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Jérusalem : pas de nom de rabbins pour les rues de Silwan

Christophe Lafontaine
10 février 2020
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Jérusalem : pas de nom de rabbins pour les rues de Silwan
Vue du quartier de Silwan, à Jérusalem-Est, le 3 décembre 2017 © Yonatan Sindel/Flash90

La municipalité israélienne de Jérusalem a annulé le 6 février une décision controversée de nommer certaines rues de Silwan à Jérusalem-Est avec des noms rabbiniques. A la faveur, finalement, de noms neutres ou arabes.


Demi-tour. Le comité des noms de la municipalité israélienne de Jérusalem est revenu le 6 février au soir sur une décision controversée. Cette dernière visait à nommer – en mémoire de rabbins – cinq petites rues de Batan al-Hawa, un pâté de maisons dans le quartier palestinien occupé de Silwan, le Siloé biblique, à Jérusalem-Est.
Or, les résidents des ruelles concernées sont majoritairement arabes. Il y a seulement une douzaine de familles juives qui vivent dans ce quartier contre des centaines de familles palestiniennes, souligne Haaretz.
Cette affaire d’odonymie sensible à Silwan a commencé en juin 2019 sous la pression des membres du conseil municipal de droite souligne le journal israélien précité. Le comité des noms de la ville avait en effet approuvé à huit voix contre deux, la proposition de rebaptiser les rues du secteur en question en leur donnant les noms de rabbins d’origine yéménite qui vivaient à Silwan par le passé.
Sur la liste proposée figuraient à ce titre, les noms des rabbins Avraham Al-Naddaf, Yechiel Yitzchak Halevi, Shalom Elsheikh Halevi et Yosef Medmoni qui ont dirigé pendant une cinquantaine d’année la communauté des juifs yéménites à Jérusalem établis à Silwan à partir du dernier quart du XIXe siècle. La cinquième rue concernée devait se voir attribuée le nom d’ « Ezrat Nidhim », en l’honneur de l’organisation philanthropique fondée par Yisroel Dov Frumkin, qui a établi la petite communauté juive-yéménite à Silwan à la fin du XIXe siècle.
Des noms neutres pour la paix
Or, le comité professionnel consultatif qui a pour mission de vérifier les noms de rues proposés et amené à donner son avis, avait établi que les résidents de Silwan étaient en majorité arabes et qu’il était « inapproprié de donner aux rues des noms juifs et rabbiniques dans les quartiers où la grande majorité des habitants sont arabes ». D’autre part, recommandation avait été faite de donner aux rues « des noms neutres avec lesquels tous les résidents puissent vivre en paix. »
Pour autant, le comité des noms de la municipalité après un vote majoritaire avait décidé de ne pas suivre cet avis. Ce à quoi, l’Association pour les droits civils en Israël avait – au nom de 27 résidents arabes du quartier – porté plainte devant la Cour suprême. Arguant du fait que donner le nom de chefs spirituels juifs à leurs rues portait atteinte à « leurs droits à l’identité et au respect », rapporte le Times of Israel. Et en ne tenant pas compte du patrimoine, de l’identité et de la culture des habitants actuels du quartier de Silwan, la résolution adoptée en juin dernier constituait pour eux « une tentative de les marginaliser » de l’espace public.
Finalement, le maire israélien de Jérusalem, Moshe Lion, a demandé au comité des noms de reconsidérer sa position après examen approfondi de la réalité du terrain.
Une nouvelle résolution a donc été votée jeudi selon laquelle le comité des noms devra trouver des noms neutres ou arabes pour les rues du quartier. Comme ce fut le cas par exemple avec la rue Oum Kalthum, nommée ainsi dans le quartier de Beit Hanina à Jérusalem-Est en l’honneur de la célèbre chanteuse égyptienne autant aimée par les arabes que les juifs sépharades et juifs Mizrahim, descendant des communautés juives du Moyen-Orient.
« Je salue cette décision qui n’aurait pas dû être prise », a déclaré le conseiller municipal Yossi Havilio (président du mouvement « Save the Jerusalem ») qui, avec Laura Wharton (du parti de gauche Meretz) avait voté contre la première résolution votée en juin. « Mais, mieux vaut tard que jamais », a-t-il poursuivi.
L’Association pour les droits civils en Israël a également salué la décision prise jeudi par la municipalité. « C’est bien que la municipalité ait repris ses esprits, mais c’est dommage qu’une pétition ait été nécessaire pour lui faire comprendre à quel point la décision était condescendante, déraisonnable et source de conflits », a déclaré le porte-parole de l’organisation Gilad Grossman.

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