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« Les juges rabbiniques m’ont soutenue de manière inconditionnelle »

Par Aline Jaccottet
4 mai 2021
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« Les juges rabbiniques m’ont soutenue de manière inconditionnelle »
Rivka a eu la chance d’avoir les juges de son côté. Ce n’est pas toujours le cas. Image extraite du Procès de Viviane Amsalem, film franco-germano-israélien réalisé par Shlomi et Ronit Elkabetz, sorti en 2014. © Shlomi Elkabetz/Warner Bros. France

À 26 ans, Rivka Peretz est mère de trois petits garçons qu’elle élève seule à Jérusalem. Fraîchement divorcée, cette Israélienne d’origine française raconte ses trois ans de combat vers la liberté.


J’ai rencontré mon ex-mari le jour de mes 19 ans. C’était une rencontre arrangée, dans le but de se marier rapidement si les conjoints sont compatibles. Le problème, c’est que nous ne nous sommes pas renseignés suffisamment. Mon père ne savait pas encore comment procéder – je suis l’aînée – quant à moi je voulais juste commencer ma vie d’adulte.

Le soir même du mariage, j’ai compris que j’étais piégée. Il était absent, maltraitant et la situation n’a fait qu’empirer avec le temps quels que soient mes efforts. Je savais que le divorce est mauvais pour l’âme et fait du mal aux enfants, mais il fallait que je sauve ma peau. J’avais des envies de suicide. Le déclic est venu à mon retour de l’hôpital pour une fausse couche, quand je l’ai vu sortir boire des coups avec ses amis en me laissant seule avec nos trois petits enfants.

Ne croyant pas une seconde que j’irais jusqu’au bout, mon ex a accepté d’ouvrir un dossier au tribunal rabbinique de Jérusalem. Nous avons obtenu un rendez-vous trois mois plus tard… puis il s’est volatilisé. Il a fallu que je remue ciel et terre pour découvrir qu’il était rentré en France et impossible de lui parler au téléphone : il refusait tout contact et son entourage le protégeait. Les rabbins m’ont alors conseillé de me tourner vers le tribunal civil pour régler la garde des enfants et le montant de la pension alimentaire. Les décisions ont été prises en son absence.

Un an et demi de silence a suivi. Je n’avais moi-même pas la force de mener cette guerre du divorce. Non seulement j’étais détruite psychologiquement, mais je devais m’occuper seule de nos trois petits garçons. Je me démenais chaque jour pour faire face, avoir de l’aide… Il a aussi fallu que je me soigne par des perfusions de fer régulières tant j’étais faible.

Le soir même du mariage, j’ai compris que j’étais piégée. Il était absent, maltraitant et la situation n’a fait qu’empirer avec le temps…

Obtenir justice

En parallèle, j’ai rencontré Kathy Bisraor, une avocate rabbinique. Ce métier qui n’existe que depuis une trentaine d’années est exercé par des femmes très instruites en études religieuses pour en aider d’autres à se défendre devant les tribunaux religieux. Elle m’a soutenue et c’était plus que nécessaire : le premier contrat que mon ex nous a envoyé stipulait que je lui devais un million de shekels (260 000 €, ndlr). Lorsque nous lui avons renvoyé un document plus équitable, il a de nouveau disparu dans la nature.

Puis les rabbins ont commencé à faire pression. Ils l’ont nommé “mari récalcitrant”, un statut qui marque le passage à des mesures sévères pour qu’il libère sa femme. Et dans la foulée, ils ont lancé une procédure de herem : c’est l’exclusion de la communauté, la sanction la plus dure qui existe. Aucun juif n’a plus le droit de lui parler, il est écarté de la synagogue… Il a eu tellement peur des conséquences qu’il a signé le divorce une semaine à peine après la diffusion de la décision du tribunal dans toutes les communautés de France.

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Aujourd’hui je suis donc divorcée, mais l’histoire n’est pas terminée. Cet homme joue encore sur la remise du certificat qui me permettrait d’obtenir des aides et de me remarier si je le souhaite. Ce papier c’est une arme pour être blanchi des poursuites qui le visent. Il a une dette envers l’État, n’ayant jamais payé de pension alimentaire. Il exige d’être libéré de toute obligation financière, mais je ne sais pas comment je nourrirai nos enfants sans cet argent. Dieu m’aidera…

Je me suis mariée trop vite et sans être consciente des problèmes que la remise de l’acte de divorce pourrait occasionner. Mais la cruauté dont mon ex-mari fait preuve avec le soutien de son entourage n’a rien à voir avec la religion. J’ai d’ailleurs été surprise par le soutien inconditionnel des juges rabbiniques alors que j’avais peur d’aller les consulter.

Aujourd’hui je pratique toujours le judaïsme, mais de manière plus détendue après que mon ex m’a contrainte pendant des mois à un style de vie ultra-orthodoxe. Dieu n’a jamais demandé que l’on souffre pour l’aimer. Et moi je n’ai jamais remis en cause ma foi en lui : je sais qu’il était avec moi à chaque instant de cette épreuve”.

Dernière mise à jour: 04/04/2024 17:11

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