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La richesse de la Custodie ce sont ses écoles et les chances d’avenir offertes

Propos recueillis par Marie-Armelle Beaulieu
17 janvier 2024
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La richesse de la Custodie ce sont ses écoles et  les chances d’avenir offertes
Décidée par les Églises gardiennes des Lieux saints, la phase actuelle de restauration du pavement de la basilique de la Résurrection est pour l’essentiel à la charge de la Custodie, comme celle de l’édicule l’avait été à celle des grecs-orthodoxes. ©MAB/CTS

La date de Pâques arrive tôt dans l’année civile 2024, obligeant Terre Sainte Magazine à vous parler dès maintenant de la collecte du Vendredi saint.
Pour le faire nous avons demandé un entretien avec le custode de Terre Sainte, le frère Francesco Patton, qui explique l’importance de cette démarche de solidarité avec l’Église de Terre Sainte et spécialement les œuvres de la Custodie.


Que représente la collecte pour les Lieux saints ?

La collecte pour les Lieux saints, représente la principale source de subsistance de la Custodie. J’oserai dire que c’est un signe de communion entre la Custodie et l’Église universelle. Elle est organisée à la demande du Saint-Siège précisément pour soutenir la mission de la Custodie de Terre Sainte dans le soin des Lieux saints comme la réalisation d’activités éducatives, sociales, caritatives et pastorales. Je dirai donc que, sans la collecte du Vendredi saint, il nous serait pratiquement impossible de mener à bien notre mission.

En septembre 2023, le custode de Terre Sainte inaugurait à Beit Hanina la 18e école de la Custodie de Terre Sainte. Une école particulièrement pour enfants déficients auditifs et visuels, mais auxquels, en vue d’une meilleure inclusion, se joignent désormais des enfants sans handicap. © Marinella Bandini/CTS

 

La collecte couvre-t-elle tous les frais de la Custodie ?

Non, la collecte n’en couvre qu’une partie. Le reste est couvert par les revenus des sanctuaires, (offrandes, messes, les Casa Nova nos hôtelleries) et par les dons de bienfaiteurs, parfois ceux d’organismes institutionnels et puis aussi par d’autres activités de collecte de fonds qui sont menées par les Commissariats de Terre Sainte dans le monde entier ou par nos ONG qui les sollicitent comme Pro Terra Sancta ou the Franciscan Foundation for the Holy land aux États-Unis. Mais disons que la majeure partie de nos activités est financée par la collecte.

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Quels sont les postes de dépenses la plus importants ?

Ce sont les écoles. Nous en avons 18. La masse salariale et les coûts de fonctionnement – en augmentation – représentent les deux premiers postes de dépenses de la Custodie. Le troisième poste de dépenses ce sont les activités d’entretien et de restauration des sanctuaires. Puis viennent toutes les activités sociales telles que la rénovation des maisons où habitent les chrétiens.

Des diocèses ou paroisses en Europe estiment ne plus pouvoir aider la Terre Sainte. Qu’en dites-vous ?

Ceux qui le veulent ont toujours les moyens de le faire. Chaque année, je prends connaissance, pays par pays, continent par continent, des données. Et je suis surpris et touché de voir que la contribution des chrétiens vivant en Afrique grandit. Ainsi, même une réalité pauvre comme l’Afrique se mobilise pour contribuer. La question n’est pas de savoir si vous êtes pauvre ou riche. Lorsque saint Paul a promu la première collecte pour la Terre Sainte, voir la deuxième épître aux Corinthiens, il dit que chacun doit donner selon la largesse de son cœur. Qui a un cœur serré donne peu, qui a le cœur large donne beaucoup (2Co 9, 6-15).

L’accueil des pèlerins dans les Lieux saints constitue une priorité pour la Custodie. Au Champ des bergers, en même temps qu’elle dote le sanctuaire de nouveaux espaces de prière, elle réalise une campagne de fouilles archéologiques sous la direction de l’Institut Pontifical d’Archéologie Chrétienne de Rome en y associant de jeunes Palestiniens apprentis archéologues dans le cadre d’un accord avec le Ministère du Tourisme et des Antiquités de l’Autorité nationale palestinienne. © Silvia Giuliano/CTS

La Custodie rend-elle des comptes et si oui à qui ?

Bien sûr, au Dicastère pour les Églises orientales. Nous présentons chaque année pratiquement trois rapports : l’un est le budget consolidé, donc toutes les recettes et toutes les dépenses ; l’autre est un rapport spécifique consacré à la collecte du Vendredi saint, où tous les revenus sont répertoriés, diocèse par diocèse, suivi des tableaux récapitulatifs par pays. Le troisième devant la Roaco (Réunion des œuvres d’aide aux Églises orientales) où nous présentons les principales recettes et dépenses. Et finalement un rapport spécial, que nous préparons chaque année en vue de la collecte du Vendredi saint, dans lequel nous décrivons les travaux réalisés au cours de l’année précédente grâce à la collecte et aux autres dons.

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Certains, pèlerins et parfois chrétiens locaux, ont le sentiment que la Custodie est riche. Que leur répondez-vous ?

Qu’en réalité la Custodie n’est pas riche. Beaucoup oublient probablement que la Custodie ne se résume pas à Israël et la Palestine. La Custodie est également présente en Syrie et au Liban, deux pays en grave crise économique, et où, sans notre engagement, et surtout en Syrie, peut-être que la présence chrétienne serait encore plus réduite.
Et puis il y a beaucoup d’autres territoires qui sont aussi dans une situation d’urgence permanente en raison de nouveaux problèmes sociaux. Je pense, par exemple, à Chypre et à Rhodes. Chypre est le pays européen qui compte le plus grand nombre de réfugiés par nombre d’habitants. Rhodes compte aussi beaucoup de réfugiés. Ici en Palestine, nous avons vu dans les années de pandémie ce que signifiait l’absence de pèlerins et la réduction de la collecte du Vendredi saint rendue impossible. Nous avons soutenu alors la survie d’habitants de Bethléem. Nous avons porté des familles, assumé les frais de scolarité dans nos écoles voire d’autres, nous avons maintenu des emplois même sans travail, couvert des soins médicaux, etc.
La richesse ne doit jamais être calculée sur le chiffre absolu mais sur le nombre de personnes qui bénéficient de cette richesse et nous venons en aide à des milliers de personnes. En fin de compte, ce que nous essayons de faire, c’est de répondre aux besoins réels. Si on prend la peine, par exemple, de consulter le rapport annuel des activités et des travaux réalisés, on se rend compte de ce qu’est l’engagement de la Custodie : à elles seules, les écoles disposent d’un budget annuel de 25 à 30 millions de dollars. Ce n’est donc pas un petit budget.
Mais ce n’est pas ce chiffre qui exprime la richesse de la Custodie. La richesse de la Custodie ce sont ses écoles, la formation culturelle proposée aux enfants et aux jeunes d’ici, à leurs familles et à leur pays, les chances d’avenir offertes. La Custodie n’est pas riche, son objectif est d’avoir un budget à l’équilibre, pas de le rentabiliser.

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Après la crise du covid, et tandis que les pèlerinages reprenaient tout juste, nous voici maintenant en guerre. Cela a-t-il des conséquences pour la Custodie ?

Certainement. Cela entraîne des conséquences pour la Custodie mais pas elle seule. En cas de crise c’est toujours la ville de Bethléem qui souffre le plus, car son économie est celle qui dépend le plus du tourisme et des pèlerinages. Et c’est là que se trouve la majeure partie des chrétiens de Cisjordanie.
Pendant le Covid, nous avions décidé de garantir la moitié du salaire à nos employés même ceux qui avaient dû rester chez eux en Palestine, où il n’y a pas d’aide sociale(1).
Depuis le début de cette nouvelle guerre, les Bethléemites se retrouvent dans la même situation que durant le covid et pire encore puisque la ville est bouclée (par l’armée israélienne NDLR). Les dommages économiques sont certains, mais il y a aussi un autre type de dommage en l’absence des pèlerins. C’est un dommage d’ordre psychologique, spirituel. Car lorsqu’il n’y a pas de pèlerins, les chrétiens locaux, qui sont une minorité, se sentent en quelque sorte seuls et abandonnés, tandis que lorsqu’il y a des pèlerins qui viennent de tous les pays du monde, nos chrétiens sont heureux parce qu’en plus de pouvoir vivre de leur travail – ce qui est souhaitable pour tous – ils se sentent appartenir également à une famille universelle qui embrasse le monde entier. À l’inverse, dans cette situation, leur marginalité face aux deux majorités présentes dans le pays les isole encore davantage.

Des projets en cours, quel est le plus important pour vous ?

En raison de sa portée œcuménique je dirai que le projet le plus important à l’heure actuelle est d’achever la restauration du Saint-Sépulcre et mener à leur terme les études archéologiques. Mais sur la durée, le travail qui me tient le plus à cœur, c’est celui réalisé dans les écoles. Nous avons des élèves chrétiens, musulmans, juifs, et la possibilité de les éduquer à la paix, ce qui est ô combien nécessaire ici ! Et une troisième réalité qui me tient particulièrement à cœur, ce sont les situations de grande difficulté à cause de la pauvreté, de la guerre. Je pense à ces deux pays voisins, où il est actuellement presque impossible de vivre, le Liban et la Syrie, où le revenu est maintenant inférieur à 20$ par mois.
Nous sommes sur ces trois fronts comme Custodie gardienne des Lieux saints et aussi vivant au milieu des populations pour leur venir en aide en cas d’urgences et encourager les jeunes à se préparer un avenir.♦

1. Comme la Custodie l’avait déjà fait durant les deux intifadas.

Dernière mise à jour: 17/01/2024 13:04

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