Résolution 2803 : la question palestinienne mise sous tutelle internationale ?
Pour son 5e communiqué, le collectif œcuménique chrétien Jerusalem Voice for Justice, Une voix de Jérusalem pour la Justice, fait sa propre lecture de la dernière résolution votée à l’ONU sur la Palestine et déplore que les Palestiniens de Gaza ne dépendent d’une administration coloniale.
Le 17 novembre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté, à une large majorité, la résolution 2803, élaborée par l’administration américaine. Treize États ont voté pour ; la Russie et la Chine se sont abstenues. C’est la 192e résolution concernant la Palestine à en croire une liste établie sur Wikipédia.
Le texte [1] prévoit la création d’un “Board of Peace”, un Conseil de la Paix, placé sous la présidence de Donald Trump, chargé de superviser une Force internationale de stabilisation dans la bande de Gaza.
À Jérusalem, l’initiative a suscité une réaction du collectif œcuménique Jerusalem Voice for Justice, engagé pour l’égalité et une paix juste en Palestine/Israël. Leur communiqué, daté du 19 novembre 2025, analyse le vote et ses implications.
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Le communiqué souligne d’abord qu’il existe “quelques aspects positifs” dans la dynamique américaine, notamment depuis l’annonce du Plan Trump du 4 octobre 2025 et le cessez-le-feu entré en vigueur le 10 : diminution du nombre de destructions, de déplacements forcés et d’actes qualifiés de génocidaires, même si, selon le texte, la destruction de Gaza “se poursuit”. Les auteurs notent que “environ 250 Gaziotes ont été tués et 650 blessés depuis le début de la trêve”.
L’autodétermination palestinienne placée sous condition
Le communiqué critique fortement le fait que la résolution conditionne l’autodétermination palestinienne à des “réformes”. Les auteurs s’interrogent : s’agit-il de réformes pour améliorer la gouvernance, ou d’un moyen « d’imposer les contraintes israélo-américaines » à ce que pourrait devenir un État palestinien ?
Selon le texte, le droit d’un peuple à disposer de lui-même ne peut pas être soumis à l’aval de ceux qui l’ont entravé pendant des décennies. Il affirme aussi que tout processus politique crédible doit commencer par un vote libre, sans ingérence extérieure.
Pour Jerusalem Voice for Justice, la création d’un organe international dirigé par un président étranger revient à instaurer une “administration coloniale”. Le communiqué dénonce le fait que cette architecture institutionnelle soit conçue « par des acteurs extérieurs », sans véritable ancrage local.
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Le texte déplore surtout l’absence de vision globale : selon le communiqué, la résolution passe sous silence la situation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où les auteurs décrivent « le démantèlement violent de camps de réfugiés et de villages, la brutalité de l’armée, de la police et de milices de colons, ainsi que les entraves permanentes à la vie quotidienne des Palestiniens ».
Le communiqué reproche également à la résolution de limiter la genèse du conflit au seul 7 octobre 2023, ce qui « occulte la véritable origine du problème ». Il replace l’événement dans une perspective longue, depuis la Déclaration Balfour de 1917, qui selon les auteurs a instauré « une division fondamentale entre Juifs et non-Juifs », puis le plan de partage de 1947, qu’ils considèrent comme une prolongation de la logique coloniale britannique.
Les auteurs reconnaissent que les Juifs ont un lien réel et ancien avec cette terre, et qu’ils ne sont pas de simples colons européens. Mais, toujours selon le communiqué, ce lien ne confère ni exclusivité ni droit à la dépossession, à l’occupation ou à la violence, encore moins à ce qu’ils qualifient de « génocide ».
Le texte appelle à démanteler “le système d’ethnocentricité, de discrimination et d’occupation” et à construire une réalité nouvelle : une société multiculturelle, pluraliste, fondée sur l’égalité et la justice pour tous les habitants de la région, qu’ils soient Palestiniens ou Israéliens juifs.
En Israël, entre soulagement pragmatique et rejet viscéral
En Israël, la résolution 2803 a suscité des réactions contrastées parmi les Israéliens juifs. Une partie du public — notamment les milieux centristes, sécuritaires mais non idéologiques — a accueilli le texte avec un soulagement prudent. Pour eux, la mise en place d’une Force internationale de stabilisation pourrait diminuer la pression militaire permanente, limiter les incursions et alléger le coût humain, psychologique et économique de la « gestion de Gaza ».
Dans les cercles proches des milieux d’affaires et de la haute fonction publique, on souligne également la perspective de ramener une forme de normalité, au moins partielle, sur le front sud après deux années d’opérations militaires continues.
À l’inverse, les partis national-religieux, l’extrême droite et une partie importante de l’électorat de droite dénoncent ce qu’ils considèrent comme une ingérence internationale inacceptable. La perspective de voir la sécurité de Gaza placée sous une autorité étrangère, fût-elle supervisée par Washington, est perçue comme une atteinte à la souveraineté israélienne, voire comme une défaite symbolique infligée à Tsahal.
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Dans les milieux des colons et autour du ministre de la Sécurité nationale, la résolution est décrite comme un « piège » qui empêcherait Israël d’achever, selon leurs termes, le « démantèlement total du Hamas » et qui créerait un précédent dangereux : l’idée qu’un territoire sous contrôle israélien puisse être administré par une structure internationale.
Entre ces deux pôles, la majorité silencieuse des Israéliens réagit surtout avec lassitude. Deux ans après le 7 octobre, une grande partie de la population n’attend plus de “solution politique”, mais seulement un peu de stabilité. Pour ces familles, ce qui importera n’est pas la forme institutionnelle — Conseil de la Paix, force multinationale ou comité spécial — mais la capacité réelle du dispositif à empêcher la reprise des tirs, des enlèvements et des incursions, et à réduire le climat de tension qui domine la vie quotidienne depuis la guerre.
N’en déplaise au Président américain, il n’a pas encore trouvé la recette pour faire la paix entre Israéliens et Palestiniens.
[1] Pas encore publié sur le site des Nations Unis, mais disponible en anglais sur plusieurs sites arabes dont https://www.middleeasteye.net/news/full-text-us-resolution-gaza-approved-un-security-council



