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Les « qatayef », incontournables spécialités du Ramadan

Cécile Lemoine
22 mars 2024
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Les « qatayef », incontournables spécialités du Ramadan
Verser la pâte, enlever le qatayef, tout est dans le geste, et la cadence ©Cécile Lemoine

Stars du Ramadan, les qatayef sont toujours produits artisanalement dans la vieille ville de Jérusalem. Petit tour derrière les fourneaux des Hidmi, maîtres dans le domaine depuis plus de 50 ans.


Les gestes sont calibrés. Maîtrisés. Répétés une centaine de fois. Chez les Hidmi, on fabrique des qatayef de père en fils depuis 1960, mais seulement un mois par an. Pendant Ramadan, la famille transforme son restaurant de falafels, qui a pignon sur rue à l’entrée de la porte de Damas dans la vieille ville de Jérusalem, en usine à qatayef, l’incontournable dessert du mois de jeûne musulman.

« Il n’y a pas de vrai iftar (repas de rupture du jeûne, ndlr), sans qatayef », souligne, Eyad, le propriétaire de l’échoppe, d’un ton grave mais rieur. Traditionnellement, le petit pancake est fourré avec des noix à la cannelle, ou du fromage akkawi, plié en deux, et imbibé de sirop après un passage au four. Son histoire s’est perdue avec la tradition : certains estiment qu’ils remontent au califat abbasside (750-1258 ap. J.-C.), parce qu’ils sont mentionnés dans le Livre des Plats, un livre de recettes arabe écrit par Ibn Sayyar al-Warraq au Xe siècle. La friandise est consommée dans tout le Levant.

Dans sa version la plus populaire, le qatayef est fourré de noix à la cannelle, ou bien de fromage, avant d’être frit et recouvert de sirop de sucre. Léger. ©Cécile Lemoine

La cuisine des Hidmi est ouverte sur la rue, transformant la production de ces petites crêpes en un véritable spectacle. Dans la file d’attente, on sait ce qu’on vient acheter : « Les qatayef ilhidmi sont les meilleurs de la vielle ville, sourit Asaf. Ils ont une texture et un goût qu’on ne retrouve pas ailleurs ». Elle attendra près de 20 minutes son kilo de pancakes. C’est que la file et longue et la fabrication, traditionnelle.

Recette secrète

Les qatayef, c’était d’abord une idée du père d’Eyad Hidmi, que ce dernier a progressivement améliorée : « Au début je n’y connaissais rien. Pendant 7 ans j’ai préparé la pâte en mélangeant à la main. » Depuis, il s’est procuré une machine, fabriquée en Turquie. « Je demande des réglages spécifiques pour la durée et l’intensité du mélange », glisse-t-il dans un clin d’oeil, le ronronnement de la machine en bande-sonore. Sa recette, c’est sa fierté et il la garde jalousement. On saura juste que le goût particulier de ses qatayef vient d’une épice spéciale, à la douce couleur beige…

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C’est lui qui a misé sur le « fait main » quand, dans la vieille ville, la plupart ont opté pour des machines à cuire avec tapis roulant, qui augmentent le rendement. Pour contenter la demande, c’est toute la famille qui est mise à contribution. Du fils au grand frère en passant par le neveu : chacun est à son poste. La chorégraphie est rodée. Les visages concentrés. Une fois le mélange prêt, c’est Maher, un des frères d’Eyad qui prend le relai et verse la pâte sur les grandes tables de cuisson. Le pouce est habile et la cadence calculée.

Chacun à son poste : les tâches et l’espace sont répartis, par assurer la fluidité et la rapidité de fabrication. Eyed Hidmi est le roi de la pâte. ©Cécile Lemoine

La fournée est cuite lorsque la surface des pancakes s’assèche. Ils sont retirés à la vitesse de l’éclair par Monzer, le fils aîné d’Eyad avant d’être étalé sur une table où un ventilateur les refroidit. Ils sont assemblés deux par deux avant d’être emballés. Jelal, un neveu d’Eyad, met le coup de tampon final « Ramadan Kareem. Qatayef ilhidmi. Porte de Damas ».

Chacun répète les mêmes gestes, inlassablement, 9 heures par jour pendant 30 jours. Sans boire, ni manger. Les stakhanovistes du Ramadan. Des conditions de travail rudes, surtout quand le Ramadan tombe l’été, qui n’ont pourtant aucun impact sur le prix, qui tourne autour de 15 shekels (3,8 euros) le kilo (24 pièces).

Cette année, les Hidmi ont augmenté le tarif de deux shekels pour s’y retrouver avec l’augmentation du prix de leurs matières premières, mais ils restent les moins chers de la vieille ville.« C’est Ramadan, c’est normal. Tout le monde doit pouvoir en acheter, philosophe Monzer, qui s’apprête à reprendre le business de son père. Et ce qu’on donne, Dieu nous le rendra. »

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