Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Figure de franciscain

Marie-Armelle Beaulieu
30 juillet 2017
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C’est par un très beau dimanche de juin, qu’une cinquantaine de frères franciscains se sont rendus dans la petite église paroissiale de Saint-Jean d’Acre pour commémorer dans la joie le souvenir de leurs frères qui débarquèrent ici même il y a 800 ans.
Quelle belle journée ce fut ! On a beau aimer très fort Jérusalem, ça fait du bien d’en sortir parfois. Il faisait doux (29 degrés), il y avait une bonne brise marine, et on était dans l’intimité.
J’espérais bien en accompagnant les frères pour cette célébration trouver la photo de Une de ce numéro. Car c’est bien joli de fêter le huit-centième anniversaire de l’arrivée des frères mineurs en Terre Sainte, c’est bien joli de prévoir de publier dans les prochains numéros des articles sur l’esprit et le contexte de cette arrivée. Mais comment fait-on pour illustrer la présence franciscaine au XIIIe siècle ? C’est à chaque fois le même casse-tête : les articles historiques ou bibliques donnent du fil à retordre aux iconographes. Surtout quand on doit illustrer sans dépenser d’argent et qu’on veut le faire avec des documents locaux, comme c’est le souci de Terre Sainte Magazine.
J’étais donc arrivée avant les frères, je voulais les voir débarquer comme en 1217.
Et de fait, leur bus les laissa sur la placette en contrebas de l’église et tout près du phare. Pour monter jusqu’à la chapelle, il fallait qu’ils empruntent des escaliers. J’allais donc les avoir en groupe, avec la mer qui jouait des bleus, le phare joliment décrépit. N’importe quel vrai photographe aurait sorti une splendeur. Mais voilà, je ne suis qu’une journaliste qui fait de la photo.
Il faudrait trouver autre chose.
Au cours du repas qui durait un peu, tant le bord de mer où nous étions n’incitait personne à se faire violence, je remarquai qu’un frère s’était isolé sur les rochers.
Je m’approchai discrètement par derrière mais fus vite trahie par le déclencheur de l’appareil. frère Khoukaz se tourna.
Je lui demandai : “Ça te fait penser à ton pays ? (la Syrie)”. “Non, à Dieu qui fait des merveilles.” Il était heureux. Je me tus.
Je sais ce qu’il y a de foi dans le cœur de ce jeune homme. A 400 kilomètres du lieu où nous étions, ses parents vivent dans un village toujours sous l’emprise du califat islamique du Front Al-Nosra. Quand ils parlent d’eux il dit : “On ne doit pas négliger la prière pour eux. Même un seul Je vous salue Marie par jour. Ils disent que c’est grâce à cette prière qu’ils tiennent le coup. Et moi c’est grâce à leur foi que je tiens le coup. Pas un jour ne passe dans mon village sans qu’un miracle ne soit accompli et quand je les entends en parler, je m’émerveille.”
J’ai laissé frère Khoukaz à sa méditation en me disant que tant que la Custodie compterait des frères comme lui, on pourrait ajouter des années au compteur de leur présence en Terre Sainte.♦

Dernière mise à jour: 22/01/2024 14:04

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