Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

L’art byzantin dévoilé

Marie-Armelle Beaulieu
21 novembre 2010
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Aux groupes qui logent au foyer des pèlerins, l’archimandrite
Joseph Saghbini propose une visite de l’église du patriarcat melkite.
L’occasion pour les pèlerins de découvrir au-delà des apparences
une catéchèse théologique fascinante.


Lorsqu’un catholique de rite latin entre dans l’église du patriarcat melkite de Jérusalem porte de Jaffa il est soit séduit par la beauté et le nombre des fresques et des icônes soit au contraire un peu dérouté par ce style byzantin qui n’a pas laissé un centimètre carré vierge de décoration.

Dans un cas comme dans l’autre, la visite que propose l’archimandrite Joseph Saghbini aux pèlerins de passage est une plongée non seulement dans l’art byzantin, mais aussi son dévoilement parce qu’au-delà des apparences c’est un livre de catéchèse qu’il nous invite à feuilleter avec lui.

La visite dure le temps dont disposent les pèlerins et en fonction aussi de leur curiosité. Plus vous demanderez d’explications au père Joseph, plus il vous fera découvrir au détour des lignes et des courbes de ces fresques de nouveaux chapitres de la théologie chrétienne, de l’histoire des Conciles, des dogmes de l’Église.

À tout Seigneur, tout honneur, après une courte introduction sur l’iconostase, le mur d’icône, et sur l’église construite en 1841, le père Joseph commence la visite devant l’icône du Christ Pantocator, c’est-à-dire tout puissant. Avec pédagogie, il va en dévoiler le sens profond.

La pédagogie des icônes

« L’icône c’est la théologie en couleur, comme disaient les pères de l’Église. Ce ne sont pas des dessins, des photos, mais des livres et pour cette raison nous ne « dessinons » pas une icône mais nous « l’écrivons ». »

Le père Joseph invite alors les personnes du groupe à décrire ce qu’elles voient. Devant les hésitations, il précise « lisez l’icône avec la foi, en référence au symbole de la foi, le Credo. Je crois en Dieu, le père tout puissant… et en Jésus Christ. Où est le nom de Jésus ici ? Ce sont les initiales grecques IS XS, iesous christous. En dessous vous pouvez lire de part et d’autre de la tête autour de la terre « o ôn », l’étant, l’existant, celui qui est.

L’incarnation du Fils se lit dans la représentation humaine qui en est faite dans l’icône.

La couleur or c’est celui de la gloire divine inaltérable, lumière née de la lumière, la couleur pourpre bleue du manteau c’est la divinité, vrai dieu né du vrai Dieu, le rouge de la chemise c’est la couleur du sang de l’humanité, engendré non pas créé, il s’est fait homme. »

Les regards s’illuminent et commencent à ne plus voir une image d’un goût relatif mais au-delà.

Langue des signes

Que voyez-vous encore ? » « Un globe. » « Oui parce qu’il est créateur du ciel et de la terre ». « Que fait-il ? » « Il bénit ». « Et qui bénit-il de là où il est ? » « Les fidèles rassemblés ? » « Oui et donc il bénit l’Église, Je crois en l’Église, une sainte catholique et apostolique. » « Comment bénit-il ? » Chacun s’essaie à reproduire la position des doigts qu’il observe sur l’icône.

« Les Byzantins, explique le père Joseph, ont dû répondre de leur foi devant les musulmans qui les accusaient d’être polythéistes à cause de la Trinité, aussi ont-ils marqué la Trinité dans l’unicité dans ce signe avec les trois doigts qui se joignent en marquant une croix. Il existe une variante quand nous faisons le signe de croix et que nous joignons trois doigts pour nous signer au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Les deux autres doigts tendus symbolisent les deux natures, humaine et divine. Et que manque-t-il ? » Silence dans les rangs… « La paume ! La paume c’est le sein de la Vierge où Jésus a été conçu. Ici, la position des doigts écrit le nom de Jésus. Ils sont placés de manière à former les quatre lettres grecques : ICXC. I : l’index est droit. C : le majeur est courbé. X : l’annulaire se croise avec le pouce. C : l’auriculaire est courbé. Nous inscrivons ces mêmes lettres sur les pains eucharistiques avec en plus le mot victoire, nika en grec, pour nommer Jésus Christ victorieux » Les pèlerins sont stupéfaits. Ils regardent tour à tour leurs doigts, ceux du père Joseph et ceux de l’icône.

Et le père Joseph est heureux d’ajouter « Les Orientaux sont créatifs n’est-ce pas ? ! »

Mais les pèlerins ne sont pas au bout de ce qui constitue pour beaucoup d’entre eux une surprise, parfois une révélation comme s’ils réalisaient qu’occidentaux et orientaux ont bien la même foi.

Le père Joseph poursuit. Cette icône a été écrite par Michel de Jérusalem en 1866.

Il enchaîne sur l’icône de la Vierge expliquant la symbolique des trois étoiles inscrites sur les épaules et le front, c’est le dogme de l’immaculée conception de la Virginité perpétuelle de Marie avant, pendant, après l’enfantement. » Après avoir survolé l’iconostase, le père Joseph se retourne vers la nef. « On peut faire un pèlerinage en Terre Sainte depuis cette église, regarder ici en haut, la nativité, le massacre des saints innocents, le baptême de Jésus, les noces de Cana, etc. »

Au jeu des devinettes

Les langues se délient. Le groupe déambule le nez en l’air. Les bras se tendent pour désigner. Il y a un joyeux désordre dans l’église. Le père joseph, confirme, infirme, essaie de donner des indices, mais arrivé à l’icône de la Pentecôte il demande : « Vous voyez les langues de feu, les apôtres avec au milieu la Vierge Marie, mais qui est le vieillard aux cheveux blancs en dessous ? » Le silence se fait, quelques propositions fusent, toutes fausses. « Si vous devinez je vous offre une icône en cadeau. » La proposition est aussi surprenante qu’alléchante. Le silence se fait de nouveau, les méninges se creusent. « Je vous aide, en grec son nom commence par un K en français par un M… » L’indice ne fait jaillir aucune lumière, alors tout le monde donne sa langue au… père.

« Ce vieillard avec une couronne sur la tête et une longue barbe pointue tient un drap supportant douze cylindres de bois contenant chacun un parchemin n’est pas un personnage. Ce vieillard représente le cosmos, le monde. Les rouleaux contiennent la Parole de Dieu que les Apôtres doivent proclamer au monde. Il rappelle, que l’Esprit n’a pas été donné seulement aux Apôtres et à la Mère de Jésus, mais aussi au monde… » Un long « Aaaaahhhhh » admiratif monte vers la voûte.

Un nouveau regard

La discussion avec le groupe rebondit sur la résurrection, l’archimandrite Joseph revient alors sur l’icône qui représente ce mystère. Il parle des portes de l’enfer que le Christ piétine, des deux personnes qu’il tire des enfers, Adam et Ève. « Et par où les tire-t-il ? » Les plus précis répondent « par les poignets » et pourquoi les poignets plutôt que la main ? » Tout le monde attend la réponse. Chacun sait désormais qu’une explication humaine comme « la prise est plus sûre » ne saurait suffire. « Parce qu’ils sont morts ! » lance le père Joseph. « Ils ne peuvent donc pas tendre la main. Jésus est vraiment allé les chercher au fond des enfers. Et le poignet c’est le lieu de la corde, des menottes, de l’enfermement mais le Christ, lui, vient nous libérer ! »

Personne ne regarde plus l’église comme il la voyait en entrant. « Si vous venez prier ici seul, vous n’êtes pas seul, vous êtes entouré par 518 visages, dont 105 visages d’anges. Vous êtes en communion avec les saints qui est une dimension très importante de la tradition byzantine. »

« Ceci n’est pas seulement une église, pas seulement de la décoration mais plus que cela et à l’issue de votre pèlerinage avec tout ce que vous aurez vu, quand on vous interrogera je vous souhaite de pouvoir dire. En Terre Sainte, j’ai vu le Christ ressuscité.

Dernière mise à jour: 21/11/2023 11:44

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