La candidature de Rula Daood, codirectrice de l’organisation Standing Together, à la présidence du Haut Comité arabe de suivi, le principal organisme de représentation de la minorité arabe en Israël, a été bloquée. «La vieille garde m’a arrêtée parce que je suis une femme et une militante», dénonce-t-elle.
« Le Haut comité arabe de suivi est sous le contrôle total d’acteurs politiques de la vieille garde : des gens qui occupent ces positions depuis des décennies. Ils étaient manifestement effrayés par le changement : ils se sentent menacés par un nouveau visage et par un nouvel agenda, quelqu’un qui parle une langue différente et qui peut rebattre les cartes. Ils ne me voulaient pas à ce poste. » Rula Daood, codirectrice arabe chrétienne aux côtés de l’Israélien juif Alon Green de l’association mixte Standing Together, s’est débarrassée de plusieurs “cailloux dans sa chaussure” dans une interview au quotidien Haaretz après que sa candidature à la tête du Haut Comité arabe de suivi — qui est le principal organisme de représentation et de promotion des droits de la minorité arabe d’Israël, environ un cinquième de la population — a été en pratique écartée par ceux-là mêmes qui auraient dû la soutenir.
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Le mois dernier, l’activiste pacifiste de 40 ans s’était portée candidate pour « apporter un changement dont nous avons grandement besoin », dans ce qui aurait été pour elle un tournant de l’engagement dans la société civile vers une entrée en politique. Sa candidature avait suscité un large soutien de la part des femmes et des jeunes dans sa ville natale, Kfar Yasif (en Galilée – ndlr), et avait été saluée comme l’expression du désir de renouveau des communautés et même de la classe politique arabe elle-même, qui lutte depuis longtemps pour devenir plus inclusive envers les femmes et les jeunes.
La course à la présidence s’est en outre déroulée dans un climat de préoccupation croissante face à l’augmentation vertigineuse de la violence et de la criminalité armée au sein des communautés arabes, particulièrement chez les jeunes : depuis le début de l’année, 227 citoyens arabes ont été assassinés par balle, des phénomènes criminels qui, selon de nombreux manifestants descendus dans la rue, ne sont pas suffisamment combattus et réprimés par les autorités israéliennes.
Une alerte confirmée par le rapport publié ce 25 novembre (lire dans Times of Israël), Journée pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, selon lequel 304 femmes ont été tuées en dix ans en Israël et plus de la moitié d’entre elles étaient arabes, avec une augmentation dramatique des féminicides. Des crimes qui, dénoncent les militantes depuis longtemps, sont poursuivis beaucoup plus activement dans les communautés juives que dans les communautés arabes. Pour la seule année 2024, 35 femmes ont été assassinées, le chiffre le plus élevé en dix ans : un nombre déjà atteint cette année, où le taux de féminicides s’avère 48 % plus élevé que sur la même période de l’année précédente.
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Le président du Haut Comité est le seul élu au sein d’un groupe qui comprend des parlementaires arabes de la Knesset, des dirigeants de conseils municipaux et des représentants de divers secteurs des communautés arabes. L’élection, qui s’est tenue samedi 15 novembre, a été remportée par Jamal Zahalka, ancien président du parti Balad, qui succède à Mohammed Barakeh, ancien parlementaire de Hadash, à la tête de l’organisme depuis une décennie. L’institution avait été fondée dans les années 1980, lors des protestations des citoyens arabes contre le gouvernement dirigé par le Likoud de Menachem Begin, qui débouchèrent plus tard sur la première Intifada (1987-1993). Le Comité devait coordonner, à travers une organisation politique indépendante, les différentes initiatives politiques des associations de volontariat arabo-israéliennes pour améliorer la condition des citoyens palestiniens d’Israël.
Daood avait souligné ces dernières semaines que l’institution n’avait pas réellement exercé, durant les vingt dernières années, les fonctions pour lesquelles elle était née, à savoir mobiliser et guider la minorité arabe pour promouvoir ses droits et ses revendications dans l’État juif.
L’orthophoniste avait demandé et obtenu, comme le prévoit le règlement du Haut Comité, l’aval d’au moins six maires de différentes localités arabes. Mais au dernier moment, trois d’entre eux ont retiré leur soutien, faisant ainsi tomber les conditions requises pour la candidature. Avec elle, trois autres femmes avaient tenté de se présenter, mais lorsque l’élection s’est ouverte, seuls huit hommes étaient en lice : une circonstance qui a suscité de vastes protestations parmi les femmes arabes.
Pour Daood, la question d’une représentation politique efficace concerne non seulement la minorité arabe mais, plus largement, le manque de leadership dans lequel se débat la gauche israélienne. « Nous avons besoin d’un changement pour le lendemain de la fin de la guerre, sur les relations entre Israéliens et Palestiniens, sur la manière dont nous pouvons changer la réalité. Mais beaucoup n’ont pas confiance dans ce que chacun peut faire », a-t-elle observé. La capacité de mobilisation que Standing Together a démontrée ces dernières années, aux côtés d’autres organisations de base, exprime une fois encore l’écart — et la position bien plus avancée — de la société israélienne, tant juive qu’arabe, par rapport à la classe politique qui dirige le pays.



