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Reconnaissance de la Palestine : le « Et après? » des chrétiens de Terre Sainte

Cécile Lemoine
23 septembre 2025
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Des chrétiens palestiniens participent à la cérémonie du Feu sacré dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie, le 19 avril 2025 ©Nasser Ishtayeh/Flash90 

Au lendemain de la reconnaissance de l'État de Palestine par 11 nouveaux pays, quelques chrétiens de Terre sainte nous ont partagé leurs sentiments, entre satisfaction, doutes et craintes...


À l’initiative de la France et de l’Arabie Saoudite, 11 nouveaux pays ont donc rejoint, les 21 et 22 septembre, les 147 pays qui avaient déjà reconnu l’État de Palestine. Leurs déclarations à la tribune des Nations Unies ont laissé les Palestiniens de marbre, quelle que soit leur confession.

Les quelques réactions des chrétiens de Terre Sainte restent toutefois intéressantes, à l’image de la fragmentation de cette minorité. De Taybeh à Haïfa en passant par Bethléem et Jérusalem, les communautés chrétiennes locales vivent des réalités multiples qui font varier leurs manières d’agir et de penser dans un conflit qui est moins religieux que politique et territorial.

Lire notre dossier >> Chrétiens sur les lignes de front

En Israël, où les chrétiens représentent 2% de la population, il est plus facile de se réjouir d’une telle étape.“En reconnaissant l’État de Palestine, le président Emmanuel Macron a prouvé qu’il était un ami non seulement des Palestiniens, mais aussi des Israéliens, se félicite Wadie Abunassar, coordinateur du Forum chrétien de Terre Sainte, dans un post sur Facebook. Un État palestinien aux côtés d’Israël n’est pas une punition pour les juifs, mais une aide contre les extrémistes qui ont pris le contrôle du pays !”

Des membres des scouts et des responsables de la communauté chrétienne de Haïfa participent à la procession traditionnelle du dimanche des Rameaux à Haïfa, le 10 avril 2022. ©Shir Torem/Flash90

Habitant de Haïfa, ville mixte du nord d’Israël, il note toutefois : “La question demeure : et après ? Je prie pour que nous voyions une véritable réconciliation dans notre Terre sainte, et que chaque peuple jouisse du droit de décider lui-même de son destin, de sorte qu’il n’y ait plus de maîtres et d’esclaves, mais seulement des êtres humains libres !”

« Reconnaître l’État de Palestine n’a rien à voir avec l’État de Palestine lui-même« 

“Ne minimisons pas l’importance de ces reconnaissances, qui prouvent au monde que les Palestiniens ont une cause et réfutent les allégations selon lesquelles les Palestiniens n’auraient pas de légitimité”, souligne Sani Meo depuis Jérusalem-Est, où il réside. Fondateur de la revue “This week in Palestine”, ce chrétien dit rendre “hommage aux peuples du monde qui ont contraint leurs gouvernements à reconnaître la Palestine comme un État”. 

Pour les palestiniens de Jérusalem titulaires de la “Jerusalem ID”, ces papiers d’identité qui font d’eux des “résidents”, et non des citoyens israéliens à part entière, les déclarations occidentales sont reçues avec amertume : “Reconnaître l’État de Palestine n’a rien à voir avec l’État de Palestine lui-même, regrette Yusef Daher, coordinateur du Bureau de liaison du Conseil œcuménique des Églises à Jérusalem.

Lire aussi >> Mgr Shomali : « La voix des chrétiens palestiniens est unanime pour deux états »

« Je pense que ces démarches sont une manière pour les pays occidentaux de réduire la pression de leurs rues, ou de simplement dire “assez” à l’impunité du gouvernement israélien. La question est : fallait-il que 65 000 personnes meurent pour que la France et le Royaume-Uni agissent ainsi ? Même après avoir reconnu la Palestine, que sont prêts à faire ces pays pour concrétiser un véritable État palestinien ?”, s’interroge Yusef Daher, fervent défenseur d’une solution à un État, où les deux peuples vivraient avec les mêmes droits.

Peur des conséquences

Cette vision d’un État pour tous est partagée par 25% des Palestiniens selon un sondage publié en septembre 2024 par l’Université de Tel Aviv. “La solution à deux États n’existe pas. C’est un mythe, un mirage et, plus précisément, un écran de fumée destiné à faciliter la colonisation”, soutient Mazin Qumsiyeh, chrétien de Bethléem et activiste environnemental âgé de 68 ans. 

Des fidèles chrétiens orthodoxes participent à une cérémonie du Feu sacré dans l’église de la Nativité, dans la ville de Bethléem, en Cisjordanie, le 4 mai 2024. Photo de Wisam Hashlamoun/Flash90

Alors que l’occupation israélienne n’a cessé de resserrer son étau et que la colonisation grignote de plus en plus de terre, les chrétiens qui vivent en Cisjordanie occupée (où ils représentent 1% de la population) sont ceux qui expriment le plus de doutes face aux déclarations de reconnaissance. “Merci de l’avoir fait, mais sans sanction contre l’occupation, rien ne va changer”, soupire Elias, jeune chrétien de Ramallah. 

À Taybeh, seul village entièrement chrétien des territoires palestiniens occupés, c’est la crainte qui domine. “Les jeunes ont peur des conséquences que cela va avoir sur leur vie quotidienne si Israël décide de riposter en accélérant l’annexion, explique Fouad Muaddi, jeune habitant de la bourgade peuplés de 1000 âmes. Déjà, les attaques de colons se sont intensifiées, ils volent du bétail, et avancent sur nos terres. Ils n’auront aucun scrupule à tuer quelqu’un. Tout cela arrive avec 40 ans de retard, et va rendre nos vies plus difficiles.”

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