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Jérusalem, Bethléem… Après l’attaque contre l’Iran, Israël serre la vis de l’occupation

Cécile Lemoine
16 juin 2025
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Jérusalem (vieille) ville fantôme. Seuls les magasins "essentiels" sont autorisés à ouvrir depuis le 13 juin ©Cécile Lemoine

Dans la foulée de l'offensive contre l'Iran, les autorité israéliennes ont bouclé les villes de Cisjordanie et la vieille ville de Jérusalem.


Il est venu tout jeter. Tous ses gâteaux. Jack Amer, pâtissier bien connu du quartier chrétien a réussi à passer les contrôles de la porte de Jaffa pour venir nettoyer son échoppe, ce lundi 16 janvier, avant une période de fermeture indéterminée. Dans la foulée de la fulgurante offensive lancée contre l’Iran le 13 juin, les autorités israéliennes ont décidé de boucler la vieille ville de Jérusalem.

Comme tous les commerces jugés « non-essentiels », Jack a reçu, dès le 14 juin, une visite de la police lui intimant de fermer boutique. En cas d’ouverture, l’amende est de 250 euros. Seuls les épiciers et les marchands de légumes ont l’autorisation de lever le rideau.

Mais la définition de « commerces essentiels » semble varier d’un quartier à un autre. Si aucun café ni restaurant de rue n’a pu ouvrir dans les quartiers chrétiens et musulmans, les boutiques de glace et les restaurants de shawarma du quartier juif sont eux opérationnels. Une banderole flotte au-dessus d’une échoppe de jus de fruit : “Make Gaza Jewish Again”. Ambiance.

« Même pendant le Covid il y avait plus de vie »

« À chaque nouvelle guerre, notre situation s’empire. C’est la fin de cette ville« , souffle Jack. À quelques pas de sa boutique, le Saint-Sépulcre garde lui aussi porte close. Le Mur des Lamentations et l’Esplanade des Mosquées sont logés à la même enseigne. « Par mesure de sécurité, on veut éviter les rassemblements », a expliqué la police aux communautés religieuses qui gardent la basilique.

“Même pendant le Covid il y avait plus de vie et de passage”, souffle Omar Ayyoub, gardien de la basilique de la Résurrection. Habitant de Ramallah, en Cisjordanie occupée, il n’a pas pu retourner chez lui ces trois derniers jours : “Tous les checkpoints sont fermés.” 

La police a demandé aux Églises de garder la porte du Saint-Sépulcre fermer, pour « éviter les rassemblements » ©Cécile Lemoine

Pendant trois jours, l’armée israélienne a bloqué les accès des villes en fermant les près de 900 barrières qui coupent les routes palestiniennes. À Bethléem, samedi 14 janvier, seul un accès, secondaire, permet d’entrer et de sortir. La voie, trop étroite et escarpée, se transforme en goulot d’étranglement à l’heure de pointe, en milieu d’après-midi. Camions et voitures, contraints de se croiser dans un espace insuffisant, créés un énorme embouteillage. 

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“Ce n’est pas une vie !” s’énerve Jalal Asakereh. Il est descendu du taxi partagé dont il est le conducteur, en attendant que le trafic se fluidifie : “Les Israéliens contrôlent tout : nos routes, nos déplacements, nos terres… Ils utilisent le moindre prétexte pour rendre nos vies encore plus misérables qu’elles ne le sont.” Dans un réflexe d’urgence, les Palestiniens se sont précipités dans les magasins et les stations essences. Samedi soir, celles de Bethléem étaient vides. 

« Tout le monde est enfermé, et le pire c’est qu’on s’habitue« 

Le même jour, l’armée israélienne a installé de grands panneaux près des barrières qui ceinturent Hébron, grande ville industrieuse et commerçante du sud de la Cisjordanie occupée. “En raison de la situation sécuritaire actuelle, l’armée israélienne a imposé une fermeture préventive de votre zone afin de préserver votre sécurité : il est strictement interdit de quitter la zone jusqu’à nouvel ordre”, peut-on y lire. La phrase suivante dit : “Le terrorisme et les terroristes n’apportent que mort, destruction et dévastation. L’armée israélienne les traitera avec une main de fer.”

L’armée israélienne installe des bannières aux entrées d’Hebron pour annoncee une interdiction d’entrer et de sortir jusqu’à nouvel ordre ©Ramallah News

“Les communes palestiniennes sont désormais hermétiques entre elles. Comme des cantons isolés. Tout le monde est enfermé, et le pire c’est qu’on s’habitue”, témoigne Anwar Abu Eisheh, ancien ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne et habitant d’Hébron.

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Celui qui s’est longtemps battu pour la paix et une solution à deux États constate une accélération de l’occupation : “Des soldats ont expulsé des civils palestiniens de leurs maisons pour en faire des bases militaires. Ils reproduisent dans l’ensemble d’Hébron ce qu’ils faisaient jusqu’alors dans la vieille ville.” Colonisée de l’intérieur, la vieille ville est divisée en deux zones dont l’une est totalement inaccessible aux résidents palestiniens.

Dans Jérusalem-Est, le quartier palestinien de A-Tur s’est lui retrouvé isolé après que ses deux rues principales ont été bouchées avec de gros blocs de béton. “Le renforcement des restrictions, les raids, les arrestations et les fermetures de sites religieux sont justifiés par des raisons de sécurité, mais dans la pratique, il s’agit d’outils politiques utilisés pour réprimer la présence palestinienne dans l’espace public et faire taire toute expression légitime”, ont dénoncé Ir Amim et Bimkom, deux organisations israéliennes de défense des droits de l’homme dans une déclaration commune le 15 juin : “La population palestinienne de Jérusalem-Est est traitée comme une menace collective, et non comme une population civile légitime qui fait partie intégrante du tissu urbain.”

Face à l’escalade des tensions irano-israéliennes, le sommet sur la solution à deux États, censé se tenir à l’ONU du 17 au 20 juin a été reporté sine die. Porté par la France et l’Arabie, il aurait dû faire avancer la question de la reconnaissance de l’Etat Palestinien. Un sujet qui ne fait désormais plus partie des priorités.

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