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Un congrès à Damas pour l’avenir de l’Eglise et de la Syrie

Christophe Lafontaine
24 mars 2022
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Parmi les participants à la conférence de Damas, se trouvaient le cardinal Leonardo Sandri entouré du cardinal chaldéen Louis Sako (à gauche) et du patriarche grec melkite Youssef Absi (à droite) © 2022 Congregazione per le Chiese Orientali

Du 15 au 17 mars, Damas a accueilli le congrès : « Eglise, maison de charité - Synodalité et coordination ». Les 250 participants se sont concentrés sur la coordination humanitaire, l'avenir de la Syrie et de ses jeunes.


Le 15 mars 2011 est considéré comme l’anniversaire du début de la guerre civile en Syrie. Et le 15 mars 2022, pour la première fois en 11 ans, la Congrégation pour les Eglises orientales du Vatican a tenu une conférence dans la capitale syrienne du 15 au 17 mars. Organisé conjointement par ladite Congrégation, la nonciature apostolique en Syrie et le Conseil des chefs des Eglises catholiques présentes en Syrie, l’événement était à marquer d’une pierre blanche, « [embrassant] toute l’Eglise en Syrie : patriarches, évêques, prêtres et laïcs » a précisé à Asia News l’évêque chaldéen Antoine Audo d’Alep, qui a assuré le secrétariat de la rencontre intitulée : « Eglise, maison de charité – Synodalité et coordination ».

La rencontre a réuni 250 participants : des représentants des circonscriptions et mouvements catholiques de Syrie, des représentants des associations et des organisations les plus impliquées dans des initiatives de soutien aux communautés chrétiennes du Moyen-Orient, dont celles qui participent en tant que membres permanents à la Rencontre des œuvres d’aide aux Eglises orientales (Roaco). Ont également participé des représentants de la Curie Romaine dont le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Eglises Orientales, ou encore Mgr Giampietro Dal Toso, président des Œuvres Pontificales Missionnaires. Des délégations étrangères, notamment d’Irak, ont également rejoint l’événement.

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La conférence était consacrée à « l’écoute, au dialogue et à l’avenir des communautés chrétiennes » dans le pays avec comportait aussi une dimension régionale. Cette importante conférence a voulu exprimer la vive préoccupation de l’Eglise pour le bien des chrétiens en Syrie, mais aussi pour celui de l’ensemble du peuple syrien, pour une coexistence fructueuse entre les différentes composantes de la société et pour la reconstruction du pays.

Proximité et solidarité pour un nouveau souffle

« Nous voulons rester et renforcer notre rayonnement communautaire, organiser notre foyer et donner un nouveau souffle à des projets importants et significatifs dédiés aux familles et aux jeunes », a déclaré à Asia News Mgr Audo à l’occasion de la conférence de Damas qui aura permis de partager les expériences, les témoignages et les problèmes des uns et des autres ainsi que de « lancer la renaissance des communautés chrétiennes et de tout le pays », a-t-il encore fait savoir. Et l’évêque de se réjouir des fruits de la rencontre : « nous avons vraiment eu l’impression de vivre une Pentecôte » et de « redécouvrir toutes les richesses ecclésiales, pastorales et sociales » qui « nous distinguent ».

En amont de la conférence, le nonce apostolique en Syrie avait de son côté évoqué la situation désastreuse du pays dans une interview à Vatican News publiée le 15 mars. « On pourrait dire, a-t-il confié, que les gens, quelle que soit leur confession religieuse, vivent un carême et un jeûne ininterrompus depuis 11 ans. Il est important, avant tout, de rester proches et solidaires. »

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Le cardinal Zenari a aussi voulu souligner que le 11e anniversaire de la guerre était « un triste anniversaire, d’abord parce que la guerre n’est pas encore terminée et aussi parce que, depuis quelques années maintenant, la Syrie semble avoir disparu du radar médiatique. D’abord la crise libanaise, puis le COVID-19, et maintenant la guerre en Ukraine ont pris sa place ». Pour lui, l’«autre grand malheur » de la Syrie est d’être tombée dans l’oubli.

Depuis le début de la guerre, le conflit a fait plus d’un demi-million de morts, plus de 6,6 millions de réfugiés et plus de 6,7 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Encourager la coordination des activités caritatives

Pour faire face à la grave urgence humanitaire qui reste donc toujours d’actualité, la nonciature apostolique et l’assemblée des évêques et des patriarches locaux ont travaillé ensemble pour organiser la conférence de Damas afin de mieux coordonner le travail caritatif et social. « Parfois, la répartition des ressources qui arrivent de l’extérieur semble chaotique. Chacun suit son propre chemin », a expliqué Mgr Boutros Marayati, l’archevêque arménien catholique d’Alep, dont les propos ont été rapportés par Fides.

La conférence a permis de réunir un grand nombre d’acteurs du monde humanitaire et caritatif tels Caritas Syrie, Caritas Internationalis, des agences des Nations unies, le Service Jésuite des Réfugiés, L’Aide à l’Eglise en Détresse, L’Œuvre d’Orient, l’Association italienne des Volontaires pour le Service International, actif dans le projet « Hôpitaux ouverts » qui contribue au fonctionnement des trois hôpitaux catholiques du pays, accueillant aussi bien des chrétiens que les musulmans.

Miser sur les nouvelles générations

Il est ressorti des journées de travaux, d’échanges et de témoignages la nécessité « de définir les priorités pour aller de l’avant et optimiser l’engagement [de l’Eglise] pour les années à venir », a affirmé Mgr Audo.

A cette fin, « nous entendons accorder une grande attention aux jeunes et à l’avenir de la Syrie, qui est aussi l’avenir des nouvelles générations. Nous voulons comprendre comment les aider à retrouver la confiance dans l’Eglise et dans le pays » après avoir été confrontés à la violence, à la tentation forte d’émigrer et à la perte de toute perspective pendant des années.

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Le délégué de Caritas Syrie a de fait évoqué la situation concrète de pauvreté qui règne dans le pays, « générée par des années de guerre et aggravée par les sanctions internationales, qui en plus d’augmenter dramatiquement le coût de la vie, obligent beaucoup de personnes à penser à l’émigration, laissant les pauvres de plus en plus pauvres ». Et le Cardinal Zenari dans son interview à Vatican News avait sonné l’alarme : « une nation sans jeunes, et sans diplômés en plus, est une nation sans avenir ». La situation de l’emploi et la question des logements ont donc été naturellement retenues comme chantiers prioritaires.

Créer un Secrétariat de solidarité

Pour relever le défi, le cardinal Leonardo Sandri a souligné le besoin pressant « de pasteurs présents et qui fassent sentir leur proximité avec le troupeau qui leur est confié ». Il a également insisté – et cela va de la transparence aux bonnes pratiques de gestion – sur « la nécessité d’une administration correcte des circonscriptions ecclésiastiques, notamment pour garantir la crédibilité de l’interlocuteur lors de la présentation de projets d’aide ou de développement », a résuméVatican News.

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Le prélat a par ailleurs annoncé que la Congrégation pour les Eglises Orientales, « au nom du Saint-Père François », mettrait à disposition une somme de 100 000 dollars américains « pour un ou plusieurs projets qui seront élaborés et présentés exclusivement sous forme « synodale » à partir des travaux [ndlr : de la conférence] ». Notamment concernant la formation des jeunes, la promotion du travail et l’accompagnement des jeunes couples.

« Nous devons quitter les communautés individuelles et travailler ensemble pour le présent et l’avenir de la Syrie et de la communauté chrétienne qui y vit » ; a-t-il ajouté avant d’inviterà la création d’un organisme similaire au Secrétariat de solidarité en Terre Sainte qui pourrait coordonner l’action caritative des Eglises en Syrie. Créé par la Congrégation pour les Eglises orientales en 1977, ce dernierdépendde la Délégation apostolique à Jérusalem et travaille en étroite relation avec les représentations pontificales, principalement au service des écoles catholiques de Terre Sainte (Palestine, Israël, Jordanie et Chypre) qui ne sont pas gérées par la Custodie de Terre Sainte ou par le Patriarcat latin.

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