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Syrie, la guerre qui n’en finit pas

Giuseppe Caffulli
30 mai 2017
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Syrie, la guerre qui n’en finit pas
Frère Ibrahim Al Sabagh explique au Ministre général des franciscains l’organisation de l’aide alimentaire à la paroisse Saint-François d’Alep.

Depuis six ans, la Custodie est aux premières loges de la tragédie syrienne. Une douzaine de religieux franciscains sont restés dans le pays. Ils y sont témoins des horreurs de la guerre. Ils œuvrent surtout
à vivre une présence solidaire.


En mars, il y a six ans, s’ouvrait pour la Syrie une saison tragique. Après les espoirs timides suscités par les Printemps arabes (d’abord en Tunisie, puis en Égypte), le pays a été traversé par une série de manifestations contre le gouvernement du président Bachar al-Assad. Bien vite, cependant, la Syrie a plongé dans le chaos, en proie à des jeux de stratégie et des motivations géopolitiques qui ont vu l’entrée en scène, de manière plus ou moins directe, de pays voisins, de puissances étrangères et des forces combattantes islamiques qui se réfèrent surtout au bloc sunnite. Seul objectif : renverser Assad (qui bénéficie du soutien populaire dans une grande partie du pays) et démembrer le pays en différentes zones d’influence.
Aujourd’hui, les chiffres de cette guerre interminable sont tragiques. Personne ne connaît le nombre exact de morts : peut-être plus de 450 000, dont 100 000 seraient des civils, pour 20 000 enfants et 10 000 femmes. Les réfugiés représentent aujourd’hui près de la moitié de la population : 6,5 millions de déplacés à l’intérieur du pays, 5 autres millions dispersés dans 5 camps de réfugiés en Turquie (2 700 000), en Irak (230 000), au Liban (plus d’1 million) et en Jordanie (660 000).
Dans ce contexte, il faut noter la lueur d’espoir dont témoignent chaque jour les frères mineurs de la Custodie de Terre Sainte. Ils ont décidé de rester dans le pays malgré tout, risquant leur propre vie ; nous n’avons pas oublié l’enlèvement de frère Hanna Jallouf et frère Dhiya Aziz, ni, la mort tragique – au cours d’une opération de djihadistes – d’un religieux hébergé dans un couvent de la région de l’Oronte, le père François Mourad.

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Au service des pauvres

Outre leurs encouragements sans relâche auprès de la population locale, les frères (syriens pour la plupart) sont à Damas, Alep, Lattaquié et dans les villages de l’Oronte, au service des plus pauvres, sans aucune distinction religieuse. Aussi bien proches des miséreux, et loin des compromis politiques, qu’assurant un accompagnement pastoral, ils exercent de nombreuses activités de bienfaisance : distribution de colis alimentaires et de biens de première nécessité, distribution d’eau et de gaz pour l’éclairage et le chauffage.
Il y a aussi les interventions sanitaires et l’approvisionnement en médicaments, le soutien aux survivants des hôpitaux (en particulier à Alep) et aux œuvres éducatives. Enfin, la reconstruction, si possible, de ce qui a été détruit. Le travail des frères de la Custodie est financièrement soutenu par les différentes Églises à travers le monde, grâce à des dons et des programmes d’aides. Ces dernières années, l’Association pro Terra Sancta (l’ONG de la Custodie relayée en France par la Fondation François d’Assise) est venue en aide aux frères et à la population locale, soulevant plusieurs collectes de fonds pour des projets spécifiques.
Un témoignage de ce que les franciscains, actuellement une douzaine, font en Syrie, nous vient du frère Ibrahim Al Sabagh, curé de la paroisse latine d’Alep. Durant les années de guerre, il n’a cessé d’écrire pour alerter, informer, crier à l’aide, témoigner, et nous rendre à nous l’espoir et la foi en l’homme. Ces lettres sont devenues un livre. Bouleversant, attachant. De lui frère Ibrahim écrit : “Pensant à ce qu’est devenue mon existence, moi qui rêvais de contemplation, je pars d’un grand rire intérieur. Dans cette cité en ruines, tour à tour pompier, infirmier, surveillant, enseignant, ce n’est qu’en dernier lieu que je suis prêtre.”
Il a beau dire le père Ibrahim, même devenu technicien humanitaire, il n’oublie pas son sacerdoce : “Durant le sacrement de la réconciliation, il arrive parfois qu’un fidèle confesse des sentiments de haine pour nos ennemis. Je lui demande alors de pardonner : chaque fois, la personne se montre disposée à le faire.”
Oui, dans le dénuement la foi est mise à rude épreuve. C’est ce dont témoignent actuellement les franciscains de la Custodie présents en Syrie. C’est certainement l’aspect le plus délicat pour eux à accompagner mais ils le font sans hésitation. Un accompagnement qui a de quoi forcer notre admiration et édifier notre foi. N’hésitons pas à le découvrir.♦


Juste avant l’aube

d’Ibrahim Al Sabagh
Collection Actualité
320 pages – mars 2017
ISBN : 97 82 20 41 20 401
La version originale du livre en italien est sortie aux éditions italiennes de Terre Sainte (ETS).

Dernière mise à jour: 18/01/2024 13:49

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