Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Jérusalem couverte du mystère de Dieu

Archiprêtre Alexandre Winogradsky, Patriarcat Grec-Orthodoxe de Jérusalem
21 septembre 2010
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Jérusalem est bien une ville éternelle, une et indivisible car son Unité, c’est le Seigneur qui la lui donne au cœur même de ses disparités.


Comment présenter Jérusalem avec le regard contrasté de l’oriental chrétien, vivant à l’ombre des Lieux Saints de la Vieille Ville ? J’habite pratiquement au-dessus du Saint-Sépulcre, au Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem, à plus de 900 mètres d’altitude. L’édicule du Tombeau du Christ est à 791 mètres, en contre-bas. Nous y descendons en procession quand le bourdon du Lieu le plus saint de la chrétienté résonne comme d’un pas lourd et paisible. Le clergé et les fidèles serpentent par une rue commerçante, passent devant la mosquée d’Omar et avancent au parvis d’un pas lent. La cloche s’arrêtera lorsque l’évêque orthodoxe se sera prosterné à la pierre de l’Onction. Est-ce le lieu où Jésus a été mis en Croix, est mort ? Tout près, Il ressuscita des morts demandant à Marie-Madeleine, l’«apôtre des apôtres » selon la tradition de l’Orient, de dire la Bonne Nouvelle à des disciples de peu de foi (« di poca fede » disait le bon Pape Jean XXIII).

L’Eglise est cet immense Corps du Messie ressuscité « qui pratique la foi orthodoxe et catholique, apostolique » comme le dit en latin la Première Prière eucharistique

Pour l’Eglise orthodoxe de Jérusalem, « Mère de toutes les Eglises de Dieu » – tel est son titre officiel – le Tombeau du Christ est surtout appelé l’Anastasis, le Lieu de la Résurrection. En toutes circonstances, tempêtes humaines, religieuses, politiciennes, c’est ce mystère de la Résurrection qui rythme la vie de la Vieille Ville de Jérusalem. Chaque office orthodoxe s’achève ici par le rappel vivant que « le Christ (est) ressuscité d’entre les morts…». Ailleurs, on proclame Sa mort jusqu’à ce qu’Il revienne. Ici, tout est centré sur cette certitude qui habite le croyant catholique (kath’olikos : ouvert sur la totalité du salut) et orthodoxe (orthodoksis : qui est fidèle à la foi authentique). L’Eglise est cet immense Corps du Messie ressuscité « qui pratique la foi orthodoxe et catholique, apostolique » comme le dit en latin la Première Prière eucharistique. Toutes les Liturgies d’Orient insistent avec ferveur sur cette dimension universelle de la foi véridique.

« Partout ! Partout la prière ! »

Le monde entier vit dans ce lopin de Terre Sainte. Une portion de ville qui a été à l’origine de la foi juive et le reste de manière souvent inattendue. C’est ce qui est déroutant dans ces quartiers aux tracés mouvants au cours de l’histoire. Juifs, chrétiens, musulmans, arméniens y ont acquis des espaces plus ou moins importants. Mais la Vieille Ville de Jérusalem est un amalgame étonnant de toutes les cultures, langues, races, nations, religions. Ethiopiens, arméniens, géorgiens, coptes, syrien-orthodoxes ou catholiques, maronites libanais racontent la disparité d’origine d’une ville qui palpite et respire au Nom de Dieu. Enfant, mon fils sortait sur la cour et disait tout joyeux : « Partout ! Partout la prière ! » Tout crie vers Dieu, souvent contre les voisins. Les calendriers les plus divers s’interpellent sans trop dialoguer, mais ils sont si utiles pour éviter les collisions de pèlerins qui défilent en hâte.

Le 1er septembre 2010. Pour les orthodoxes, c’est le jour de la nouvelle année liturgique, jour de la création et du respect de la Nature. A Jérusalem, le calendrier julien conserve 13 jours de décalage et nous fêterons ce jour au 14 du mois… Il ne faut pas chercher, à Jérusalem, une unité qui fait apparemment cruellement défaut. Mais ce serait s’arrêter à la futilité. Ici, « nous sommes invisiblement couverts » par le Mystère de Dieu, comme l’Esprit qui a couvert comme une ombre les Prophètes et Marie, Mère du Seigneur ou encore les palmes de la fête juive des Tentes.

Il est dit : « Tout homme est né à Sion » (Ps. 87,5). Il est frappant de voir combien les Arabes chrétiens de Jérusalem circulent sans frontières, comme des passe-murailles, à travers toutes les brisures historiques de l’Eglise. Dans une même famille, certains seront orthodoxes, d’autres, grec-catholiques ou latins. D’aucuns auront fait leurs études chez les Frères latins ou même à l’école arménienne, copte ou syrienne-orthodoxe. Il s’en dégage un sens profond, quasi inné, de l’unité locale au sein des chrétiens arabes.

Cette réalité est difficile à percevoir. Elle montre combien cette Ville est bâtie sur de multiples trésors humains et spirituels à découvrir.

Dernière mise à jour: 21/11/2023 10:51