En février 2020 un projet-pilote entièrement consacré à la jeunesse palestinienne et financé par l’Union Européenne a été lancé par l’association Pro Terra Santa (Pro TS) en partenariat avec le Terra Sancta Museum. Terre Sainte Magazine a rencontré Sara Cibin et Rawan Ghneim, les deux chevilles ouvrières de ce projet éducatif ambitieux.
Sara Cibin :
“Pour la Custodie, l’important était que le département éducatif du musée perdure dans le temps.”
Vous avez écrit et coordonné ce projet, “Un musée vivant au service de la jeunesse palestinienne”. Avant son lancement la population de Jérusalem connaissait-elle le Terra Sancta Museum ? Comment est-il perçu ?
Au départ, tous les organismes et institutions locales que nous contactions manifestaient leur étonnement, aucun n’avait entendu parler du musée. Il faut souligner que le couvent de la Flagellation [qui abrite le musée archéologique] se trouve dans le quartier musulman de la Vieille ville, quartier pauvre où les habitants ont souvent un niveau de vie assez bas. Alors pour eux, découvrir cet endroit provoque un véritable émerveillement. Avec le temps, nous avons reçu de plus en plus de demandes de visites, car les Palestiniens sont très concernés par leur histoire. Ils ont vu que le musée respecte l’identité palestinienne et que notre discours n’est pas influencé politiquement ou religieusement.
Vous avez mis en place de nombreux ateliers et jeux pour faire découvrir les collections archéologiques du musée. Avez-vous aussi la volonté de sensibiliser la jeunesse palestinienne à la préservation de son patrimoine ?
Il s’agit évidemment de l’objectif final du projet, et plus largement du Terra Sancta Museum. Si les franciscains ont la charge de préserver les Lieux saints et le patrimoine qui y est lié, ils ont également pour mission de permettre aux jeunes de découvrir leur histoire et leur patrimoine, qu’ils se l’approprient pour ensuite participer à sa conservation. En venant au musée archéologique et à travers les activités que nous avons créées, les jeunes comprennent que cet héritage est bien le leur. Il n’est pas seulement exposé pour les touristes ou les pèlerins. Le fondement de notre discours est la culture. Cet héritage culturel et artistique est indépendant de toute dimension confessionnelle, il appartient à tous les Palestiniens.
Votre projet arrive à son terme. Quel bilan en dressez-vous ?
En seulement trois ans, le musée est devenu un lieu central de médiation entre les Palestiniens, la Custodie et ce patrimoine qu’ils partagent en commun. À présent, nous souhaitons approfondir cette dimension médiatrice en continuant de travailler avec les écoles et la communauté locale.
Rawan Ghneim :
“Choisir une personne du pays pour cette mission était une décision judicieuse.”
Au sein de ce projet, on vous a confié la mobilisation communautaire. En quoi consistait votre mission exactement ?
Ma mission était de faire connaître le Terra Sancta Museum aux habitants de Jérusalem et de créer un réseau afin de le mettre en relation avec des écoles, des associations et d’autres musées. Mon travail a également consisté à travailler en collaboration avec nos partenaires pour élaborer un programme éducatif.
Dans une société où la culture du musée n’est pas répandue, attirer les jeunes écoliers, qui pour 90 % d’entre eux sont musulmans, dans le musée des franciscains n’allait pas de soi…
Depuis le lancement du projet en 2020, nous avons cherché à construire des relations de confiance et de valeur avec la communauté locale, en rentrant en contact tour à tour avec des organisations et des écoles de la ville. C’était en effet un grand défi à relever, mais pas à cause des musulmans. Cela s’est avéré aussi compliqué avec les chrétiens, comme dans les écoles ! Comment présenter un musée alors inconnu à travers une association tout autant inconnue et qui plus est affiliée à des organisations européennes [l’association italienne Pro Terra Santa] ? Les Palestiniens sont très méfiants lorsqu’il s’agit de travailler avec des groupes étrangers, par souci de sécurité et de normalisation des relations avec Israël.
Ensuite je tiens à dire que le patrimoine chrétien fait partie intégrante de l’héritage palestinien ; les gens en sont conscients. Tous les Palestiniens sont attachés au Saint-Sépulcre, à l’église de la Nativité comme à la mosquée Al-Aqsa, indépendamment de leur appartenance religieuse. Les relations tissées avec nos différents partenaires sont basées sur des intérêts communs.
Qu’est ce qui a facilité ces relations de confiance ?
Je suis Palestinienne, originaire de la Vieille ville. J’ai aussi travaillé pendant près de 10 ans avec des organisations locales et auprès des écoles. Je connaissais 95 % des gens avec qui nous avons collaboré.
Dernière mise à jour: 27/05/2024 10:55