Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Actualité de l’Église melkite de Jérusalem

Marie-Armelle Beaulieu
21 novembre 2010
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

C’est lors d’un entretien avec l’archimandrite Joseph Saghbini, économe général du patriarcat grec catholique que la Terre Sainte a collecté quelques informations sur le diocèse melkite de Jérusalem.


Père Joseph, présentez-nous votre diocèse.

L’Église grecque catholique est numériquement la plus importante de Terre Sainte, plus nombreuse même que les grecs orthodoxes. C’est une chose qu’on dit peu c’est pourtant une réalité. Nous avons deux diocèses. Le diocèse de Jérusalem est le plus grand territorialement et il bénéficie de la notoriété de la Ville Sainte Jérusalem, pourtant l’essentiel de la population melkite du pays réside et vit en Galilée et dépend du diocèse d’Acre.

Et combien le diocèse de Jérusalem compte-t-il de fidèles ?

Autant que nous puissions en juger, nous estimons le nombre de nos fidèles à 3300 environ.

Combien de prêtres pour cette population ?

Nous sommes dix prêtres plus l’évêque. Ce qui est bien pour nos huit paroisses. Trois prêtres sont Palestiniens-Israéliens, deux Libanais, notre évêque est Égyptien, les autres sont Palestiniens.

Avez-vous des œuvres ?

Bien sûr nous avons des écoles à Ramallah, Taybeh, Beit Sahour, Jérusalem. Elles scolarisent environ 1300 élèves mais toutes n’ont pas tous les cycles. À Jérusalem et Taybeh, nous n’avons que des crèches ou jardins d’enfants, en revanche à Beit Sahour et Ramallah nos écoles couvrent tout le cycle scolaire avec respectivement 600 et 450 élèves. Nous avons, dans certaines de nos paroisses, des centres d’accueil pour les jeunes, nous les appelons centres éducatifs, nous avons des chorales, des groupes de scouts etc. Nous avons aussi la Société de bienfaisance de Notre-Dame de l’Annonciation à Jérusalem, elle offre ses services d’aide sociale depuis 1947 et depuis quelques années elle propose un programme spécial d’accompagnement pour les élèves en difficultés scolaires. Nous avons aussi un dispensaire et une clinique dentaire.

Vous louez également des maisons.

Oui, comme les autres Églises nous avons transformé des terrains en résidences immobilières pour aider nos fidèles à se loger en payant des loyers raisonnables. Mgr Lutfi Laham, qui a été élu patriarche sous le nom de  Grégoire III, a beaucoup travaillé à cela par le passé. Nous poursuivons et actuellement nous travaillons à obtenir tous les papiers nécessaires pour un nouveau projet de construction sur un de nos terrains. En tout ce sont plus de 150 logements.

En fait, comme les autres Églises, nous accompagnons nos fidèles dans beaucoup d’aspects de leur vie mais pas avec les mêmes moyens, en tous les cas pas à Jérusalem.

Quelles sont les aspirations, les craintes, les rêves de vos fidèles ?

Ils sont identiques à ceux de tous les Palestiniens. Les melkites de Terre Sainte sont des Palestiniens comme les autres. Ils partagent en tout les joies et les peines des Arabes de cette terre. Ils ressentent comme les autres les privations de liberté de mouvement, le manque de débouchés dans les carrières professionnelles. Ils sont touchés par le chômage comme les autres. Ils souffrent de la situation politique comme les autres.

Votre communauté se porte-t-elle bien ?

Nous faisons notre possible. Mais nous ne raisonnons pas tant que cela en termes de communauté. La communauté la plus importante c’est celle des chrétiens de Terre Sainte et ce qui est capital c’est d’être ouverts les uns aux autres. Dans la plupart des familles de nos fidèles, il y a des chrétiens latins, orthodoxes, syriaques… tout le prisme de l’Église de Jérusalem et ce qui compte c’est moins qu’ils viennent chez nous que le fait qu’ils aillent quelque part, chez les latins ou chez les orthodoxes, pourvu qu’ils pratiquent et nous aussi nous accueillons dans nos groupes, comme à nos offices, des Latins ou d’autres. L’essentiel n’est pas dans le communautarisme mais dans la suite du Christ. Bien sûr nous les invitons à venir partager avec nous, à conserver la spécificité de notre culture byzantine mais le plus important c’est que nos chrétiens aient une vie de prière ici ou ailleurs. Nous invitons tous nos fidèles à chaque fois que nous organisons un événement. Parfois le pasteur doit suivre son troupeau… Il demeure aussi que parfois des fidèles peuvent quitter notre Église pour une autre parce qu’elle offre davantage… Nous n’avons pas les mêmes moyens que les Latins par exemple. C’est un fait. Heureusement certains, y compris des Latins de l’étranger, nous aident et nous les en remercions chaleureusement. Nous sommes aussi un peu aidés par notre diaspora melkite.

Où en êtes-vous de vos relations avec les grecs orthodoxes ?

Tout d’abord, il ne faut pas prendre Jérusalem comme point de référence des relations entre les grecs orthodoxes et nous. Historiquement, les grecs catholiques se sont heurtés à Jérusalem à la présence d’une hiérarchie grecque orthodoxe hellène, c’est-à-dire de Grèce. Si nous sommes plus nombreux que les orthodoxes en Galilée, c’est parce que les cœurs avaient été préparés par les religieux salvatoriens (mon ordre), tandis qu’à Jérusalem la présence ancestrale des grecs hellènes et le Statu Quo ont fermé la porte à l’expansion de ce ralliement à l’Église catholique. Le point de référence c’est Antioche. On peut dire que partout ailleurs qu’à Jérusalem nos relations sont bonnes. Ce n’est pas l’unité mais les relations sont cordiales. En Syrie et au Liban, nous avons d’excellentes relations, des communautés mixtes, des prières ensemble. Nous sommes unis par la langue arabe, par la culture arabe À Jérusalem, il y a d’un côté nos relations avec la hiérarchie hellène, et de l’autre celle avec le peuple arabe palestinien orthodoxe.

C’est une réalité également pour les autres Églises, elles sont d’autant plus proches et fraternelles entre elles qu’elles sont plus loin de Jérusalem qui cristallise, hélas, nos divisions.

Pour en revenir à la division dont nous souffrons à Jérusalem, je pense qu’elle réside en partie sur une fracture culturelle. Ce n’est jamais la religion ou la confession qui sont facteurs d’unité ou de l’union des peuples, c’est la culture, ce sont les traditions, c’est la langue. Voyez entre les Turcs, les Perses et les Arabes, ils sont tous musulmans pourtant ils sont très différents les uns des autres. Un juif d’Irak se sent culturellement sans aucun doute plus proche des Arabes que des juifs de Pologne.

C’est valable aussi pour nous chrétiens et cela explique pourquoi les Arabes chrétiens peuvent parfois se sentir plus proches des Arabes musulmans que d’autres populations voire d’autres chrétiens : ils parlent la même langue.

Pour ce qui est de l’unité, comme de la vie de nos fidèles, encore une fois, Jérusalem ne peut être exemplaire. Il faut découvrir l’Église melkite ailleurs, en Galilée, au Liban en Syrie. Son cœur bat ici, mais elle respire ailleurs.

Dernière mise à jour: 21/11/2023 11:44

Sur le même sujet