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En Egypte, des coptes dribblent contre les discriminations

Christophe Lafontaine
28 mai 2018
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En Egypte, des coptes dribblent contre les discriminations
Hany Ramzy, 2ème en partant de la droite en première ligne, a été le seul copte, membre de l'équipe nationale égyptienne. Ici au championnat du monde en Italie en 1990 © Wikimedia Italia

Une école de foot destinée aux coptes, rejetés par les professionnels égyptiens à cause de leur prénom chrétien, fête en juin ses trois ans. Zoom sur une discrimination qui court en Egypte sur le terrain du ballon rond.


« Je jouais dans un club d’Alexandrie et il m’a été demandé de jouer sous un prénom musulman », a raconté à l’AFP, le jeune copte Mina Bandari, 22 ans « Le problème s’est répété avec plusieurs clubs, ce qui m’a poussé à arrêter de jouer et à me concentrer sur la résolution du problème des chrétiens dans le football en Egypte », explique celui qui se dit le plus jeune entraîneur d’Egypte et qui n’est pas le seul à avoir pâti de cette exclusion.

Comme le rappelle l’Agence France Presse, à l’image de la sélection nationale égyptienne de football, les grands clubs du pays, à majorité musulmane, ne comptent pas de joueur copte. Aucun. Une « discrimination systématique », selon le site égyptien Mada Masr qui avait abordé la problématique dans un article en juillet 2017. Un obstacle qui empêche au pays des pyramides, les chrétiens coptes d’accéder à une carrière dans le football professionnel. Et ce en dépit des très bonnes performances de certains d’entre eux.

Pour lutter contre cette forme de racisme dans le milieu professionnel du ballon rond, Mina Bandari a fondé à Alexandrie, la deuxième ville du pays, une académie de football destinée à accueillir des joueurs – de 15 à 27 ans – chrétiens et musulmans. Mais avec un taux de participation des chrétiens plus élevé, « quel que soit leur niveau » et qui « sont rejetés » par les équipes égyptiennes « seulement à cause de leur prénom », fait savoir Mina Bandari.

L’académie « Je suis club », en français dans le texte, compte selon la version anglaise d’al-Arabyia, 60 joueurs, inscrits pour 100 livres égyptiennes par mois. L’académie fêtera son troisième anniversaire le mois prochain. Ses membres portent «  fièrement un maillot bleu frappé d’un ballon et d’une couronne surmontée d’une croix », souligne l’AFP.

« On vous rappellera »

Parmi les joueurs, Mina Samir, milieu de terrain de 17 ans, apparaît comme l’étoile montante du club. Pourtant, malgré son talent, il y a quelques années, après des essais concluants, l’entraîneur d’un « club connu » avait demandé à Mina Samir son prénom. En entendant la réponse du copte, « son enthousiasme a disparu et il m’a répondu:  » on vous rappellera  » », raconte-t-il à l’AFP. L’entraîneur n’a jamais rappelé.

Pour autant, il y a eu dans le passé un footballeur copte célèbre en Egypte : Hani Ramzy qui dit n’avoir jamais souffert de sa foi. Affirmant même que personne ne s’est jamais soucié de savoir s’il était copte ou non. Il évoluait au poste de défenseur central et est désormais entraîneur de l’Equipe d’Egypte olympique de football. Avant de jouer à l’étranger, il fit partie de la sélection égyptienne pour la Coupe du monde de football de 1990, en Italie. C’était d’ailleurs à l’occasion de la première participation de l’Egypte depuis 1934 au championnat. Mais le Capitaine des Pharaons – surnom de l’équipe nationale – à la fin des années 1990, fut « l’exception qui confirme la règle » selon le blog The Turbulent World of Middle East Soccer [le monde agité du foot au Moyen-Orient]. Son nom est cité à chaque fois en faire-valoir dès lors qu’il y a une plainte sur la discrimination des Coptes en Egypte.  De fait, « il n’y a jamais eu un seul autre joueur chrétien dans l’équipe nationale [et] très peu dans les équipes locales », remarquait le site Mada Masr. Cinq en tout et pour tout.

Les Coptes constituent pourtant la plus grande minorité égyptienne représentant 10 % de la population égyptienne (environ 96 millions d’habitants). Alors que l’Etat les considère comme un dossier de sécurité prioritaire, les coptes souffrent depuis longtemps de la discrimination sur leurs lieux de travail, dans le système éducatif et dans les institutions étatiques. Mais aussi dans le sport.

La délégation égyptienne de 2012 pour les Jeux Olympique à Londres n’avait inclus aucun copte. Et aucun des 122 athlètes qui ont concouru en 2016 pour les JO à Rio de Janeiro n’était copte. L’ONG Coptic Solidarity, basée aux Etats-Unis, avait alors décidé de porter plainte auprès du Comité international olympique et à la Fifa (Fédération internationale de football association) et avait déclaré que l’absence des coptes était « le produit d’une discrimination profondément enracinée qui existe dans l’administration de l’athlétisme et du football en Egypte, et dans la société égyptienne en général. »

Certains tentent de lutter contre ce phénomène, à l’instar de Mohamed Khalifa, entraîneur d’un petit club du nord du Caire. « Trois joueurs chrétiens y occupent des postes importants sur le terrain parce qu’ils ont du talent », explique-t-il simplement à l’AFP. Pour lui, les causes de cette discrimination ne sont pas religieuses, mais liées au « manque de compréhension et d’acceptation de l’autre. »

Magdi Abdel Ghani, ancien joueur qui siège au conseil d’administration de la Fédération égyptienne de football, nie toutefois l’existence d’une discrimination antichrétienne dans le football. « La première chose que nous apprenons dans n’importe quelle fédération c’est: non au racisme! », assure-t-il à l’agence de presse française.

Et d’ailleurs, tous ne soutiennent pas l’académie reprochant son côté « ghetto ». En effet, al-Arabiya rapportait en février les propos de l’avocat et écrivain Ragaei Attiya qui avait critiqué la création d’académies sportives pour les chrétiens. « De telles initiatives encouragent l’isolement des coptes et favorisent la division de la société en musulmans et chrétiens », avait-il écrit.