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En Egypte, le président veut une église pour chaque mosquée

Christophe Lafontaine
9 mars 2022
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En Egypte, le président veut une église pour chaque mosquée
L’église des anges à Louxor, derrière la mosquée Abou al-Haggag et le temple de Louxor, en Haute-Egypte © Mustafakariim / Wikimedia Commons

Le président al-Sissi a déclaré le 2 mars que la construction d’églises devait être incluse dans les plans d’urbanisation des nouvelles villes en Egypte. Et ce, à côté de chaque mosquée, même en cas de besoin modeste.


Pour le président égyptien, « là où il y a une mosquée, il doit aussi y avoir une église ». Abdel Fattah al-Sissi a fait le 2 mars dernier cette déclaration, qui est en réalité une demande, à Assem Al-Jazzar, ministre du Logement, des services publics et des communautés urbaines, en marge de l’inauguration d’un certain nombre de projets nationaux dans les secteurs du logement et des routes, a fait savoir abouna.org, le site arabe d’informations chrétiennes.

Le président égyptien a ainsi engagé sa parole pour faire en sorte qu’il n’y ait pas, partout dans le pays des pyramides, de nouveaux lieux avec mosquée qui soient créés, sans église. Autrement dit, un signe vers la minorité chrétienne d’Egypte, environ 10% de la population du pays, majoritairement copte, qui y voit un pas supplémentaire vers une plus grande égalité de culte entre citoyens musulmans et chrétiens.

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Ainsi, les villes nouvellement construites, grandes comme petites, devront concrètement inclure la construction d’une église dans les projets urbains et les plans directeurs des villes nouvelles, quand bien même ce lieu de culte serait fréquenté seulement par une centaine de fidèles chrétiens, a-t-il précisé. « Personne ne devra se réunir dans un appartement et présenter cette maison privée comme une église », a aussi affirmé le président égyptien.

Un précédent annonciateur ?

Le président, de confession musulmane, qui se veut le garant – de manière très médiatisée – d’un bien-vivre ensemble entre musulmans et chrétiens en Egypte, en combattant notamment le militantisme islamiste sur son sol, ou en se rendant à la messe de Noël, avait déjà marqué dans le passé un pas dans le sens de sa récente déclaration.

Le 6 janvier 2019, le chef de l’Etat avait en effet inauguré le même jour la cathédrale de la « Nativité du Christ », la plus grande cathédrale du Moyen-Orient et la mosquée « Al-Fattah Al-Alim », considérée comme l’une des plus grandes mosquées de la région arabe, dans la nouvelle capitale administrative d’Egypte, à environ 45 km à l’est du Caire.

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Un double événement voulu au nom de l’unité nationale « pour relancer l’image d’un pays fondé sur la coexistence de différentes communautés et identités religieuses », avait alors relayé l’agence catholique Fides. Cependant, la capitale administrative a été créée pour accueillir 5 millions d’habitants, avec 1 250 édifices religieux au total, mais presque tous islamiques.

« 10 règles » et un parcours du combattant administratif

L’annonce du président égyptien fait aussi écho au mouvement lancé en août 2016, par la « Loi sur la construction unifiée », ratifiée par le parlement égyptien en août de cette même année. Ce texte visait à réglementer la construction et la rénovation des lieux de culte en Egypte, et à offrir notamment une procédure administrative assouplie pour la construction des lieux de cultes chrétiens. 

La loi a aussi et surtout permis la mise en œuvre de légalisations rétroactives de lieux de culte chrétiens construits par le passé sans les autorisations requises.

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Jusqu’alors, la construction de nouveaux lieux de culte chrétiens passait par un véritable parcours du combattant administrativo-législatif, celui des « 10 règles » ajoutées en 1934 à la législation ottomane par le ministère de l’Intérieur, qui imposaient pour la construction des églises une distance à respecter par rapport aux écoles, édifices publics, canaux, voies ferrées ou encore zones résidentielles. Au bout du compte, très peu d’autorisations étaient délivrées.

Dans de nombreux cas, ce corpus de règles restrictives a empêché la construction d’églises dans les villes et villages habités par des chrétiens, en particulier dans les zones rurales de Haute-Egypte, ou alors favorisé la construction de plusieurs églises et chapelles dans toute l’Egypte, sans permis de construire. Ces églises, au nombre de 5 000, considérées comme illégales, ont parfois servi de prétextes à des groupes islamistes pour fomenter des violences à l’encontre des chrétiens.

Un écho à la régularisation de près de 2 000 églises dans le pays

Depuis la loi de 2016, une commission gouvernementale créée pour étudier les cas de possible régularisation légale d’églises ou d’annexes, s’est réunie 20 fois, pour donner à chaque fois son accord, note Fides. Jusqu’à présent, rapporte l’agence de presse catholique, 1 958 églises, dont la plupart sont coptes orthodoxes, bâtiments d’église et bâtiments de services auxiliaires ont été ainsi régularisés à condition qu’ils aient été construits dans le respect des normes de construction et du droit de propriété.

A noter aussi que l’Egypte compte plusieurs églises en construction dans de nouveaux endroits depuis 2016. Si la construction d’une nouvelle église est toujours soumise à autorisation préalable, la décision appartient aujourd’hui au gouverneur local seulement, qui dispose de quatre mois pour répondre aux demandes de construction de nouvelles églises présentées par les communautés chrétiennes. En cas de rejet, il doit motiver sa décision et les fidèles ont le droit d’interjeter appel devant les tribunaux administratifs.

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