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Rabbins pour les droits de l’homme: Stop à la violence!

Giulia Ceccutti
13 novembre 2023
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Rabbins pour les droits de l’homme: Stop à la violence!
Jérusalem, mai 2023. Manifestation interreligieuse pour la paix, l'égalité et la justice avec la participation de Rabbins pour les droits de l'homme. ©Yossi Zamir / Rabbins pour les Droits de l'Homme

Les Rabbins pour les droits de l’homme, actifs en Israël et en Palestine depuis 1988, ont une conviction théologique : l’humanité, créée à l’image de Dieu, mérite la vie, indépendamment des frontières et des nationalités. Une pierre angulaire qui les fait tenir même après les massacres du 7 octobre.


« C’est une période tragique que nous vivons. Les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre ont eu des répercussions dans tous les coins du pays. Nous ressentons une blessure profonde qui restera vive chez les Israéliens pour de nombreuses années à venir. »

La conversation vidéo avec Anton Goodman, un membre du personnel de Rabbins pour les droits de l’homme, commence par ces mots : « En tant qu’organisation qui compte en son sein des survivants de ces massacres, de tels événements résonnent encore dans nos cœurs. Nous travaillons avec tristesse, mais nous essayons d’étager deux niveaux : la douleur au niveau humain et la sphère du judaïsme. Notre humanité est liée à notre foi : nous voyons donc toutes les souffrances qui consument les cœurs autour de nous mais aussi de l’autre côté, du côté palestinien. »

Un réseau de rabbins pour protéger les droits de l’homme

L’organisation a été fondée en 1988, au plus fort de la première Intifada, en réponse aux violations des droits de l’homme en Cisjordanie. Aujourd’hui, c’est un réseau de 160 rabbins israéliens, hommes et femmes, appartenant à différents courants du judaïsme, y compris celui appelé « humaniste ». Certains membres ne sont pas encore rabbins, mais étudient pour le devenir.

Parallèlement à son engagement en faveur de l’éducation et du dialogue interreligieux, l’association œuvre à la promotion de la justice sociale et économique en Israël et dans les territoires occupés.

Un bénévole des Rabbins pour les droits de l’homme récolte des olives dans une ferme palestinienne en Cisjordanie en octobre 2023. ©Rabbis pour les droits de l’homme.

Appels publics

« Les événements du 7 octobre ne nous ont pas paralysés », dit Anton. « Nous avons lancé des appels et des communiqués immédiatement, le lendemain du jour où notre directeur, Avi Dabush, s’est tenu à l’abri durant des heures dans son domicile de Sderot sous la menace des terroristes du Hamas. Ces derniers ont tué ses voisins. Tout ce qui est arrivé est un choc, mais notre voix, notre « camp moral » est intact. Nous avons beaucoup de choses à dire et beaucoup d’activités en cours. »

En collaboration avec d’autres organisations de défense des droits de l’homme – israéliennes et mixtes – l’association a lancé ces dernières semaines des appels à mettre fin à l’escalade de la violence également dans les relations entre Juifs et Arabes en Israël, et à solliciter une aide humanitaire pour Gaza.

Attention à la violence en Cisjordanie

Le 31 octobre, le journal Haaretz a publié un appel à la communauté internationale, signé par plusieurs groupes (dont Rabbins pour les droits de l’homme, Amnesty International Israël, Zochrot, l’École pour la paix de Neve Shalom Wahat al Salam, Machsom Watch…), pour attirer l’attention sur la violence des colons « soutenus par l’État » contre les communautés palestiniennes en Cisjordanie. « Cette violence pousse les communautés palestiniennes à la limite du déplacement forcé et a déjà réussi à chasser divers communautés », peut-on lire.

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« Toutes ces prises de position, explique Anton, proviennent de groupes qui souffrent eux-mêmes et qui ont vécu des deuils. Elles ne sont pas issues d’un contexte anti-Israël ou déconnecté de ce que nous vivons. Nous sommes Israéliens, cette histoire est notre histoire. Et nos voix, qui appellent à la fin de la violence, doivent être entendues ».

La récolte des olives

L’activité la plus exigeante que l’organisation réalise chaque année est la participation à la récolte des olives dans les Territoires palestiniens. Chaque année au mois d’octobre, avec les acteurs de la société civile avec lesquels l’association collabore, elle mobilise des centaines de volontaires, israéliens et internationaux, pour assurer une présence qui aide les agriculteurs et les protège des violations commises par les colons extrémistes. Cette année, les vendanges devaient commencer le 13 octobre.

« Permettez-moi de vous rappeler la centralité de cette activité pour la population palestinienne », a déclaré Anton. « Des centaines de familles vivent de cela : nous parlons de millions d’oliviers dans toute la Cisjordanie. Les agriculteurs ne peuvent récolter les olives qu’un mois par an, en fait deux semaines sont le meilleur moment. Vous pouvez donc imaginer à quel point il est important de pouvoir mener à bien la collecte… »

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En octobre, l’association a malgré tout réussi à envoyer une présence, bien que réduite par rapport aux années précédentes. « Il y a deux semaines, par exemple, nous avons envoyé 15 volontaires pour aider un agriculteur qui était seul et effrayé. En fait, une partie de son territoire borde une route qui ne peut être empruntée que par les colons. Au cours des dernières semaines, nous avons personnellement constaté une augmentation significative du niveau de violence de ces groupes extrémistes. »

Octobre 2023, préparation de colis alimentaires d’urgence après les actes terroristes du 7 octobre 2023. ©Rabbins pour les Droits de l’Homme

Solidarité avec les familles en difficulté

Le scénario d’Anton en ce qui concerne la Cisjordanie est décourageant. Au cours du dernier mois, les prix de la plupart des produits de première nécessité ont augmenté, les difficultés pour se déplacer se sont accrues et les revenus ont chuté de manière drastique.

C’est pourquoi Rabbins pour les droits de l’homme a décidé de lancer un autre projet humanitaire. « Nous n’avons pas l’habitude de nous occuper d’initiatives de ce genre, ce n’est pas notre objectif principal », commente l’activiste. Mais la crise économique se profile à l’horizon. En collaboration avec une association basée à Tel-Aviv, Culture of Solidarity, les volontaires préparent des colis alimentaires pour différentes couches de la population : les familles palestiniennes dans les territoires menacés par les colons, les communautés bédouines du Néguev, déplacées après les massacres du 7 octobre à la frontière avec la bande de Gaza, les travailleurs migrants et les demandeurs d’asile.

L’homme à l’image de Dieu

« Mais le véritable cœur de notre organisation est sa vision théologique », a déclaré Anton à la fin de l’entretien. « L’humanité a été créée à l’image de Dieu. C’est ce qui lui vaut de vivre. Et la vie ne commence pas, ni ne se termine, par une frontière, ni n’a rien à voir avec la nationalité ou la naissance. C’est la valeur la plus importante pour nous. Une valeur qui a été sérieusement érodée au sein de la société israélienne, et que nous essayons de remettre sur le devant de la scène ».

C’est pourquoi, conclut-il, « nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre en œuvre des changements au sein de notre société. Nous multiplions nos activités et essayons de faire entendre notre voix plus fort dans le pays ».

Dernière mise à jour: 17/01/2024 14:23

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