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đŸ“șPrĂ©sence franciscaine en Terre Sainte, retour sur l’histoire

Christian Media Center
28 juillet 2025
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Fr. Eduardo Masseo, historien de la Custodie de Terre Sainte, propose un nouveau genre de documentaire pour faire connaßtre l'histoire de la présence franciscaine en Terre Sainte.


La prĂ©sence franciscaine en Terre Sainte plonge ses racines dans le Chapitre des Nattes de 1217, lorsque François d’Assise, rĂ©unissant les frĂšres prĂšs de la Portioncule, institua les premiĂšres provinces de l’Ordre, parmi lesquelles la Province d’Outre-Mer, connue par la suite sous le nom de Province de la Grande Syrie.

AprĂšs la chute de JĂ©rusalem en 1187, conquise par Saladin, les croisĂ©s se repliĂšrent le long de la cĂŽte palestinienne, Ă©tablissant leur nouvelle capitale Ă  Saint-Jean-d’Acre. C’est prĂ©cisĂ©ment dans ce contexte que les premiers FrĂšres mineurs firent leur entrĂ©e en Terre Sainte marquant le dĂ©but de leur prĂ©sence et de leur mission dans ces rĂ©gions.

Fr. Eduardo Masseo — Historien, Custodie de Terre Sainte

Curieusement, lors de la fondation de la Province d’Outre-Mer en 1217, François d’Assise dĂ©signa comme premier Ministre provincial frĂšre Élie de Cortone, figure marquante de la premiĂšre gĂ©nĂ©ration franciscaine, appelĂ© quelques annĂ©es plus tard Ă  superviser la construction de la Basilique Saint-François Ă  Assise, qui abrite encore aujourd’hui les reliques du Saint. FrĂšre Élie fut ainsi le premier Ă  diriger la prĂ©sence institutionnelle des FrĂšres mineurs en Terre Sainte, accompagnĂ© de quelques confrĂšres, envoyĂ©s pour poursuivre la mission Ă©vangĂ©lique dans les Lieux Saints.

C’est dans le contexte de la cinquiĂšme Croisade que Saint François d’Assise entreprit son unique voyage en Terre Sainte, se rendant Ă©galement Ă  Damiette, en Égypte, en 1219. Ce fut Ă  cette occasion qu’eut lieu la cĂ©lĂšbre rencontre avec le Sultan al-Malik al-Kāmil, un Ă©vĂ©nement d’une portĂ©e historique et symbolique exceptionnelle, tĂ©moignant de l’esprit de dialogue et de paix qui caractĂ©risa, dĂšs ses origines, la mission franciscaine.

Fr. Eduardo Masseo — Historien, Custodie de Terre Sainte

D’un point de vue historique, aucune source fiable ne permet d’attester avec certitude la prĂ©sence de saint François dans des villes telles que JĂ©rusalem ou BethlĂ©em. Il est toutefois largement reconnu qu’en 1219, il dĂ©barqua bel et bien au port des Pisans de Saint-Jean-d’Acre.

Dans la ville d’Acre, qui servait alors de capitale au Second Royaume croisĂ©, les principales rĂ©publiques maritimes italiennes Ă©taient prĂ©sentes, chacune disposant de ses propres Ă©glises, de son clergĂ© et de structures ecclĂ©siastiques autonomes. Dans ce contexte complexe, les FrĂšres mineurs Ă©prouvĂšrent de grandes difficultĂ©s Ă  s’intĂ©grer, n’étant guĂšre bien accueillis, ni par le clergĂ© local ni par les croisĂ©s eux-mĂȘmes. Pour soutenir leur mission, le Pape GrĂ©goire IX intervint le 1er fĂ©vrier 1230, adressant la bulle Si Ordinis Fratrum Minorum aux Patriarches latins d’Orient afin qu’ils accueillent les frĂšres avec bienveillance, reconnaissant ainsi officiellement leur droit d’agir dans les territoires d’Outre-Mer.

Fr. Eduardo Masseo — Historien, Custodie de Terre Sainte

L’une des premiĂšres activitĂ©s entreprises par les FrĂšres mineurs dans la ville de Saint-Jean-d’Acre fut l’annonce de l’Évangile aux non-chrĂ©tiens, notamment aux musulmans.

Dans le cadre juridique du Royaume latin de JĂ©rusalem s’appliquaient les consuetudines terrae, un ensemble de rĂšgles coutumiĂšres Ă  valeur lĂ©gislative rĂ©gissant divers aspects de la vie sociale, Ă©conomique et juridique du Royaume croisĂ©. Parmi ces dispositions, l’une revĂȘtait une importance particuliĂšre pour l’organisation sociale de l’époque : elle stipulait que les serviteurs — majoritairement de confession musulmane — devenaient immĂ©diatement des hommes libres (ipso facto), dĂšs lors qu’ils choisissaient librement de se convertir Ă  la foi chrĂ©tienne. Cette rĂšgle se montrait en rĂ©alitĂ© problĂ©matique pour les Seigneurs croisĂ©s, dont l’intĂ©rĂȘt Ă©vident Ă©tait de prĂ©server leur main-d’Ɠuvre servile.

AprĂšs le retour en Italie du frĂšre Elie et de son successeur, frĂšre Luca, la direction de la Province d’Outre-Mer fut confiĂ©e Ă  une figure marquante, bien que peu connue aujourd’hui : le Bienheureux frĂšre Benedetto Sinigardi d’Arezzo. Son Ɠuvre s’avĂ©ra dĂ©terminante pour la diffusion de l’Ordre franciscain dans les territoires occupĂ©s par les croisĂ©s, ainsi que dans les rĂ©gions de l’Empire Byzantin alors sous domination latine. Benedetto contribua de maniĂšre significative Ă  structurer et consolider la prĂ©sence franciscaine en Terre sainte, dans un contexte Ă  la fois complexe et instable.

Cependant, avec la chute du second Royaume latin en 1291 et la prise de Saint-Jean-d’Acre par la premiĂšre des deux dynasties mameloukes, les FrĂšres mineurs furent contraints d’abandonner la ville. Aux cĂŽtĂ©s des autres exilĂ©s chrĂ©tiens, ils se rĂ©fugiĂšrent sur l’üle de Chypre, qui reprĂ©sentait alors le bastion le plus proche et le plus sĂ»r du monde chrĂ©tien. Le siĂšge de la Province d’Outre-Mer fut donc transfĂ©rĂ© sur cette Ăźle, oĂč les franciscains poursuivirent leur mission durant plusieurs annĂ©es, tout en nourrissant l’ardent dĂ©sir de revenir sur les Lieux Saints et de rĂ©tablir une prĂ©sence stable en Terre sainte.

Fr. Eduardo Masseo — Historien, Custodie de Terre Sainte

Une premiĂšre possibilitĂ© de retour stable des FrĂšres mineurs en Terre sainte se concrĂ©tisa grĂące Ă  l’intervention diplomatique de Jacques II d’Aragon, souverain particuliĂšrement attentif aux questions religieuses et orientales, et Ă©galement pĂšre de Sancia de Majorque. Dans le cadre de sa politique Ă©trangĂšre, Jacques II entreprit de nombreuses dĂ©marches diplomatiques visant Ă  rĂ©tablir des relations avec les autoritĂ©s musulmanes de la rĂ©gion. En particulier, lors de l’une des six ambassades envoyĂ©es auprĂšs du sultan mamelouk d’Égypte, le roi formula explicitement la demande que les FrĂšres mineurs obtiennent la permission de s’installer durablement au sein de l’enceinte du Saint-SĂ©pulcre.

Un dĂ©veloppement significatif eut lieu dans les annĂ©es qui suivirent, grĂące Ă  l’action diplomatique de Sancia de Majorque, fille de Jacques II. La souveraine obtint du sultan al-NāáčŁir Muáž„ammad l’autorisation d’acquĂ©rir le complexe du Saint-CĂ©nacle, Ă  JĂ©rusalem. ParallĂšlement, elle adressa au Pape ClĂ©ment VI une requĂȘte visant Ă  confier officiellement aux FrĂšres mineurs la garde permanente du site, jetant ainsi les fondations institutionnelles de ce qui allait devenir la future Custodie de Terre Sainte.

Fr. Eduardo Masseo — Historien, Custodie de Terre Sainte

C’est grĂące Ă  l’intercession dĂ©terminante de Sancia de Majorque, fille de Jacques II d’Aragon et fervente protectrice de l’Ordre des FrĂšres mineurs, qu’une avancĂ©e majeure fut accomplie dans le processus d’institutionnalisation de la prĂ©sence franciscaine dans les Lieux Saints. À la suite de ses insistantes dĂ©marches, le Pape ClĂ©ment VI promulgua, le 21 novembre 1342, deux bulles pontificales — Nuper carissimae et Gratiam agimus — visant Ă  dĂ©finir et Ă  encadrer officiellement la mission des FrĂšres mineurs en Terre Sainte.

Ces deux documents, promulguĂ©s simultanĂ©ment, constituent l’acte juridique fondateur de la Custodie de Terre sainte et consacrent officiellement la mission confiĂ©e aux franciscains : veiller Ă  la garde et au service liturgique des principaux lieux saints de la chrĂ©tientĂ© en Orient. DĂšs lors, les frĂšres mineurs furent reconnus comme les reprĂ©sentants lĂ©gitimes du Pape dans les Lieux Saints et les gardiens institutionnels des sanctuaires chrĂ©tiens, mandatĂ©s jusqu’à ce jour, sans interruption, en dĂ©pit des profonds bouleversements politiques, religieux et culturels survenus au fil des siĂšcles.

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