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Le Terra Sancta Museum invite les Bethléemites à se réapproprier leurs trésors

Lucie Mottet (Terra Sancta Museum)
23 décembre 2022
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Le Terra Sancta Museum invite les Bethléemites à se réapproprier leurs trésors
La bibliothèque du centre Dar Al Sabagh de Bethléem, où sont exposés des colliers offerts par des paroissiennes chrétiennes aux franciscains ©Cécile Lemoine/TSM

Le Terra Sancta Museum organise, du 19 décembre au 3 janvier, une exposition de sa collection d'œuvres palestiniennes, en partenariat avec le centre Dar Al-Sabagh de Bethléem. Dans une scénographie intimiste, elle invite les palestiniens à renouer avec leur héritage.


“Minkom w alaikom”, ou maladroitement traduit, “de vous, à vous”. C’est à partir de ce proverbe arabe qu’a été baptisée l’exposition qui se tient jusqu’au 3 janvier au centre Dar Al-Sabagh, à Bethléem. Une expression qui résume toute la philosophie de l’évènement.

Entre les vieilles pierres claires de ce magnifique hôtel particulier de la rue de l’Etoile, on a placé des bureaux très sérieux, qu’on a entourés d’œuvres d’artistes palestiniens contemporains, et le temps d’une quinzaines de jours, d’œuvres issues des collections palestiniennes du Terra Sancta Museum.

Ce musée de la Custodie de Terre Sainte, toujours en gestation, cherche à mettre en valeur les trésors que les franciscains se sont vus offrir depuis 800 ans qu’ils gardent les lieux saints au nom du Pape. Avec cette exposition, la première que le futur musée organise avec le monde palestinien, les franciscains veulent affermir les liens qui les unissent aux chrétiens locaux.

« La mission du Terra Sancta Museum est de présenter les racines et la présence du christianisme en Terre Sainte, une présence qui est à la fois locale et universelle« , a souligné le frère Stéphane Milovitch, directeur du musée, lors de son discours d’ouverture, le 19 décembre.

Donner un visage aux œuvres

Le commissaire de l’exposition, le collectionneur George Al Ama, est également membre du conseil scientifique du musée. C’est grâce à lui que les œuvres exposées ont été redécouvertes, alors qu’elles dormaient sagement dans les placards de la Custodie, presque oubliées de tous.

Frère Stéphane Milovitch, directeur du Terra Sancta Museum, et Geoge Al Lama, le commissaire de l’exposition ©Cécile Lemoine/TSM

Seules 18 œuvres sont exposées. Soigneusement choisies, elles permettent d’aborder quelques-uns des grands topiques de l’artisanat de Bethléem. Des nacres de différentes époques, d’une maquette du Saint-Sépulcre du XVIIe siècle jusqu’à un St George en abalone d’un style beaucoup plus avant-gardiste an passant par les dioramas du XXe siècle, autant d’occasions de parler de ces ateliers et de leurs artisans, anciens voisins du centre Dar al-Sabagh, qui ont fait la réputation de Bethléem.

Les œuvres sont dispersées à travers les espaces de bureaux, salon, salle de réunion et bibliothèque du centre Dar al-Sabagh. Une façon de remettre dans le quotidien des gens de Bethléem ces œuvres qui ont rythmé leur quotidien ces derniers siècles.

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Des fonds noirs, deux vitrines très sobres… Une scénographie “très simple, parce que chargée d’intensité », explique George Al Ama. Pour seuls panneaux de salle, des grandes photos des artistes et artisans ou des ateliers bethlemites. Objectif : « donner un visage aux œuvres« , souligne le commissaire de l’exposition. Photographies et films d’époque dialoguent avec les œuvres.

Une scénographie simpliste, qui reconnecte les œuvres à leurs artisans et à leur famille ©Cécile Lemoine/TSM

Dans une autre salle sont présentées deux coiffes, l’une originaire de Ramallah, l’autre d’Hébron, fabriquées par des femmes de Bethleem. Ces parures passaient de mariées en mariées dans un même village. Un fond sonore emplit la pièce, le chant traditionnel de la fiancée qui se prépare pour son mariage.

Relier les collections de la Custodie au monde palestinien

La pièce d’à-côté expose quatre bijoux, dont trois d’une rareté exceptionnelle, car ornés de croix. Ces colliers traditionnels, héritages familiaux offerts par des paroissiennes, sont des exemplaires uniques de bughmeh et d’iznaq, ces torques portées par les chrétiennes. Exposer ces bijoux ici est particulièrement touchant et incarné : à leur côté est présenté le petit panier où ils ont été redécouverts, tout oxydés, par George Al Lama qui a notamment reconnu le collier offert aux franciscains par sa grand-mère. 

Autre point d’intérêt de l’exposition : un costume de kawas, ces gardes appointés par le gouvernement ottoman pour protéger les différentes églises de Terre Sainte. Ces derniers marquent toujours les entrées solennelles des patriarches, par exemple pour Noël à Bethléem, assurant également l’ordre et la sécurité des différentes liturgies chrétiennes. Une famille de Bethléem porte d’ailleurs ce nom, signifiant “archer” en arabe en guise de nom de famille.

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Nacres, bijoux, coiffes… toutes ces œuvres sont directement reliées à l’histoire des familles chrétiennes de Bethléem. Des canons d’autel de la famille Rock, une croix de la famille Michel, des dioramas de nacre fabriqués par les Zoughbi ou Jamil Mussalam… Ces œuvres sont revenues pour quelques jours jusqu’aux familles qui les ont créées. La présence de différents descendants de ces familles au vernissage fait de cette exposition un évènement, reliant intimement les collections de la Custodie au monde palestinien et leur donnant une ampleur sans précédent.

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