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Un trésor oublié redécouvert à l’église Saint-Sauveur de Jérusalem

Lucie Mottet (Terra Santa Museum)
4 mai 2023
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Un trésor oublié redécouvert à l’église Saint-Sauveur de Jérusalem
La valeur d'une série d'ex-votos offerts à la paroisse latine Saint-Sauveur de Jérusalem a été redécouverte quand les vitrines qui les contenaient ont été décrochées des murs de l'église ©Lucie Mottet/Terra Sancta Museum

Le contenu de deux vitrines oubliées et remplies de précieux ex-votos offerts à la paroisse latine de Jérusalem a repris vie, sens et histoire quand elles ont été analysées par deux experts en amont d'une exposition du Terra Sancta Museum.


Certains trésors font tellement partie du décor qu’on les oublie. Et qu’on les redécouvre. Ce fut le cas avec deux vitrines remplies d’objets précieux accrochées dans l’église latine de Saint-Sauveur à Jérusalem. Haut-perchés sur les murs qui entourent l’autel de la Vierge, les deux cadres et leur contenu veillaient sur les paroissiens depuis 150 ans, sans que personne ne s’interroge plus vraiment sur leur contenu, fait d’une collection éclectique de pièces de monnaies, médailles, boucles d’oreilles et autres bijoux, morceaux de coiffes et même petits objets de nacre.

Il a fallu leur décrochage mi-avril en vue d’une exposition du Terra Sancta Museum sur la vie de la paroisse latine de Jérusalem, pour que ces objets reprennent vie, sens et histoire, grâce aux connaissances des spécialistes venus les expertiser.

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« Ces vitrines, ce sont de vrais musées », s’enthousiasme George Al’Ama, spécialiste d’art palestinien et membre du comité scientifique du Terra Sancta Museum, le musée historique de la Custodie de Terre Sainte dont l’ouverture est prévue en 2025. En les ouvrant, les mains du collectionneur se couvrent de noir : “C’est la suie laissée par la fumée des cierges, analyse George. Ces cadres doivent être là depuis l’inauguration de l’église. Ils ont été fixés très en hauteur, ce qui a protégé leur contenu. »

De surprises en étonnements

Jack Hawileh (à gauche) et George Al’Ama (à droite) expertisent le contenu des vitrines ©Henri de Mégille/Terra Sancta Museum

Son oeil expert avise tout de suite de grands colliers en perle d’ambre. « Ces colliers existent donc bel et bien”, s’émerveille le collectionneur. Vif, son esprit a directement fait le lien avec un tableau d’Albrecht de Vriendt, La mariée de Bethléem (XIXe siècle). Dans une touche orientaliste, une jeune fille (juive ou chrétienne, la rédaction de Terre Sainte Magazine enquête) en tenue de mariée a été peinte arborant de grosses perles en ambre au poignet.

Jack Hawileh, hiérosolymitain spécialiste des objets en ambre, est immédiatement prévenu. « Plus les perles sont grosses et opaques, meilleure est la qualité », explique l’expert.

Le passage en revue des objets, dont la qualité varie, continue. De petites plaques de métal découpées en forme de bébé et tenues par des rubans émeuvent Jack Hawileh : « C’est très touchant. Ces ex-votos ont été offerts par des femmes qui ont prié pour avoir des enfants.”

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“Je n’ai jamais vu cela”, souffle soudain George George Al’Ama en saisissant un bughmeh (collier traditionnel palestinien, composé d’un ras-de-cou en tressage métallique auquel sont accrochées des pièces de monnaies) au milieu de petits coeurs votifs français. Et pourtant, ce spécialiste des tenues traditionnelles palestiniennes a tenu ce type de bijoux plus d’une fois entre ces mains. Mais celui-ci est en or, alors que tous les modèles connus sont en argent. Jack Hawileh confirme qu’en quarante ans de carrière, c’est aussi la première fois qu’il se retrouve devant une telle pièce.

Le monde entier dans une boîte

En haut de la vitrine, le long collier en ambre que George Al’Ama a lié à une peinture du XIXe siècle ©Lucie Mottet/Terra Sancta Museum

Une grosse médaille retient également l’attention des deux spécialistes : “C’est de l’or 22 carats”, analyse immédiatement Jack. “Et les gravures sont les mêmes que celles réalisées sur les nacres à Bethléem”, complète George Al’Ama. Les pièces du puzzle géant de l’histoire du patrimoine palestinien s’assemble devant ses yeux. Il anticipe : “C’est un véritable trésor, il faudra à tout prix l’ajouter à l’exposition permanente du Terra Santa Museum”.

Sur de larges bracelets, sans doute de facture syrienne, les spécialistes décèlent des inscriptions gravées en arabe sur deux attaches qui retiennent des chaînettes dorées : “Mar Youssef” (Saint Joseph) sur l’une, « Issa” et “Maria” (Jésus et Marie), sur l’autre. La sainte Famille aux poignets. Ces bracelets ont sans doute été réalisés à Alep, où réside une importante communauté chrétienne. Deux ou trois chaînes typiques de l’Afrique du Nord, des bijoux de Bohème, d’Europe de l’Est, de Turquie, d’Asie centrale… La provenance des objets semble s’aventurer jusqu’à Samarcande, voire jusqu’en Inde ou en Chine, si l’on se fie à deux colliers et une broche ornée de turquoise. Le monde entier dans une boîte.

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Comment expliquer une telle diversité d’objets et de provenance dans à peine 2 mètres carré de tableaux ? Ces cadres, placés autour de l’autel de la Vierge, rassemblaient des ex-votos, ces objets offerts à la paroisse en guise de prières, de supplications, ou de marques de piété de la part des chrétiens de la vieille ville ou de pèlerins de passage. Rassemblés par les sacristains de Saint-Sauveur, ils ont été exposés dans l’église, coutume qu’on retrouve notamment chez les orthodoxes.

Rangés, classés, ordonnés et inventoriés, ces bijoux n’attendent plus que d’être nettoyés avant d’être présentés, pour certains dans le futur musée, pour d’autres dans une exposition prévue pour juin 2023. Ils n’ont pas fini de dévoiler leurs mystères…

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