La First Station de Jérusalem a accueilli dimanche dernier le premier temps de la Semaine de la Bonté. Les proches de l’otage israélo-américain Hersh Goldberg-Polin ont invité plusieurs centaines de personnes à les rejoindre pour un temps de prière et de chant dans cette ancienne gare ottomane, reconvertie en lieu de rencontres autour de ses cafés et boutiques branchées.
Lire aussi>> Les parents d’un otage appellent à une Semaine de la bonté
Cet événement intervient alors que le sort des 120 otages aux mains du Hamas tétanise toujours la société israélienne. La guerre est entrée dans son dixième mois et des dizaines de milliers de manifestants ont entrepris mercredi 10 juillet une marche de quatre jours depuis Tel-Aviv jusqu’aux bureaux du Premier ministre à Jérusalem. Arrivés samedi à destination, ils ont exigé la conclusion d’un accord, seule solution pour rendre les captifs à leurs proches. Au même moment, un autre rassemblement se tenait à la « places des otages » de Tel Aviv entre le musée d’art et la Kirya, siège du ministère de la défense. L’ex-otage Andrey Koslov s’y est adressé depuis la tribune à Benjamin Netanyahu : « Il n’y a rien de plus important que cet accord, c’est l’unique solution et il faut qu’elle intervienne maintenant ! ».
En complément de ces mobilisations, « Respirer pour les otages » proposait un moment alternatif pour traiter collectivement des douleurs et des deuils. Le projet Echo-Healing that resonate (Echo-Guérison qui résonne en français) s’est installé le temps d’une performance sur les planches de la First Station. Au cours de cette expérience dirigée par le psychanalyste et musicien Moish Feiglin, l’assistance était invitée à accueillir ses angoisses, de concert avec des exercices de respiration. Pour l’organisateur « il s’agit de prendre un moment pour soi, de diriger son attention sur son ressenti pour se connecter à son cœur. Cet objectif atteint, il devient possible d’élargir ce point à des cercles toujours plus larges : notre famille, nos amis … jusqu’aux otages. Je suis persuadé que ces prières les aident où qu’ils se trouvent. »
Son équipe organise un petit espace et une scène où il prépare son matériel : instruments de musique, micros et table de mixage. Le thérapeute s’installe en tailleur alors que des casques sans fil sont distribués à l’assistance, matériel nécessaire à une expérience introspective au cœur d’un lieu de passage. Placée au centre de l’assistance, une chaise vide sur laquelle a été posée une bougie. Elle symbolise les otages toujours absents. Le public se laisse guider par les orientations du maître de cérémonie : se concentrer sur sa respiration, son cœur et ses émotions avant d’étendre ses prières jusqu’aux captifs.
Interrogé sur la genèse de son projet, Moish Feiglin évoque la nécessité de construire des moments collectifs pour traiter la douleur et le deuil : « En l’absence de ces espaces, ces émotions peuvent se transformer en colère et attiser les divisions dans notre communauté. Les douleurs ont besoin d’être entendues afin de nous ramener à ce qui est vivant en chacun de nous ».
Lire aussi >> Communautés religieuses en Terre Sainte : “Le défi, c’est de garder l’espérance”
Cet israélo-australien, résident de la colonie de Tekoa en Cisjordanie, inscrit cet exercice dans la démarche de liaison entre le Gouf (corps) et le Nefesh (l’âme), d’inspiration religieuse : « Cette idée m’est venue après le 7 octobre où je me suis rendu compte que j’avais quelque chose de plus à proposer que des rondes de sécurité autours de nos maisons. J’ai pu depuis organiser des séances pour des publics israéliens mais aussi pour la diaspora juive à l’étranger, notamment aux Etats-Unis ».
Il porte un regard contrasté sur l’état de la société israélienne depuis le 7 octobre : « Toute la période pousse aux extrêmes, dans le mal et dans le bien. On peut se réjouir du nombre d’initiatives qui ont été mis en place par la population pour pallier les défaillances de notre gouvernement, toutes ces actions pour prendre soin des autres. Le mal, ce sont les divisions croissantes dans le pays avec une montée des peurs et de la colère qui s’expriment désormais dans la rue. J’essaye d’offrir autre chose, de réunir les gens et de prendre le temps de respirer. Un geste simple et pourtant essentiel dans ce monde de fous ».
Ce jeune père de famille essaye malgré tout de regarder l’avenir avec espoir : « Je m’interroge beaucoup sur l’après-guerre et la prochaine étape. Je pense que nous devrons tous entreprendre un effort collectif pour atteindre un degré supplémentaire de maturité : nous ne pouvons pas continuer à cultiver une mentalité reposant exclusivement sur un réflexe de survie. Il faudra bien que nous nous interrogions sur une façon israélienne de contribuer au monde. Notre sécurité ne peut pas être une fin en soi et il va falloir apprendre à renoncer aux murs ».
Lire aussi>> Feel Beit: la musique comme instrument de paix
Ces idées, exprimées par un habitant d’une colonie de Cisjordanie occupée à proximité de Bethléem, peuvent surprendre. Moish en a conscience et invite à visiter sa colonie de Tekoa : « C’est un endroit où le prophète Amos a mené une partie de son ministère. Nous y sommes en connexion avec cette terre et tous ses habitants, y compris les Palestiniens. Nous appartenons tous à cette Terre, et non l’inverse. »
Interrogé sur la pertinence de proposer la même expérience de thérapie holistique aux populations traumatisées de Gaza et de Cisjordanie, Moish marque un long silence avant de répondre : « Je comprends l’ampleur de leur souffrance et j’espère que nous arriverons tous collectivement à choisir la vie sur la mort ».