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À Jérusalem, des crachats sur des pèlerins chrétiens suscitent un tollé international

Rédaction
4 octobre 2023
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À Jérusalem, des crachats sur des pèlerins chrétiens suscitent un tollé international
La police des frontières israéliennes s'interposent entre un groupe de Juifs ultra-orthodoxes et le couvent franciscain de la Flagellation, dans la vieille ville de Jérusalem, le 4 octobre 2023 ©Chaim Goldberg/Flash90

Les incivilités se multiplient contre les chrétiens et leurs symboles, alors que des dizaines de milliers de juifs sont en pèlerinage dans la ville sainte à l'occasion de la fête juive de Souccot.


(c.l) – La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. Sur les images filmées dimanche 1er octobre, un groupe de pèlerins asiatiques chargé d’une grande croix sort du couvent de la Flagellation, sur la Via Dolorosa de Jérusalem, pour entamer un chemin de croix. En sens inverse, un groupe de juifs ultra-orthodoxes de retour du Mur Occidental après l’office matinal de Soukkot. Cinq d’entre eux, dont deux enfants, crachent aux pieds du groupe.


Les vidéos documentant ce type de crachats sont quotidiennes depuis le début des festivités de Soukkot, célébrée cette année du 29 septembre au 7 octobre cette année. Fête de pèlerinage selon la Bible, elle attire des dizaines de milliers de Juifs dans la ville sainte. Un afflux qui remet une pièce dans la machine de l’intolérance à l’encontre de ce qui n’est pas juif.

Condamnations

Les crachats, s’ils ne sont pas un phénomène nouveau, sont devenus l’expression la plus courante d’un mépris dont une minorité juive radicale ne se cache plus, et que les réseaux sociaux étalent désormais au grand jour.

Parce que les pèlerins visés par les crachats sont étrangers, le tollé ne retombe pas depuis dimanche, alimenté par les commentaires sulfureux de Elisha Yered, figure de proue des colons israéliens accusé du meurtre d’un palestinien : “Cracher près des prêtres ou des églises est une ancienne coutume juive”, a-t-il justifié sur X (ancien Twitter) le 3 octobre, avant de compléter sa pensée dans un autre post : “Tendre l’autre joue à une religion qui a massacré notre peuple, ce n’est pas notre philosophie.” 

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Face au radicalisme de ces déclarations, les condamnations israéliennes sont tombées en cascade : « De tels phénomènes sont injustifiés et ne devraient certainement pas être attribués à la loi juive », a dénoncé le grand rabbin ashkénaze David Lau, suivi par plusieurs autres rabbins.

Le bureau du Premier ministre israélien s’est également fendu d’un tweet : « Les comportements déviants à l’égard des fidèles constituent un sacrilège et sont tout simplement inacceptables. Toute forme d’hostilité à l’égard de personnes pratiquant leur religion ne sera pas tolérée ». Écrit en anglais, il ne fait pas explicitement référence aux chrétiens.

Arrestations

« Ces violences doivent cesser, a quant à lui tweeté le nouveau Consul Général de France, Nicolas Kassianides. Par ailleurs, les auteurs de ces attaques – presque toutes filmées et documentées – doivent être tenus pour responsables. En cette période de fêtes et de nombreux pèlerinages, nous exprimons nos plus vives préoccupations. » À Jérusalem, cette fonction diplomatique s’accompagne du rôle particulier de protection des communautés chrétiennes.

En croissance exponentielle depuis janvier, les incivilités contre les chrétiens restent un phénomène peu traité par les autorités israéliennes, malgré les demandes répétées des Eglises de Jérusalem. Alors que les effectifs policiers ont été renforcés à Jérusalem à l’occasion des fêtes juives, c’est seulement mercredi 4 octobre que la police s’est emparée du sujet des crachats en annonçant qu’elle avait arrêté 5 personnes dont un mineur.

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Le commandant du district de Jérusalem a ordonné la mise en place d’une équipe d’enquête spéciale dans le quartier de David et a ajouté : « Étant donné que la grande majorité des cas de crachats à l’encontre de chrétiens ne sont pas signalés, nous devons commencer à identifier et à traiter ces cas et utiliser des caméras de surveillance, des agents sur le terrain, des réseaux de surveillance et tous les moyens disponibles pour une surveillance en temps réel ou rétrospective. »

Sentiment de pouvoir

Des sanctions telles que des amendes administratives vont être envisagées, mais la question de leur efficacité face à une éducation ouvertement suprémaciste dans certains milieux juifs ultra-orthodoxes, reste entière. « Le phénomène des crachats est hors de contrôle. Il ne s’agit plus seulement d’une minorité, s’inquiète Robby Berman, un guide juif israélien qui fait partie de ceux qui élèvent la voix contre ces actes de mépris. C’est un virus qui s’installe dans le contexte favorable créé par le gouvernement, celui d’un sentiment croissant de pouvoir, et de souveraineté sur les espaces. »

Lundi 3 octobre, il s’est posté toute la matinée à l’entrée du couvent franciscain de la Flagellation pour dissuader et interagir avec les auteurs de crachats. “Je voulais confronter ces personnes à leur geste : dans l’Allemagne de 1933 on crachait sur les Juifs et dans l’Israël de 2023 on crache sur les chrétiens. C’est problématique.”

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À chaque incivilité (plusieurs dizaines en l’espace de trois heures), il interpelle les personnes en hébreu : “Pourquoi crachez-vous ?” “Cracher ce n’est rien… Ce n’est que le début. Quand on sera majoritaires en Israël, on tuera les chrétiens”, se voit-il répondre par un juif ultra-orthodoxe.

Côté chrétien, on attend beaucoup de la nomination du Patriarche latin de Jérusalem au collège des cardinaux, le 30 septembre dernier. Mgr Pierbattista Pizzaballa a confié à la presse en amont du consistoire qu’il avait conscience de la responsabilité qu’impliquait désormais sa position de cardinal : celle d’être une voix de la communauté chrétienne et de Jérusalem, au Vatican.

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