Différents chemins de pèlerinage ont été aménagés entre les régions bibliques de Galilée, Samarie et Judée et ce, dans une perspective de croissance du nombre de pèlerins. A pied, le pèlerin moderne peut appréhender d'une nouvelle manière les Lieux saints et la Bible.
« Ô ma joie quand on m’a dit, allons à la maison du Seigneur ! Maintenant s’arrêtent nos pas devant tes portes, Jérusalem ! » Le début du psaume 122 résume parfaitement l’expérience de ceux qui entreprennent un pèlerinage pédestre en Terre Sainte : l’attrait et la spiritualité des sites bibliques sont enrichis de manière toute particulière par l’expérience de s’y rendre à pied.
Arriver à la porte de Damas au bout de quelques jours de marche, après s’être engagé aux premières lueurs du jour sur cette longue montée qui relie Jéricho à Jérusalem à travers le wadi Qelt, c’est autre chose ! Il en va de même pour les autres sanctuaires de Terre Sainte, que l’on atteint au même rythme et souvent en suivant les mêmes routes empruntées par les protagonistes des récits bibliques correspondants, ainsi que par les pèlerins qui, depuis des siècles, suivent leurs traces.
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Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver le long de ces itinéraires des lieux « mineurs », qu’aucun circuit organisé ne prévoit de visiter ; tout au plus le guide les signale-t-il au moment où vous passez devant. Ceux qui partent à pied, en revanche, peuvent s’offrir le luxe d’un arrêt ou d’une (petite, s’il vous plaît !) déviation, car même les ruines d’une tour de l’époque des croisades ou les restes rouillés d’un véhicule blindé ont quelque chose à raconter.
À cela vient s’ajouter l’expérience très particulière de la terre et des gens. En effet, au-delà des sanctuaires, toute la Terre Sainte est un immense mémorial puisque son territoire est en grande partie encore façonné comme il l’était il y a des milliers d’années, avec ces déserts, ces collines, ces cours d’eau et ces paysages sur lesquels les prophètes, les apôtres et les pèlerins ont posé leurs yeux et leurs pieds… Et si l’authenticité historique de certains Lieux saints peut être mise en doute, il n’en va pas de même pour la terre, parce que, elle, elle est toujours la même, jusque dans les territoires les plus transformés par l’agriculture intensive et l’urbanisation.
Le soir tu fais halte dans nos maisons religieuses, mais aussi dans des kibboutz ou des auberges arabes : des aliments et des styles de vie variés, mais surtout des histoires et des points de vue différents, qui t’aident à comprendre que tu ne peux pas juger facilement et que les choses sont beaucoup plus complexes que tu ne le pensais.
Et puis, il y a les rencontres avec les gens, beaucoup plus variées et plus riches que ne sauraient être celles que peut faire un pèlerin motorisé ; en effet, le long des routes de pèlerinage, les villages arabes alternent avec les colonies juives, les postes de contrôle avec les magasins, les bergers bédouins avec les colons… Ainsi un contact tangible avec la richesse des cultures et la dureté des conflits devient possible : tu es surpris par l’accueil d’une famille arabe qui t’invite à partager l’ombre de sa cour, t’offrant de l’eau et de la nourriture ; tu es frappé par l’humanité variée qui fait la queue aux points de contrôle ; tu es ému par la scène intemporelle d’un vieux fermier arabe transportant quelques paniers de fruits sur son âne.
Le soir tu fais halte dans nos maisons religieuses, mais aussi dans des kibboutz ou des auberges arabes : des aliments et des styles de vie variés, mais surtout des histoires et des points de vue différents, qui t’aident à comprendre que tu ne peux pas juger facilement et que les choses sont beaucoup plus complexes que tu ne le pensais.
Le réseau des sentiers en Terre Sainte est très étendu (plus de 10 000 km de sentiers balisés en Israël), car le trekking (en français “randonnée d’aventure”) y est très répandu ; ces dernières années, les expériences liées au pèlerinage se sont multipliées, que ce soit sous la forme de courts trajets à pied inclus dans les circuits habituels en bus, ou sous la forme d’un voyage de plusieurs jours dans le désert ou dans d’autres environnements caractéristiques, ou encore sous la forme d’un itinéraire classique qui prévoit un point de départ quelconque vers la destination obligatoire de tout pèlerinage en Terre Sainte : Jérusalem.
En ce qui me concerne, j’ai opté essentiellement pour cette dernière modalité, avec la Confrérie de Saint-Jacques de Compostelle de Pérouse : depuis la première expérience en 2006, les trois principaux “chemins” du pèlerinage médiéval ont été parcourus à plusieurs reprises et, d’une certaine manière, réactivés.
Le chemin de Saint-Jean d’Acre est le plus long : il part du grand port d’Acre (Akko, la dernière ville à tomber, devant la reconquête musulmane en 1291), traverse les collines de Galilée jusqu’à Nazareth et les rives du lac de Tibériade, descend la vallée du Jourdain jusqu’à Jéricho et grimpe jusqu’à Jérusalem à travers le désert de Judée et le wadi Qelt. La route de Jaffa, en revanche, est la plus courte : elle part de ce qui était le seul port viable à partir du XIVe siècle (aujourd’hui la Vielle ville) et remonte les collines boisées de Judée jusqu’à Aïn Karem et Jérusalem. Ces deux itinéraires sont contenus dans le guide en italien (!) “À pied à Jérusalem” (1).
Chemin d’évangile
Le troisième itinéraire – pas encore publié – part du port de Césarée, utilisé par les Croisés, passe par la Cisjordanie, touche Samarie (Sébaste), Sichem (Naplouse), Silo et Béthel, et atteint Jérusalem par le nord.
Le développement de ces parcours et d’autres encore n’est pas accidentel : de fait, il s’inscrit dans le cadre de la redécouverte du pèlerinage, qui a commencé avec le chemin de Saint-Jacques au début des années 1980 et a donné lieu à une floraison d’itinéraires anciens et nouveaux dans toute l’Europe, avec des centaines de milliers de personnes impliquées. En outre, comme cela avait été le cas pour d’autres itinéraires, nombre de ceux qui avaient fait l’expérience de Saint-Jacques de Compostelle envisageaient de faire quelque chose de similaire en Terre Sainte.
À cela il nous faut ajouter l’influence des études archéologiques et historiques, qui ont ravivé l’intérêt pour l’environnement dans lequel se sont déroulés les évènements bibliques et évangéliques, et ont permis ainsi une meilleure connaissance et, par conséquent, une meilleure compréhension de ces derniers.
D’autre part, la prédication et les gestes de Jésus font constamment référence au contexte dans lequel il a vécu, puisqu’il ne s’agit pas de récits mythiques, mais bien d’évènements situés dans le temps et l’espace. Le pèlerinage à pied active donc une compréhension unique du texte biblique, car il permet de vivre directement certaines des dynamiques sous-jacentes à ces pages, qu’il serait difficile de comprendre sans s’immerger dans l’environnement où tous ces faits se sont déroulés.
Toutefois, il reste beaucoup à faire, notamment dans le domaine de l’accueil, pour que les itinéraires de pèlerinage en Terre Sainte deviennent significatifs sur le plan numérique. La pandémie de Covid-19 a bloqué les initiatives de nombreux groupes et les programmes de certaines agences qui commençaient à proposer des itinéraires pédestres. La reprise pourrait être une occasion pour donner un nouvel élan à un mode de contact avec la Terre Sainte qui promet d’abondants fruits spirituels.
1. Titre original : “A piedi a Gerusalemme”, Terre di Mezzo Éditore, 2012.
Dernière mise à jour: 21/07/2024 12:08
