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Nationalisation du mont des Oliviers : le spectre ressurgit

Christophe Lafontaine
2 mars 2022
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Nationalisation du mont des Oliviers : le spectre ressurgit
Arc-en-ciel sur le Mont des Oliviers (à droite) avec le clocher de l’église du monastère féminin russe orthodoxe de l'Ascension, et le Mont Scopus (à gauche) © Michal Fattal /FLASH90

Le projet d'extension du « parc national des murs de Jérusalem » sur le mont des Oliviers à Jérusalem-Est, est finalement inscrit à l’ordre du jour du 31 août 2022 sur le site de l'organisme de planification municipale.


L’accalmie aura été de courte durée. Elle est aussi la preuve que la menace est bien réelle. Moins de dix jours après que les projets de l’Autorité israélienne pour la Nature et les Parcs (INPA) d’agrandir le « parc des murs de Jérusalem » sur le mont des Oliviers aient été révélés par le Times of Israel, suivi d’un rétropédalage dès le lendemain, suite notamment à la vive réaction des Eglises à Jérusalem, le quotidien israélien en ligne a fait savoir, le 28 février dernier, que le projet n’était a priori pas prêt d’être freiné. Il a finalement refait surface, bien plus tôt que redouté, sur le site Internet du comité de planification urbaine de la municipalité israélienne de Jérusalem, avec une date d’audience fixée au 31 août prochain.

La semaine dernière, l’INPA avait pourtant déclaré que « le projet ne [serait] pas mis en discussion sans un dialogue et un échange avec toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations religieuses locales, sur la meilleure voie à suivre pour préserver ce site unique ». S’il reste six mois pleins, la sérénité des échanges semble plutôt mal engagée.

Une réunion prévue initialement le 2 mars

A l’origine, le plan devrait être soumis au comité local de planification et de construction de la municipalité israélienne de Jérusalem pour approbation préliminaire, aujourd’hui 2 mars. Mais la bronca des Eglises s’est levée sans tarder. Dans une lettre adressée le 18 février à la ministre israélienne de la protection de l’environnement, dont le bureau supervise l’autorité des parcs, l’Eglise grecque-orthodoxe, la Custodie franciscaine de Terre Sainte et l’Eglise apostolique arménienne avaient manifesté leur « plus vive inquiétude » et leur « objection sans équivoque » au projet, appelant la ministre à le faire retirer. Face à cela, l’INPA avait finalement déclaré geler le projet… Mais gel ne disait pas abandon.

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Même si dans son communiqué officiel publié le 22 février, l’INPA temporisait et avait déclaré ne pas avoir « l’intention, à l’heure actuelle, de faire avancer ce projet dans les conseils de planification ». Ce qu’a confirmé, semble-t-il, le 28 février, un porte-parole de l’INPA au Times of Israel, arguant que son bureau n’était pas responsable du site Web de l’organisme de planification municipal et que l’INPA n’avait toujours pas l’intention de faire avancer le projet d’agrandissement du « parc national des murs de Jérusalem ». La municipalité de Jérusalem, a fait savoir le quotidien en ligne, n’a pas donné de commentaires.

Ceci étant, l’explication du porte-parole de l’INPA n’a pas convaincu Hagit Ofran, directrice de l’Observatoire de la colonisation de l’ONG israélienne PeaceNow qui milite en Israël dans le but de promouvoir une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien : « d’abord, a-t-elle déclaré au Times of Israel, ils font la promotion d’un programme abusif qui exprime le mépris des Palestiniens et des chrétiens, puis ils font d’Israël un menteur qui promet de retirer le plan de l’ordre du jour, mais en fait le remet en place ».Et d’ajouter qu’in fine, « cela ne fait pas que nuire à Israël ». L’ONG avait vivement réagi avec trois autres organisations israéliennes de défense des droits de l’Homme au plan de l’INPA, il y a dix jours.

Un projet controversé et déguisé

Pour rappel, l’INPA veut étendre le « parc national des murs de Jérusalem » au-delà de ses limites actuelles, en englobant une large part du mont des Oliviers, situé à Jérusalem-Est occupée. L’objectif avancé par l’autorité des parcs est de préserver l’un des paysages culturels et patrimoniaux – biblique s’il en est -, les plus importants au monde. Les Eglises y ont vu surtout une menace à leurs droits, leurs propriétés et ont soutenu aussi que « diverses entités [cherchaient] à minimiser, pour ne pas dire à éliminer, toute caractéristique non juive de la ville sainte en tentant de modifier le statu quo sur cette montagne sacrée ». Une référence claire aux liens étroits qui existent entre l’INPA et la Fondation radicale de droite de la Cité de David, Elad, qui exerce un contrôle important sur la partie principale du « parc des murs de Jérusalem »: la Cité de David à Silwan, quartier palestinien de Jérusalem-Est, au sud de la vieille ville.

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Elad est connue pour travailler à étendre la présence juive dans la partie orientale de la ville sainte en marginalisant les résidents palestiniens. « Bien que le plan soit officiellement présenté par l’INPA, il semble qu’il ait été proposé et qu’il soit orchestré, avancé et promu par des entités dont le seul but apparent est de confisquer et de nationaliser l’un des sites les plus sacrés pour le christianisme et d’en modifier la nature », ont écrit le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Théophilos III, le Custode de Terre Sainte, le frère Francesco Patton et le patriarche arménien de Jérusalem, Nourhan Manougian, dans leur lettre à la ministre israélienne de la protection de l’environnement.

Sur le mont des Oliviers, outre un cimetière juif en usage depuis plus de 3 000 ans, se trouvent des terrains appartenant à des Palestiniens et aux Eglises grecque-orthodoxe, catholique et arménienne. Des couvents et jardins s’égrènent autour d’une douzaine de sanctuaires parmi les plus importants pour les chrétiens. Aujourd’hui, outre la Cité de David, l’actuel « parc national des murs de Jérusalem » se déploie sur 110 hectares et couvre de vastes zones dans la vallée de Hinnom (la Géhenne) et compte également les terrains jouxtant les remparts de la vieille ville. D’après le plan de l’INPA, le parc serait augmenté d’une petite trentaine d’hectares supplémentaires, incorporant en plus d’une large part du mont des Oliviers, des parties supplémentaires des vallées du Cédron et de Ben Hinnom.

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