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Charles de Foucauld chez les clarisses de Jérusalem

Pierre Moracchni pour Le Messager de Saint-Antoine
15 mai 2022
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Icône de Charles de Foucauld dans une chapelle de I'billin en Galillée. ©MAB/CTS

Charles de Foucauld, le « petit frère universel », est canonisé ce jour à Rome. Il a passé plusieurs années en Terre Sainte, où son souvenir est encore vivant, spécialement chez les clarisses qui l'ont accueilli.


Entre 1898 et 1900, Charles de Foucauld, officier de cavalerie devenu trappiste effectue plusieurs séjours chez les clarisses de Jérusalem. L’abbesse, sœur Élisabeth du Calvaire, jouera un rôle déterminant dans son cheminement spirituel et l’approfondissement de sa vocation. À Jérusalem, le souvenir de Frère Charles est toujours vif chez les clarisses.

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Il y a un fou qui demande à parler à Notre Très révérende Mère ! » C’est ainsi que la portière du monastère Sainte-Claire de Jérusalem se souvient encore dans les années 1960 avoir annoncé, vaguement inquiète, l’arrivée de Charles de Foucauld à son abbesse, Sœur Élisabeth du Calvaire, en 1898. Et Frère Charles, qui avait tout entendu, de renchérir : « Oui, oui, c’est un fou ». Il est vrai qu’avec son accoutrement bizarre et ses manières trahissant une parfaite éducation, cet homme encore jeune intrigue. À cette époque, le vicomte de Foucauld, ex-officier de cavalerie, traverse une période de recherche spirituelle. Après s’être converti en se confessant à l’abbé Huvelin (1886), il devient trappiste (à Notre-Dame-des-Neiges puis à Akbès en Syrie), mais, constatant que ce n’est pas sa voie, il quitte l’Ordre et rejoint la Terre sainte, et plus précisément les clarisses de Nazareth, où il devient l’homme à tout faire de la communauté.

Au monastère des Clarisses de Jérusalem @Marco Gavasso/CTS

Nazareth et Jérusalem

Fondé en 1884 par des sœurs venues de Paray-le-Monial, le monastère de Nazareth, après avoir surmonté des débuts difficiles marqués par l’opposition des franciscains, était parvenu à essaimer à Jérusalem (1888). L’abbesse de Nazareth, sœur Élisabeth du Calvaire, avait rejoint elle-même la Ville sainte, y était devenue abbesse, et avait gardé une certaine autorité sur les deux communautés.

Lorsque Charles de Foucauld entre au service des clarisses de Nazareth, sa réputation de sainteté se propage très vite et arrive aux oreilles de sœur Élisabeth, laquelle se demande si les sœurs de Nazareth ne sont pas en train de se faire « arnaquer » par un aventurier ou un agent secret. Pour en avoir le cœur net, elle le fait venir à Jérusalem. Parti seul, à pied, en quêtant sa nourriture, Frère Charles traverse la Galilée et arrive au monastère de Jérusalem le 24 juin ; la portière l’introduit aussitôt au parloir. Écoutons le récit des sœurs : « Notre Mère le reçut avec une certaine méfiance, qui tomba dès ses premières paroles. Femme supérieure, habituée à juger les âmes et à pressentir les voies particulières par lesquelles le Divin Maître fait souvent passer ceux qu’il destine à de grandes missions, elle eut l’intuition que celui que l’on appelait “Frère Charles” était une de ces âmes d’élite, conduite par des voies mystérieuses, mais qui aboutirait à une sainteté peu commune ».

Tête à tête avec l’abbesse

Logeant dans un petit débarras proche du monastère, Charles de Foucauld se met au service de la communauté à chacun de ses passages, notamment pendant celui qui dura six mois, entre septembre 1898 et février 1899. Il veille aussi de longues heures devant le Saint-Sacrement, jour et nuit, dans la chapelle provisoire du monastère – à l’emplacement de l’actuel parloir. À chaque fois, il rencontre mère abbesse qui exerce un fort ascendant sur lui et devient sa mère spirituelle. À l’abbé Huvelin, il rapporte leurs dialogues :

« Elle : “Et puis, pourquoi n’êtes-vous pas prêtre ?” Moi : “D’abord parce que je voulais quitter mon Ordre [la Trappe] ; ensuite, parce que je voulais rester à la dernière place” ; Elle : “Comme prêtre, vous seriez aussi bien dans l’imitation de Jésus que maintenant car, sa pauvreté, vous la pratiqueriez de même, vous l’imiteriez dans sa vie publique au lieu de l’imiter dans sa vie cachée. L’abjection même ne diminuerait pas ; au lieu de la trouver comme lui à Nazareth, dans l’obscurité et l’abaissement de la vie d’ouvrier, vous la trouverez comme lui évangélisant dans les contradictions, les difficultés, les échecs, les calomnies, les persécutions. Je vous offre d’être notre aumônier, soit ici, soit à Nazareth, à votre choix, aussi longtemps que vous vivrez” ; Moi : “Il faut pour cela être appelé par Dieu… Jésus a quitté la vie d’ouvrier pour celle d’ouvrier évangélique mais seulement lorsque son heure fut venue. Offrir le Saint-Sacrifice me semble un rêve, tant je m’en sens profondément indigne” ». Continuant à s’adresser à l’abbé Huvelin, Frère Charles poursuit : « Il est évident que la proposition si généreuse, si affectueuse, si maternelle de cette sainte âme, concorde absolument avec ce désir secret qu’elle ne connaît pas. Elle rend possible ce qui me semblait impossible ».

Le trésor des clarisses de Jérusalem

Le 9 juin 1901, Charles de Foucauld, retourné en France, est ordonné prêtre à Viviers. Il ne deviendra jamais l’aumônier des clarisses de Jérusalem, mais il restera en contact avec les sœurs. En avril 1914, depuis Tamanrasset, il leur écrit encore : « Merci de prier pour nos pauvres infidèles. Puisse la lumière du Christ luire enfin sur eux et ce Lazare sortir enfin du tombeau. Nous avons nous chrétiens Français de graves devoirs envers les infidèles de nos colonies. Ce sont des enfants que Dieu nous a donnés à sauver, à élever, à évangéliser ». Au-delà de cette vision colonialiste, inacceptable aujourd’hui, reconnaissons le désir missionnaire du Salut pour tous, chevillé au cœur de Frère Charles.

Outre ces lettres, le monastère conserve de multiples souvenirs du « petit frère universel » : merci à sœur Mariachiara de nous avoir ouvert ce trésor ! Créatif, doué pour le dessin, Charles de Foucauld a exécuté des projets d’ornements d’église, des vues du monastère et d’autres de Nazareth, ou encore des scènes franciscaines (la remise de la Règle par François, sainte Élisabeth de Hongrie…). Dans la grande tradition des frères au service de communautés féminines, il a réalisé tout un jeu de cartes spirituel pour la récréation des sœurs. Il a enfin laissé de nombreux exemples de sa célèbre signature qui a été comme un signe de ralliement pour beaucoup de catholiques d’Occident au temps du Concile Vatican II : deux mots, Jésus et Caritas, une petite croix et un cœur.

Que cette canonisation raffermisse les liens entre les clarisses de Jérusalem et la France. Vous effectuez un pèlerinage en Terre sainte ? Prenez le temps de venir saluer les clarisses : elles sont faciles à trouver, au sortir de la ville, sur la route de Bethléem. ?

Monastère Sainte Claire,
3 Chanoch Albeck POB 1013, 9100901 Jérusalem
Tél. : +972 (02) 671 75 34 – clarisse.gerusalemme@gmail.com

—- Article paru dans Le Messager de Sainte Antoine de mai 2022. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la rédaction.

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En Mai 2016, Terre Sainte Magazine avait consacré deux articles à la présence de Charles de Foucauld en Terre Sainte

 

 

 

 

 

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