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L’éducation devrait être un instrument de paix

Sofia Sainz de Aja
30 novembre 2011
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L’éducation devrait être un instrument de paix
Fadel Jubran - Université de Bethléem. Fadel Jubran a fait une étude comparative sur les programmes scolaires israéliens et palestiniens.

Si les Israéliens se plaignent de l’ignorance qu’ont les Palestiniens de la Shoah, les Palestiniens se plaigent eux de l’effacement dans lesquels les tiennent les Israéliens. Entretien avec Fadel Jubran, coordinateur de l’enseignement à la Faculté d’Education
de l’Université de Bethléem.


Quelles sont les différences dans l’enseignement de l’Histoire au collège entre le programme d’études palestinien et le programme israélien ?
Il y eut selon moi un grand changement suite aux accords d’Oslo reflété par l’introduction dans les nouveaux livres d’Histoire palestiniens des principes de paix, de tolérance, de pluralisme et de pardon. Ces livres envisagent de fait une paix politique avec Israël. Cependant, je dois dire que le contenu du programme israélien n’a quant à lui absolument pas changé depuis les accords d’Oslo. Dans les années 90, ils ont entrepris d’actualiser leurs livres d’Histoire mais le stéréotype de l’« Arabe » décrit comme quelqu’un de « primitif » et de « non civilisé » est toujours là ! De fait, l’accent mis sur l’identité juive dans tous les livres scolaires a eu pour effet d’accentuer la perception négative des Palestiniens, des « autres ».

Comment la guerre de 1948 est-elle enseignée dans le programme israélien ?
Alors que pour Israël cette guerre sous-tend la naissance de son État et est présentée comme une victoire sur les pays arabes, elle correspond pour les Palestiniens à la perte de leur terre. L’immigration vers le nouvel « État d’Israël » est un thème central dans les livres israéliens tandis que les réfugiés palestiniens expulsés de leurs maisons pendant la guerre de 48 n’y sont pas mentionnés une seule fois. Des faits tragiques comme le massacre de Deir Yassin perpétré par des terroristes sionistes en 1948 sont même légitimés dans les livres scolaires israéliens des tinés aux élèves du collège ( cf le manuel « Le 20e siècle, livre d’Histoire»).

À quel âge commence-t-on à aborder à l’école le conflit israélo-palestinien ?
En Palestine, on commence à traiter le sujet au collège, lorsque les élèves ont 15 ans environ. Le programme s’arrête sur la cause palestinienne, le mandat britannique, la déclaration Balfour, la période postérieure à la Seconde Guerre Mondiale, la guerre de 1948, l’établissement de l’OLP en 1964, la première intifada, les Accords d’Oslo et la deuxième intifada. En Israël, les enfants commencent à étudier le conflit plus tôt, vers 12-13 ans. Comme je vous l’ai déjà dit, ils se servent toujours de livres antérieurs aux Accords d’Oslo de 1993 et dont la grille de lecture principale à travers laquelle l’élève étudie le conflit israélo-arabe est toute entière sioniste.

Quelles sont les différences de terminologies que vous avez pu détecter entre les deux programmes ? Des termes comme « Palestine », « West Bank », « réfugiés palestiniens » sont-ils courants ?
Dans le programme d’histoire des écoles israéliennes, le mot « Palestine » n’apparaît pas une fois. L’expression « Terre d’Israël » est de rigueur. Les Palestiniens sont désignés comme une minorité arabe à laquelle on se réfère par des locutions telles « eux » ou encore « les autres », soulignant par là même leur différence. Quant à nous, lorsque nous évoquons Israël dans les livres scolaires palestiniens, nous le mentionnons toujours sous le concept d’« occupation israélienne ». Dans le programme palestinien, les frontières de 67 sont celles qui sont désignées comme les frontières du futur État palestinien.

Que proposeriez-vous pour améliorer cette situation ?
Je crois que la version israélienne telle qu’elle est exposée dans les livres d’Histoire ne fait qu’aggraver la situation. L’éducation devrait être un instrument de paix, un moyen de construire des ponts de confiance et de coexistence entre les deux parties adverses du conflit. La tolérance et l’acceptation ne peuvent être encouragées qu’à travers la compréhension de l’« autre », et non pas à travers sa négation ou son exclusion. Par conséquent, je crois que les réformes éducatives sont fondamentales pour que nous nous acheminions vers la paix et la résolution du conflit.

Dernière mise à jour: 31/12/2023 22:19

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