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Communiqué commun des prêtres de Taybeh contre de nouvelles attaques des colons israéliens

Marie-Armelle Beaulieu
8 juillet 2025
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L'incendie provoqué par les colons est arrivé au pied de l'abside de l'église Saint-Georges le Khader, à Taybeh. ©Collectif de Taybeh

Le village chrétien de Taybeh en Cisjordanie est dans la ligne de mire des colons. Aux attaques sporadiques de l’année écoulée, succèdent les provocations quotidiennes. Dans un communiqué commun, les trois prêtres du village en appel à la communauté internationale.


Dans un communiqué commun, envoyé aux médias arabes le mardi 8 juillet, les prêtres des trois confessions chrétiennes de Taybeh – grecque orthodoxe, latine et grecque-catholique melkite – dénoncent « avec la plus grande fermeté » une série d’attaques menées par des colons israéliens contre leur village, ses habitants, ses terres agricoles et ses lieux saints.

La déclaration, signée par les pères Daoud Khoury, Jack-Nobel Abed et Bashar Fawadleh, fait suite à l’incendie déclenché lundi 7 juillet aux abords du cimetière de Taybeh et de l’église byzantine Saint-Georges (Al-Khader), datant du Ve siècle, l’un des plus anciens édifices religieux de Palestine. L’intervention rapide des pompiers et la vigilance des villageois ont évité le pire, mais les prêtres dénoncent une situation devenue « insoutenable ».

Cette attaque s’inscrit dans une série d’actes, de harcèlement et de provocations documentés depuis plusieurs mois, dans ce village chrétien situé à l’est de Ramallah. Plusieurs incidents avaient déjà été signalés au printemps 2024 : intrusion de colons dans des propriétés agricoles, saccage de plantations, tirs en l’air, construction illégale d’avant-postes, sans intervention des forces de sécurité israéliennes.

Fin juin, une maison à l’une des entrées du village avait été attaquée.

Taybeh – l’ancienne Éphraïm biblique, où l’Évangile (Jean 11,54) situe un moment-clé de la vie de Jésus – est la dernière localité entièrement chrétienne de Cisjordanie. Ses quelque 1 300 habitants vivent principalement de l’agriculture, notamment de la culture de l’olivier, ainsi que de petites industries familiales.

Un colon sur les terres du village de Taybeh fait pâturer ses vaches ©Collectif de Taybeh

Or, d’après le communiqué, la moitié orientale du territoire communal est aujourd’hui sous pression constante. Depuis jeudi de la semaine dernière, des colons viennent faire paître leurs troupeaux sur les terrains familiaux, ravageant les cultures et bloquant l’accès aux terres. Les oliviers, véritable pilier de l’économie locale, sont systématiquement endommagés.

« Les colons viennent faire pâturer leurs vaches sur nos terres. Ils sont armés, nous n’osons pas approcher. Mais en ne disant rien, nous nous exposons à ce qu’ils en fassent un précédent », déclare un villageois.

Les vaches comme nouvel outil de colonisation. La technique est utilisée aux abords d’un nombre grandissant de villages de Cisjordanie. « Ils viennent sur les terres d’un village avec un troupeau. Personne ne leur dit rien [ils sont systématiquement armé NDLR]. Et de jour en jour ils approchent plus près.  Ils font ça de façon répétitive, puis un jour ils labourent la terre et affirment « C’est à nous ». On les a vu procéder ainsi dans des terres plus haut dans des secteurs plus agricoles. Maintenant c’est au tour de Taybeh. »

L’incendie aux pieds de l’antique église du village a été l’élément déclencheur du communiqué des prêtres dans lequel ils dénoncent également l’émergence d’avant-postes illégaux, installés avec le soutien ou la complaisance des autorités israéliennes. Ces implantations servent de base logistique à de nouvelles agressions, alimentant un climat de peur et de harcèlement quotidien.

Un appel au monde chrétien et à la communauté internationale

Les signataires du texte appellent les Églises à travers le monde, les diplomates en poste à Jérusalem et en Palestine et les organisations internationales à sortir de leur réserve. Ils exigent :

  • l’ouverture d’une enquête indépendante sur les incendies et agressions ;
  • une pression diplomatique concrète sur les autorités israéliennes pour faire cesser les incursions ;
  • l’envoi de délégations ecclésiales et internationales sur le terrain pour documenter les violations ;
  • un soutien économique et juridique aux habitants, afin de renforcer leur résilience.

« La Terre Sainte ne peut rester vivante sans son peuple autochtone », écrivent-ils. « L’expulsion des agriculteurs, la menace contre les églises, et l’encerclement de nos villages sont autant de blessures infligées au cœur de cette nation. »

Une mobilisation encore trop timide

Dans les coulisses, des acteurs ecclésiaux commencent à réagir. À la mi-juin, une délégation de religieux européens avait visité Taybeh pour y exprimer leur solidarité. Mais les initiatives restent sporadiques.

Du côté israélien, les autorités ne réagissent pas officiellement à ces accusations. L’armée affirme de manière générale « garantir la sécurité de tous les citoyens », mais dans les faits aucune mesure concrète n’a été prise pour protéger Taybeh des incursions ni pour démanteler les avant-postes. Et pour les colons le sentiment d’impunité est totale.

« Quand nous distribuons des ordres de destruction des avant-postes de colons, nous devons aussi distribuer des ordres de destructions dans les villages palestiniens « pour faire bonne mesure » », déclare un officier sous couvert d’anonymat.

Alors que la situation en Cisjordanie continue de se détériorer dans un contexte régional explosif, Taybeh devient malgré elle un symbole : celui d’une présence chrétienne ancestrale qui craint pour sa survie sur ses terres. Les prêtres en sont conscients. Leur communiqué se clôt sur une affirmation ferme : « Nous demeurons dans notre foi et notre espérance. La vérité et la justice triompheront, c’est une certitude. »

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