrimination à l’encontre des chrétiens, car ils sont largement sous-représentés dans les institutions publiques égyptiennes : « Nous pourrons dire qu’il y a une amélioration significative lorsque nous constaterons que le pourcentage (de chrétiens occupant des postes) est passé d’environ 2% à un pourcentage proche de leur pourcentage numérique [ndlr : 10% de la population] ».

Les églises d’al-Sisi

La nomination de Boulos Fahmy, s’inscrit tout de même dans la continuité de mesures prises ces dernières années parle président al-Sisi en faveur de la communauté chrétienne d’Egypte, qui souffre encore de nombreuses discriminations et qui ces dernières années a vu ses églises, fidèles ou pèlerins être la cible d’attaques de groupes extrémistes, comme le groupe djihadiste Etat islamique, qui a revendiqué plusieurs attaques contre les Coptes.

Depuis sa prise de fonction en 2014, la plupart des chrétiens ont d’ailleurs vu el-Sissi comme un allié contre les islamistes. Il est par ailleurs le premier président d’Egypte à assister chaque année à la messe de Noël copte, alors que ses prédécesseurs se contentaient d’y envoyer des représentants. Il a également autorisé la construction d’églises (et la légalisation de centaines d’église bâties sans autorisation) à travers le pays après des décennies de restrictions administratives et législatives.

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Dernièrement, le 5 février, à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle église construite à El Salam City, un quartier urbain industriel et résidentiel qui a vu le jour ces dernières années dans la vaste zone du Caire, le patriarche copte-orthodoxe Tawadros II a salué la directive du président al Sisi de construire une église dans chaque nouvelle implantation urbaine. « Il est beau, a remarqué le Patriarche dans son sermon, que les dirigeants politiques se soient engagés à assurer la présence d’au moins une mosquée et une église dans chaque nouvelle zone résidentielle urbaine », a encore déclaré dans son homélie le Pape des coptes.

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