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“Sommes-nous traversés par l’espérance ?”

Terresainte.net
8 avril 2020
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Sr. Marie-Baptiste, dans l'église du monastère d'Abu Gosh. ©Mab/TSM

En cette période de confinement, Terre Sainte Magazine vous propose de vivre au plus près le quotidien de nos frères et soeurs de Terre Sainte, au travers d'une série de portraits exclusifs. Retrouvez aujourd'hui le témoignage de Sr. Marie-Baptiste, mère prieure de la communauté bénédictine d'Abu Gosh.


Sr. Marie-Baptiste est prieure de Sainte-Françoise romaine, une communauté bénédictine du village d’Abu Gosh (Israël). Depuis 6 ans, elle assure un rôle de vigilance et soutien auprès des 14 soeurs dont elle a la charge. Derrière les murs du monastère, elle nous livre aujourd’hui son témoignage sur le confinement.

Sr. Marie-Baptiste, comment vivez-vous les temps que nous traversons ?

Nous avons l’immense privilège, à Abu Gosh, que le confinement ne change pas grand chose à notre quotidien. D’abord parce que nous ne sommes pas un ordre complètement cloîtré, donc nous pouvons toujours sortir d’une manière habituelle. Ensuite parce que nos frères [Bénédictins d’Abu Gosh] partagent le même jardin que nous, et nous continuons à avoir les offices et la messe ensemble tous les jours. C’est comme si nous étions une grande famille, et c’est un immense réconfort, quand on sait que tant de gens sont privés de leurs proches ou de la prière depuis trois semaines maintenant.

Votre communauté est-elle, comme le reste du monde, plus “connectée” que d’habitude ?

Oui, car je crois que l’on a besoin de soutien en ce moment, c’est normal. Nous sommes très en contact par mails ou messages avec nos amis, nos familles et nos hôtes, qui auraient dû être là pour la semaine pascale. Heureusement que nous avons cela, c’est vrai que ça aide beaucoup. Les religieuses sont faites de la même pâte que le reste des hommes, vous savez, nous traversons les mêmes choses. Nous avons par ailleurs une responsabilité, un devoir de soutien envers tous ceux qui nous le demandent.

Quelles réflexions vous inspire cette épidémie ?

D’abord, je pense énormément aux personnes qui vivent cela en famille, et sont confinées à 5 ou 6 dans un petit appartement. Cela me déchire le cœur, car on dit beaucoup que ce temps de confinement peut permettre à des familles de se retrouver, mais cela peut aussi en faire exploser d’autres et provoquer des dégâts physiques et psychologiques graves. Cette réalité existe, il ne faut pas l’oublier.

Mais j’ai aussi l’espérance que cette crise puisse permettre de changer les choses au niveau de l’écologie. Ces jours-ci, la Terre respire… merci mon Dieu ! Il y a quelques jours, nous avons prié en communauté le psaume 84, dans lequel Dieu prononce cette phrase : “Qu’ils ne reviennent plus à leur folie”. Sommes-nous traversés par l’espérance ? L’espérance que ce temps va ouvrir le cœur de nos dirigeants, des gens de la finance, pour qu’ils se rendent compte que notre monde allait jusqu’ici dans un mur ?

Personne ne pouvait apparemment rien y faire, et finalement une petite bête est venue mettre le bazar. Personnellement, je place ma confiance dans cette certitude que Dieu sait tirer le bien d’un très grand mal. Nous pouvons espérer qu’Il ouvrira un chemin, à travers cette épidémie.

Comment la prière vous aide-t-elle à vivre cette période ?

Le rythme de prière est essentiel pour notre communauté, c’est ce qui nous aide à tenir debout. Nous prions la séquence au Saint-Esprit que l’on chante habituellement à la Pentecôte. Dans cet hymne, il y a une strophe qui évoque le “repos dans le labeur” : cela fait écho à tous les soignants qui travaillent en ce moment pour lutter contre l’épidémie. Une autre parle de “fraîcheur dans la fièvre” : nous pensons évidemment à tous les malades. Une autre encore, évoque la “consolation dans les larmes” : là, je pense à toutes les personnes endeuillées qui ne peuvent pas enterrer de manière digne leur proche. Ce genre de prière, que nous disons tous les matins, nous portent vraiment.

Je trouve que la prière des psaumes aide aussi particulièrement : on trouve tout, dans les psaumes ! Tous les états de l’homme, sa détresse, ses angoisses, sa rébellion et ses ras-le-bol contre Dieu, ou l’autre… . A travers eux, nous avons un espace pour extérioriser et verbaliser ce que nous portons dans notre cœur. Et je vous assure que les religieuses ne sont pas exemptes de ces sentiments ! Les psaumes se terminent souvent par un cri de confiance ou de foi dans le Seigneur. Je crois que ces jours-ci en particulier, ils nous aident à mettre les mots sur ce que nous vivons. A chacun de trouver son psaume, celui qui peut l’aider et le soutenir.

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