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Drogman aujourd’hui, gardien de l’héritage d’hier

Paul Turban
30 juillet 2018
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Drogman aujourd’hui, gardien de l’héritage d’hier

Jeries Majlaton est le drogman des franciscains du Saint-Sépulcre. Un rouage essentiel au bon fonctionnement du Statu Quo. Terre Sainte Magazine l’a rencontré pour échanger sur l’actualité du drogmanat.


Le rôle de Jiries est très important, je veux que cela se sache.”
Le Père Athanase, responsable du Statu quo au sein de la Custodie, ne tarit pas d’éloges quand il parle du drogman des franciscains. À seulement 40 ans, Jeries Majlaton occupe ce poste multiséculaire depuis plus d’une dizaine d’années. “J’ai commencé à travailler ici en 2001, en aidant les prêtres à la sacristie, explique-t-il. Quand le précédent drogman est parti, je l’ai remplacé.” Ainsi, il travaille à temps-plein dans la basilique du Saint-Sépulcre. L’emploi n’a pas pris une ride, bien que les fonctions qui y sont associées aient quelque peu évolué.

 

Comme les drogmans des temps anciens, Jeries est un négociateur. “Ma mission principale en tant que drogman, explique-t-il, est de contrôler le respect du Statu quo au Saint-Sépulcre.” “Il défend nos droits comme un avocat, ajoute le Père Athanase. Je pense qu’il fait très bien son travail : les lieux saints sous Statu quo sont le plus difficile à défendre.” La répartition du temps et de l’espace en vertu des droits statutaires et le contrôle de son respect par les différents religieux qui se succèdent dans le lieu le plus saint du christianisme sont ainsi au cœur de ses occupations. De ce fait, le drogman du Saint-Sépulcre dirige l’équipe d’employés de la basilique, aide à la préparation de la Semaine Sainte et assiste aux célébrations majeures. Une partie de son temps consiste aussi à rencontrer les religieux qui se partagent la garde du tombeau, que ce soit les frères franciscains ou les clercs des autres confessions. “En parlant avec eux chaque jour, j’apprends à connaître chacun, confie-t-il. Je dois avoir de bonnes relations avec tous car sans cela, nous ne pourrions pas gérer ensemble les différents aspects du Statu quo. Même si des problèmes surviennent, ils peuvent être résolus.” Il en est de même avec les autorités civiles : Jeries est le principal interlocuteur de l’officier de police israélien en charge de la basilique.
Pour assurer sa fonction, Jeries est polyglotte, à l’image de ses illustres prédécesseurs. “L’arabe est ma langue maternelle. Je parle très bien anglais. J’ai appris l’italien en travaillant avec les franciscains, et je parle un petit peu le français et l’hébreu”, détaille-t-il. Par ailleurs, il dut acquérir de nombreuses connaissances relatives aux us et coutumes du Saint-Sépulcre. Pour cela, il a pu bénéficier de l’aide d’un de ses prédécesseurs qui est resté présent régulièrement dans la basilique jusqu’à sa disparition. “Au début, avant la Semaine Sainte, je lui ai donné des enregistrements vidéos des années précédentes, et il les a étudiés”, explique le Père Athanase. “J’ai aussi lu plusieurs livres sur le sujet, ajoute Jeries, notamment les premières années”. Cela est complété par deux valeurs cardinales indispensables à un bon drogman. “Il est nécessaire d’être patient et de faire attention à ses actions, surtout avec les autres communautés”, confie-t-il. Le respect des autres est indispensable, faute de quoi il est impossible de maintenir de bonnes relations avec toutes les composantes de la mosaïque de confessions et de cultures qui animent le lieu. L’échange et l’enrichissement culturel sont d’ailleurs parmi les aspects que Jeries préfère dans son métier.

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Expérience et continuité

En tant qu’intermédiaire entre les différentes parties concernées par le Statu quo, le drogman est de nos jours une véritable référence au Saint-Sépulcre. “Il symbolise la continuité parce que les frères changent souvent”, explique Père Athanase. Au contraire, les drogmans varient peu. En 70 ans seules trois personnes différentes ont occupé cette fonction. “L’ancien drogman, Yacoub, a commencé en 1949 et il a pris sa retraite en 1998, raconte le responsable du Statu quo. Il a continué à venir jusqu’à sa mort en 2006, ce qui fait plus de 50 années passées dans la basilique.” Aussi, le drogman est un partenaire privilégié du supérieur et des sacristains du Saint-Sépulcre : “Ils sont dépendants du drogman, de son expérience et de ses connaissances”, avoue Père Athanase. Ainsi, le drogman reste de nos jours l’un des principaux garants des droits des latins au Saint-Sépulcre. t

Dernière mise à jour: 12/02/2024 13:02

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