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Mission : témoins de la paix et de la fraternité

Francesco Patton, custode de Terre Sainte
30 juillet 2017
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Mission : témoins de la paix et de la fraternité
Rayonnement Le custode de Terre Sainte célébrant la rupture du jeûne un soir de Ramadan au village de Béthanie. A l’image de saint François, le dialogue est d’abord affaire de gestes posés.

A ses frères qu’il envoie vivre “chez les Sarrasins” saint François d’Assise donne deux consignes. Formulées il y a 800 ans,
elles sont toujours d’une actualité saisissante comme le rappelle le custode de Terre Sainte.


Cette année est, pour nous, frères de Terre Sainte, une année particulièrement significative. En effet, il y a exactement 800 ans, au Chapitre de Pentecôte qui se tenait à Sainte-Marie des Anges à la Portioncule à Assise, notre Ordre s’ouvrit à une dimension missionnaire et universelle. En effet, décision fut prise d’envoyer des frères à travers l’étendue du monde alors connu et d’en faire des témoins de la paix et de la fraternité. A cette occasion, certains frères, guidés par le frère Élie de Cortone, furent envoyés en “outremer” pour fonder une nouvelle Province franciscaine.
Deux ans plus tard, en 1219, c’est saint François en personne qui se rendit, en tant que pèlerin et missionnaire, en Terre Sainte. De ce voyage, nous gardons tous l’image de la rencontre avec le sultan Malek-Al-Kamel, qui eut lieu à Damiette en Égypte dans le contexte de la cinquième croisade. Cette rencontre est bien documentée dans des sources antiques, qu’elles soient externes ou internes à l’Ordre franciscain. Elle se trouve également dans des sources musulmanes. Pour ce faire François eut probablement un laissez-passer spécial afin de visiter les Lieux Saints, qui transmettent la mémoire de l’Incarnation et de la Passion, mort et Résurrection du Seigneur Jésus.
Le voyage de François en Terre Sainte est si important et significatif pour lui, et pour nous, que dans ses “Écrits” postérieurs à 1221, on en retrouve un peu partout des traces et des échos. Il est d’ailleurs révélateur de voir que dans l’ “Office de la Passion”, François parle de la mangeoire dans laquelle Jésus fut déposé (Uff Pass XV, 7 : FF 303), et que dans la “Lettre à l’Ordre” il fait référence à la vénération au “sépulcre dans lequel il (Jésus) gisait” (Lord 2 : FF 220). Il est encore plus significatif de noter l’invitation que François adresse aux chefs des peuples : “Chaque soir, faites proclamer par un crieur public, ou avertissez par quelque autre signal que tout le peuple ait à rendre louange et grâces au Seigneur Dieu tout-puissant.” (Lcp 7 : FF 213).

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Plus particulièrement, ce voyage et cette expérience contribuèrent à l’élaboration d’une véritable méthodologie missionnaire propre qui est synthétisée dans le chapitre XVI de la Regula non bollata (FF 42-45). Saint François nous y rappelle que nous sommes appelés à évangéliser de deux façons. D’abord, ne pas rentrer dans des querelles ou des disputes, être le sujet de chaque créature humaine par amour de Dieu et confesser d’être chrétien. La première façon est donc celle du témoignage de vie, qui se concrétise quand on évite toute forme d’agressivité et toute polémique, que l’on se met au service des autres pour l’amour de Dieu et que l’on manifeste clairement une identité chrétienne. Saint François ajoute que “quand ils verront que ça plaît au Seigneur”, alors les frères pourront annoncer explicitement le mystère du Christ et administrer les sacrements qui intègrent les fidèles à l’Église. Il faut aussi prendre en compte la possibilité d’être rejeté, poursuivi, voire tué, mais cette hypothèse est déjà comprise dans la profession de vie religieuse, par laquelle nous mettons totalement notre vie entre les mains de Dieu.
Ce sont ces lignes simples qui ont guidé l’expérience franciscaine en Terre Sainte, au long de ces huit siècles, parmi des personnes d’autres culture, foi et religion. Et ce sont les axes qui guident toujours notre présence ici. C’est à partir de cette expérience et de cette intuition qu’est né le désir de pouvoir rester dans les Lieux Saints pour louer et remercier Dieu pour ce qu’il a fait en s’incarnant à Nazareth, en montrant le visage de Dieu par celui d’un enfant à Bethléem, en se livrant à nous par l’eucharistie au Cénacle, en nous enseignant l’amour réciproque à travers le lavement des pieds, en ajustant sa volonté humaine sur celle du Père à Gethsemani, en nous montrant l’amour le plus grand, celui qui va jusqu’à donner sa vie sur le Golgotha et triompher pour toujours de la mort le troisième jour, au Saint-Sépulcre.

 

Pour des générations de frères, la Terre Sainte a été une destination missionnaire. En 800 ans, 2000 d’entre eux y sont morts martyrs à cause de leur foi ou de leur charité.

 

Prolongement

De cette expérience et cette intuition est né le désir de rendre d’autres lieux saints accessibles, pour donner la possibilité de voir et toucher les lieux où Jésus est né, a vécu, a pris soin de nous, a manifesté la puissance réparatrice de sa Parole et du contact avec lui, et surtout les lieux de sa Passion, mort et Résurrection.
C’est cette intuition qu’a fait sienne en 1342 le pape Clément VI qui promulgua les bulles “Gratias agimus” et “Nuper carissimae” et confia ainsi à notre Ordre la garde des Lieux Saints, donnant un statut juridique à la Custodie de Terre Sainte et en prévoyant son internationalité.
C’est de cette même intuition première, qui pousse à “être le sujet de chaque créature humaine par amour de Dieu” et à annoncer l’Évangile jusqu’au martyre, que naissent les œuvres pastorales comme les paroisses et les œuvres sociales, comme les écoles. C’est ce qui donne aussi l’impulsion pour développer des entreprises artisanales locales, c’est là que s’origine la proximité avec les populations souffrantes et persécutées, tout au long des huit derniers siècles et aujourd’hui encore. C’est grâce à cette intuition initiale qu’environ 2000 frères, durant ces huit siècles, sont morts martyrs de la foi ou de la charité. Et c’est au nom de cette même intuition originale que nos frères sont restés en Syrie dans les années récentes de guerre, dure et dévastatrice, et qu’ils demeurent aujourd’hui encore auprès des gens pour maintenir vive l’espérance.
En tant que franciscains, nous lisons ces huit siècles comme une manifestation de la Providence, de la fidélité et de la bonté de Dieu à notre égard, parce qu’il a choisi l’instrument ecclésial simple et pauvre, multicolore et, parfois aussi, un peu désordonné que nous sommes pour poursuive ici non pas notre mais son histoire, qui est toujours une histoire de salut. ♦

 

Moins visible pour les pèlerins, le service qu’accomplissent les franciscains de la Custodie auprès des populations locales. Pour eux, il n’en est pas moins important.


Comment François envoie ses frères chez les Sarrasins

“Les frères qui s’en vont (chez les Sarrasins) peuvent envisager leur rôle spirituel de deux manières : ou bien, ne faire ni procès ni disputes, être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu, et confesser simplement qu’ils sont chrétiens ; ou bien, s’ils voient que telle est la volonté de Dieu, annoncer la Parole de Dieu (1 Reg 16, 5).”

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