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Gaza : « Une dignité intacte malgré l’agonie » selon les patriarches Theophilos et Pizzaballa

Rédaction
22 juillet 2025
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Pierbattista Pizzaballa, à gauche, patriarche latin, Theophilos III à droite, patriarche grec-orthodoxe, lors de la conférence de presse donnée au Centre Notre-Dame à Jérusalem, le mardi 22 juillet, après leur visite à Gaza. ©Francesco Guaraldi/CTS

Dans l’auditorium du Centre Notre-Dame de Jérusalem, les patriarches Theophilos III et Pizzaballa sont revenus sur leur visite des paroisses de Gaza. Au-delà de la communauté chrétienne, ils dénoncent une situation « moralement inacceptable et injustifiable ».


Jérusalem, 22 juillet 2025 — Deux voix, un seul cri. Le patriarche grec-orthodoxe Théophile III et le cardinal Pierbattista Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, sont revenus ce mardi sur leur visite conjointe à Gaza. Bouleversés par ce qu’ils ont vu, les deux chefs d’Église ont tenu une conférence de presse à Jérusalem, livrant un message d’une rare intense et sans ambigüité.

« Nous sommes entrés en serviteurs du Corps souffrant du Christ, nous avons marché parmi les blessés, les endeuillés, les déplacés et les fidèles dont la dignité reste intacte malgré leur agonie », a déclaré Théophilos III en ouverture. [Message intégral en anglais]. « Nous avons trouvé un peuple écrasé par le poids de la guerre, mais portant en lui l’image de Dieu », poursuivait-il.

Les deux patriarches, entrés à Gaza vendredi de la semaine dernière 18 juillet, ont dit y être allés non comme des « politiciens ou diplomates, mais en tant que pasteurs », insista le cardinal Pizzaballa tandis que le patriarche grec rappelait que « la mission de l’Église en temps de dévastation est enracinée dans le ministère de la présence. »

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« Nous avons marché dans la poussière des ruines, passant devant des bâtiments effondrés et des tentes partout : dans les cours, les ruelles, dans les rues et sur la plage – des tentes devenues des foyers pour ceux qui ont tout perdu. Nous étions parmi des familles qui ont perdu le compte des jours d’exil, faute d’horizon pour le retour », racontait le cardinal Pizzaballa [Message intégral en anglais].

Le Christ est à Gaza

« Et pourtant, au milieu de tout cela, nous avons rencontré quelque chose de plus profond que la destruction : la dignité de l’esprit humain qui refuse de s’éteindre. Nous avons vu des mères qui cuisinent pour les autres, des infirmières qui pansent les plaies avec douceur, des enfants qui jouent sans même ciller des yeux, habitués au bruit des bombardements », disait le cardinal Pizzaballa, encore empreint des impressions vécues, lui qui a prolongé sa visite jusqu’à lundi .

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Au cœur de cette désolation, les deux patriarches témoignent d’une conviction indéfectible : le Christ n’est pas absent. Il est là, crucifié dans les corps blessés, enseveli sous les ruines, mais aussi présent dans chaque geste de miséricorde. « Il est dans chaque main tendue, dans chaque bougie allumée dans l’obscurité », a affirmé le patriarche latin.

Leur présence n’est pas simplement symbolique. Elle signifie une chose claire : l’Église ne quittera pas Gaza. « La communauté chrétienne tout entière ne les abandonnera jamais », a déclaré Pizzaballa.

Visite des patriarches à l’hopital anglican de Gaza, Al-Ahli Arabi, vendredi 18 juillet 2025. ©lpj.org

Appel à la communauté internationale

Les deux responsables religieux ont aussi pris soin d’adresser un message à la communauté internationale, sans détour : « Le silence face à la souffrance est une trahison de la conscience », a lancé Théophile III.

Et Pierbattista Pizzaballa d’ajouter, avec gravité : « L’aide humanitaire n’est pas seulement nécessaire. C’est une question de vie ou de mort. La refuser n’est pas un retard, c’est une condamnation. »

Ils dénoncent notamment les longues heures d’attente des hommes debout sous le soleil, espérant un repas, une bouteille d’eau, un peu de soin. « C’est une humiliation insupportable quand on la voit de ses propres yeux. C’est moralement inacceptable et injustifiable », a martelé le cardinal Pizzaballa.

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Les deux patriarches ont salué le travail des ONG locales et internationales, chrétiennes et musulmanes, religieuses et laïques, « qui risquent tout pour apporter un peu de vie dans cette mer de dévastation ».

Les mots des deux chefs d’Église vont bien au-delà de l’indignation. Ils appellent à un renversement radical des logiques en place. Il ne peut y avoir de futur fondé sur « la captivité, le déplacement ou la vengeance », insista le cardinal. À la violence sans fin, ils opposent la nécessité d’une paix humaine, réelle, concrète.

Sur les plages, les tentes de ceux qui ont tout perdu. Le 12 juillet, un porte-parole de Tsahal a rappelé aux Gaziotes l’interdiction qui leur est faite de se baigner. Il fait 40 degrés ressentis à Gaza. ©lpj.org

Le cardinal Pizzaballa a repris les mots du pape Léon XIV prononcés lors de l’Angélus de dimanche dernier 20 juillet, appelant au respect du droit humanitaire, à la protection des civils, à l’interdiction des punitions collectives et des déplacements forcés.

« Il est temps de mettre fin à cette absurdité, de cesser la guerre et de placer le bien commun des personnes comme priorité absolue », a proclamé Pizzaballa.

Une réconciliation douloureuse, mais possible

L’après-guerre, affirment-ils, devra être plus qu’une reconstruction matérielle : une œuvre de réconciliation authentique.

« Nous aurons un long chemin à parcourir pour guérir les blessures profondes qu’a laissées cette guerre dans la vie de trop de personnes », avertit le patriarche latin.

Mais il ne s’agira pas d’une réconciliation superficielle. Elle sera exigeante, douloureuse, patiente. « Non pas oublier, mais pardonner. Non pas effacer les blessures, mais les transformer en sagesse ».

Les deux patriarches concluent d’une même voix : l’Église reste engagée pour une paix juste, pour la dignité humaine inconditionnelle, pour un amour qui transcende les frontières. « Bénis soient les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9), a rappelé Théophile III. Et Pizzaballa de prévenir : « Ne faisons pas de la paix un slogan, alors que la guerre reste le pain quotidien des pauvres. »

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