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Quand le sommeil des pèlerins veille sur l’éducation des chrétiens

Cécile Lemoine
16 janvier 2024
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Quand le sommeil des pèlerins veille sur l’éducation des chrétiens
Des élèves sur le perron de l’église grecque-catholique de Beit Sahour s’adressent à ceux rassemblés dans la cour, tandis que leur école est pour partie financée par la présence des pèlerins. © Ecole de Beit Sahour

Par leur présence, et parfois sans le savoir, les pèlerins fortifient la présence chrétienne en Terre Sainte. Rencontre avec Mgr Yasser al-Ayyash qui explique le lien entre le Foyer grec-catholique de la Vieille ville de Jérusalem et l’école de Beit Sahour (1).


Il n’y a pas de petites économies sur le prix d’un pèlerinage qui ne sont de grandes actions pour la communauté chrétienne locale. Nombreux sont les groupes, qui, pour limiter le prix du voyage, font le choix de passer leurs nuits dans des pensions religieuses moins onéreuses que des hôtels. Ce qu’ils ignorent c’est que ces établissements sont à but non-lucratif et font la péréquation avec les œuvres sociales des Églises ou institutions auxquels ils appartiennent.
“Notre Foyer d’accueil est une source de revenu vitale pour notre patriarcat : il nous permet de payer les salaires des prêtres, d’assurer l’entretien de nos églises et d’aider nos écoles, surtout celle de Beit Sahour, qui est toujours en déficit”, explique Mgr Yasser al-Ayyash, vicaire patriarcal grec-catholique de Jérusalem, qui reçoit dans les fauteuils de velours rouge du patriarcat. Un salon concomitant au foyer, auquel on accède par une série de couloirs désespérément vides. Touristes et pèlerins ont précipitamment quitté le pays le 7 octobre dernier, replongeant la Terre Sainte dans la morosité économique du Covid.

En l’absence de ressources financières au patriarcat grec-catholique, il faut à nouveau se serrer la ceinture : “Jérusalem fourmillait de gens, les hôtels étaient remplis, et puis tout s’est arrêté. Du jour au lendemain il a fallu remercier les neuf employés de la maison, le chauffeur, rogner sur le salaire des prêtres“, énumère le prélat dans un soupir. Sa voix reprend de la vigueur : “Mais j’ai refusé qu’on ferme l’école de Beit Sahour.”

Yasser al-Ayyash, vicaire patriarcal grec-catholique de Jérusalem lors de la remise des diplômes du bac © Ecole de Beit Sahour

Revenir en Terre Sainte : un acte d’amour

Fondé en 1966, l’établissement accueille 700 élèves, dont une grande majorité de chrétiens. D’origine modeste, les familles ne peuvent pas toujours payer les 1 000€ annuels de la scolarité de leurs enfants. Le patriarcat melkite couvre deux tiers de ces frais grâce aux revenus du Foyer, aux dons internationaux, et à une dette qui ne cesse de croître. “Dix jours après le début de la guerre, on m’a conseillé de fermer l’école car on y perd trop d’argent mais je ne suis pas d’accord : l’éducation, c’est un investissement, martèle Mgr al-Ayyash. On assure le futur et le présent de notre communauté : nos 70 employés sont tous chrétiens, ils ont besoin de travail, et leurs enfants d’une bonne éducation.”
L’école a été baptisée en l’honneur de son principal bienfaiteur, Mgr Peter Nettekoven. Évêque allemand du diocèse de Cologne, il est tombé amoureux des communautés chrétiennes de Terre Sainte, et a notamment aidé le patriarcat grec-melkite à se doter de sa maison pour pèlerins dans les années 1970. Une manière de s’affranchir de la dépendance des financements extérieurs. L’établissement, situé tout près de la porte de Jaffa en Vieille ville de Jérusalem, peut accueillir de 80 à 90 personnes dans une ambiance simple et familiale. Le prix de la nuit en demi-pension varie de 70 à 110€. Ainsi, lorsqu’un groupe de 80 pèlerins fait le choix de dormir au Foyer grec-catholique de Jérusalem, il permet au patriarcat de financer la scolarité de cinq jeunes chrétiens à l’école de Beit Sahour. Calcul grossier, mais révélateur de l’impact positif des pèlerins sur le tissu social des communautés locales. “D’une certaine manière, ils nous aident à faire en sorte que les chrétiens restent à Jérusalem et en Cisjordanie. Trop de personnes émigrent, or les chrétiens ne peuvent pas disparaître de Terre Sainte”, appuie Mgr al-Ayyash en soulignant le caractère essentiel du retour des pèlerinages : “Venir en Terre Sainte, c’est un acte d’amour autant que de prière. Il faut venir pour ses Lieux saints, mais aussi pour le futur de
ses pierres vivantes, les chrétiens d’ici. ♦

1. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres.

 

Les grecs-catholiques de Terre Sainte

Mgr Yasser al-Ayyash dirige une communauté de 4 500 âmes, réparties en 8 paroisses : Jérusalem, Beit Hanina, Jaffa, Ramle/Lod, Bethléem, Ramallah, Rafidia et Taybeh.
Les grecs-catholiques, dits melkites, sont nés en 1724, quand un petit groupe a choisi de faire scission du patriarcat grec orthodoxe d’Antioche, pour reconnaître le pape romain, tout en continuant à suivre le rite byzantin. Les melkites sont environ 50 000. La grande majorité vit en Galilée et dépend de l’archevêché d’Acre, dirigé par Mgr Youssef Matta.
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