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Des jeunes, des franciscains et l’Évangile

Claire Riobé
4 mars 2020
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Des jeunes, des franciscains et l’Évangile
Frère Sandro entouré de jeunes lors d’un temps de prière. ©Nadim Asfour/CTS

]Le nouveau curé de Jérusalem, frère Amjad Sabbara, et son vicaire, frère Sandro Tomašević, à peine arrivés à Jérusalem ont pris la mesure : les jeunes désertent la paroisse bien qu’ils soient très demandeurs de découvrir leur identité chrétienne. Qu’à cela ne tienne ! Les deux pasteurs leur ont concocté un programme : découvrir l’évangile et sa traduction dans la vie de saint François, pour faire leurs ces exemples.


Vous venez de mettre en place de nouvelles activités pour les jeunes chrétiens de Jérusalem. Pouvez-vous nous en parler ?

L’idée est de rassembler les jeunes chrétiens de la Vieille ville de Jérusalem et de leur permettre de vivre l’évangile dans leur vie quotidienne. Nous leur proposons pour cela l’exemple de saint François et son idéal de vie.

Nous avons créé trois groupes : le premier réunit les jeunes de 7 à 14 ans, les «Enfants de saint François». Ils se retrouvent les dimanches pour participer à la chorale de la messe et tous les jeudis.

Le second groupe sont les «Jeunes de saint Antoine», de 14 à 17 ans, qui viennent pour la plupart du groupe scout du quartier. Ils sont une vingtaine et se rencontrent tous les jeudis. Nous abordons ensemble différents thèmes mais nos réunions sont toujours sur le même schéma : un enseignement de la Bible, un temps de musique/chants et un temps de prière.

Les 18 à 30 ans, le dernier groupe, se retrouvent le vendredi soir et trois temps forts leur sont proposés en plus dans l’année. Une marche vers Bethléem pour Noël, une journée d’action comme la visite des orphelinats et l’été la «marche franciscaine», un camp itinérant de quelques jours. Nous nous rencontrons également deux fois par an avec les jeunes chrétiens d’autres villes, une fois à Bethléem, une fois à Jéricho, pour préparer la grande marche estivale.

 

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À quels enjeux êtes-vous confrontés dans cette mission ?

Ici la religion est omniprésente, pourtant c’est un défi de montrer aux jeunes que l’Église peut être proche d’eux, qu’elle peut comprendre leur manière de penser. Nous essayons de les former sur des sujets qu’ils n’oseraient pas aborder ailleurs ou dont ils n’entendraient pas parler autrement. C’est pour ça que la présence des frères à leurs côtés est importante. Frère Amjad et moi-même essayons de passer du temps avec eux, ainsi que d’autres séminaristes franciscains arabes. Les jeunes pensent que les franciscains vivent dans un monde qui ne les concerne pas. À nous voir vivre, ils comprennent que nous sommes des personnes normales, comme eux !

 

Ces groupes n’existaient pas auparavant ?

Non. Le précédent curé n’avait pas le temps. Après la première communion et la confirmation, les jeunes n’ont plus de lien avec l’Église. Cette année, nous voulons profiter des fêtes de Noël et de Pâques pour organiser une grande fête, regrouper toutes les classes de notre école, et proposer aux élèves le sacrement de confession. À partir de janvier, nous allons faire le tour des classes pour leur parler de la «Jeunesse franciscaine» – une branche de l’Ordre franciscain séculier – et les motiver à rejoindre nos groupes.

 

D’abord, nous leur apprenons à se connaître eux-mêmes. Ensuite, à aller à la découverte de Dieu en eux-mêmes.

Quel type d’enseignement religieux les jeunes reçoivent-ils avec vous ?

D’abord, nous leur apprenons à se connaître eux-mêmes. Ensuite, à aller à la découverte de Dieu en eux-mêmes. Nous avons eu l’idée de proposer aux jeunes trois promesses, qui sont celles des frères franciscains. S’ils le désirent, ils suivent une préparation de six mois au terme de laquelle ils s’engagent à vivre dans le monde à l’exemple de saint François, avec ses trois vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté. Ils prononcent ces vœux pour un an, qu’ils renouvellent chaque année. Nous préparons la jeunesse chrétienne de Jérusalem à appartenir, dans le futur, à l’Ordre franciscain séculier (voir encadré), tout en vivant dans le monde.

Frère Paulo, Brésilien et arabisant, séminariste pour la custodie, aime lui aussi témoigner aux jeunes de la paroisse, qu’il est jeune avec eux et «comme eux». ©Thomas Coex

En quoi consiste cet engagement ?

Nous venons de lancer ce projet, mais nous comptons commencer la préparation en mars, jusqu’en septembre 2020. Le principe est que les jeunes qui souhaitent faire ces vœux s’engagent sur six mois à se rendre à toutes nos réunions, mais également à la messe le dimanche, et à recevoir les sacrements comme la confession. À l’issue de ces six mois de préparation, nous organiserons une grande cérémonie pendant laquelle les jeunes renouvelleront la promesse de leur baptême et prononceront leur vœux.

Pourquoi avoir créé une piscine et un centre sportif à Beit Hanina ?

La question que nous nous sommes posée était : «Comment faire en sorte que les jeunes d’ici soient plus proches de l’Église ?» Ces constructions répondent à un besoin des jeunes et à un vrai défi auquel nous sommes confrontés en tant que prêtres : garder les jeunes proches de l’Église.

Je prends souvent exemple sur les salésiens : ils ont très tôt mis en place des installations de ce genre pour les jeunes. C’est comme ça qu’ils peuvent peu à peu rencontrer les prêtres, participer à des événements de l’Église, apprendre à mieux la connaître, etc.

 

ORDRE FRANCISCAIN SÉCULIER

Héritiers d’une longue histoire

Il y a 8 siècles, déjà du vivant de François d’Assise, de nombreux laïcs souhaitaient mener une vie évangélique tout en conservant leur état.

Ce statut est formellement reconnu par l’Ordre franciscain en 1289 avec une règle, c’est la naissance officielle du «Tiers-Ordre franciscain». En 1978 Paul VI promulgue une nouvelle règle ou Projet de vie évangélique qui adapte le Tiers-Ordre, devenu Ordre franciscain séculier, aux exigences et aux attentes de l’Église dans les conditions du monde actuel.

 

 

Quelles différences observez-vous entre la jeunesse de Jérusalem et celle que vous avez côtoyée à l’étranger ?

La culture, la manière de penser n’a rien à voir avec celle des autres jeunes. Avec internet sur leur portable, je remarque qu’ils pensent plus outside the box (en dehors de la boîte) qu’il y a neuf ans par exemple, quand j’étais venu étudier à Jérusalem. Ça a du positif et du négatif. Il se sentent d’avantage une minorité qu’auparavant. C’est une réalité à laquelle ils sont confrontés continuellement. Ils ne vivent pas dans une culture chrétienne, donc n’ont pas de coutumes chrétiennes ancrées comme cela peut être le cas en Europe, par exemple. Ils ne vivent pas entièrement le message de l’Église. Mais paradoxalement, ils vivent dans une culture plus conservatrice, culture que nous avons abandonnée en Europe.

 

Jérusalem peut être vue comme la toute première paroisse du monde par exemple, où le Christ est ressuscité. Mais les jeunes ont tendance à la voir comme un obstacle…

 

Je crois vraiment qu’il y a des avantages comme des inconvénients à vivre en tant que chrétien ici. Jérusalem peut être vue comme la toute première paroisse du monde par exemple, où le Christ est ressuscité. Mais les jeunes ont tendance à la voir comme un obstacle…

Je vois aussi ici un sens de la communauté plus grand qu’en Europe, en particulier dans la Vieille ville de Jérusalem, où les chrétiens vivent très proches les uns des autres. Les jeunes vivent ensemble, savent tout les uns sur les autres. Là encore, ça a du positif et du négatif… mais au moins ils sont ensemble.

 

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Vous êtes croate, mais parlez couramment arabe et connaissez bien la culture d’ici. Comment les jeunes vous abordent-ils ?

Au début, quand je leur parlais de Croatie, ils pensaient que je venais de Russie… ils ne font pas la différence entre les deux (rires). Mais quand ils ont vu que je suis vraiment intégré dans leur culture, que je vis avec eux, passe du temps avec eux, et en plus que je connais beaucoup d’entre eux depuis qu’ils sont bébés, ils m’ont accepté complètement. Après deux années passées à Bethléem, je me sens à la maison ici. Je comprends beaucoup mieux leur langue et leur manière de penser, ce qui m’aide vraiment dans ma mission pastorale.

Prendre le temps d’échanger avec les jeunes et leur faire découvrir que les chemins de saint François peuvent être les leurs dans la vie de tous les jours.@Nadim Asfour/CTS

Quels sont vos projets pastoraux pour les prochains mois ?

D’abord, faire en sorte que ces trois groupes de jeunesse franciscaine, ces jeunes de 7 à 18 ans, forment un seul corps, une seule famille et se solidifient. Nous sommes toujours dans la phase de «rassemblement» des jeunes.

Sur le plus long terme, j’aimerais emmener les jeunes en voyage en fin d’année. Quand j’étais à Bethléem, jusqu’à l’été 2019, nous avons emmené un groupe de 20 jeunes de 14 à 17 ans en Croatie. Je me souviens que nous avons attendu la permission de pouvoir sortir de Cisjordanie jusqu’au dernier moment, 5 heures à peine avant de prendre l’avion ! Finalement nous avons été autorisés à partir. Tous les frais étaient pris en charge sur place, notamment grâce aux financements de paroisses franciscaines suisses, autrichiennes, allemandes et croates. Nous avons vraiment passé une semaine superbe ensemble. Pour la plupart des jeunes, c’était la toute première fois qu’ils prenaient l’avion.

J’aimerais reprendre ce projet cette année, peut-être en juin 2020 avec les jeunes de Bethléem, qui ont encore moins la possibilité de voyager que ceux de Jérusalem. Les 14-17 ans de Jérusalem seront en camp scout sur la même période, donc nous pensons plutôt faire un pèlerinage ou une marche d’un jour ou deux en Galilée. Enfin, pour les jeunes de Jérusalem de 18-30 ans, nous aimerions les emmener à Medjugordjé (Bosnie-Herzégovine) pour un rassemblement de jeunes chrétiens en août.

 

PAROISSE LATINE DE JÉRUSALEM EN VIEILLE VILLE 

Un vicaire croate pour les palestiniens

Frère Sandro Tomašević ‎a été envoyé par sa province franciscaine de Croatie au séminaire franciscain international de Jérusalem. Pas question pour lui de se borner à étudier théologie et philosophie. Frère Sandro était entré chez les franciscains pour vivre au milieu des gens et leur partager le Christ. Il apprit donc l’arabe et rejoignit très vite la Jeunesse ouvrière catholique locale (JOC).

Après son ordination, en 2013, il est reparti dans son pays. Il est revenu au service de la custodie en 2017. Il est le vicaire du frère Amjad Sabbara, nommé curé de la paroisse latine Saint-Sauveur de la Vieille ville de Jérusalem à l’été 2019.

Dernière mise à jour: 04/03/2024 09:49