A l’ombre de la basilique de la Nativité, Mgr Jamal Kader Daibes, a été ordonné évêque vendredi 6 mai pour le diocèse latin de Jérusalem. Une nouvelle joie pour l’Eglise de Terre Sainte et toute particulière pour les Palestiniens des territoires de voir un fils de cette terre en responsabilité épiscopale.
Emotion et joie. Ce sont les deux mots qui pourraient résumer à eux seuls la célébration de l’ordination épiscopale de Mgr Jamal Khader Daibes célébrée vendredi 6 mai à Bethléem dans l’église Sainte-Catherine qui jouxte la basilique de la Nativité.
Emotion et joie de l’assemblée, d’accueillir non seulement un nouvel évêque, mais un évêque de cette terre de Palestine où il est né en 1964. Zababdeh, à 120 kilomètres au nord de Bethléem et d’où sa maman, une partie de sa famille, ses amis et quelques scouts avaient pu venir.
Emotion et joie, pour le nouvel évêque lui-même. Durant la célébration il était parrainé par deux de ses amis de séminaire : à sa droite le père Ashraf Nimri, à sa gauche le père Elie Kurzum, prêtre de la congrégation du Sacré Cœur de Jésus de Betharram. A la fin de la célébration, rayonnant, il prit le temps de remercier chaleureusement les présents et les absents. Parmi les présents, l’ambassadeur de la Palestine près le Saint-Siège, Issa Kassissieh, un représentant du président palestinien Mahmoud Abbas, le gouverneur de la région de Bethléem, le nouveau maire de la ville Hanna Hanania, les évêques présents des Eglises Orthodoxe, Luthérienne et Anglicane, les représentants des paroisses où il a servi, avec un merci particulier à la paroisse de la Sainte-Famille à Ramallah, les membres des services qui lui ont été confiés notamment les écoles et les chers amis de Kairos Palestine, partenaires dans la recherche de la paix. Sur 34 ans de sacerdoce, Mgr Jamal Khader en a passé 30 dans son pays comme il le soulignait. Il y en avait donc du monde à remercier.
Pour toutes les personnes absentes, la célébration étaient retransmises sur la chaîne chrétienne libanaise Noursat-Télélumière.
La Jordanie présente à Bethléem
Mais Mgr Daibes s’est aussi tourné vers la Jordanie et les nombreux prêtres qui avaient fait le déplacement, comme ceux des fidèles et déjà amis qui, au contraire, avaient été empêchés de venir à cause des récents développements géopolitiques.
C’est en effet vers cette partie du diocèse qu’il est envoyé par le patriarche Mgr Pizzaballa comme évêque, lui qui la sert déjà depuis un an comme vicaire patriarcal. Numériquement, c’est là que réside la majorité des fidèles catholiques latins et c’est une grande responsabilité qui lui est confiée. « Pas seulement à Amman (la capitale) mais de Aqaba à Irbid » comme l’a souligné sa Béatitude dans l’homélie. Quatre cents kilomètres séparent les deux villes. On est loin des distances habituelles dans les territoires palestiniens. La Jordanie ce sont 31 paroisses, un chiffre pas atteint sur les territoires de Palestine et Israël réunis.
Sur cette partie du diocèse, le patriarche a invité le nouvel évêque à se faire présent, en s’invitant et pas seulement lors des célébrations réservées à l’évêque. « S’il n’y a pas de tâche ministérielle spécifique, il y a plus de temps pour l’écoute et le partage. Il est important d’être présent. Une présence simple mais attentive, qui sait écouter et donner des directives, est nécessaire. »
Pour le monde mais à distance
Comme pour Mgr Nahra, ordonné évêque la semaine précédente mais pour le territoire israélien, le patriarche insista sur l’importance de la pastorale des jeunes dans les écoles. « Dans notre région, nous sommes nés chrétiens. Mais nous savons aussi que ce n’est pas suffisant. L’école chrétienne et l’Église ont la tâche décisive de faire des jeunes des chrétiens, c’est-à-dire de leur faire prendre conscience de ce que signifie réellement être chrétien et de faire naître en eux le désir du témoignage chrétien. » a-t-il souligné.
Mais autant le patriarche a insisté pour que le nouvel évêque soit inséré dans la société, ce qui ne devrait pas être très difficile pour Mgr Daibes, qui en Palestine a été un acteur du développement de la société dans une recherche ardente et douloureuse de la paix et de la justice, autant le patriarche l’a invité à regarder les réalités du monde comme un évêque : « Le mot episcopus, a-t-il rappelé, signifie « regarder d’en haut ». Non seulement dans le sens de surveiller et de superviser, mais aussi dans le sens de savoir regarder la vie de ce monde d’en haut, avec une certaine distance. »
« Un pasteur, poursuivait le patriarche, doit amener tout le monde à une vision plus large de la vie civile, et apprendre son peuple à regarder la réalité avec un regard libre de tout conditionnement humain, de toute logique de possession et de pouvoir, qui sont toujours source de division. En d’autres termes, il est appelé à construire la communauté précisément à partir de cette intimité personnelle avec la Parole dont Jésus parle dans le passage évangélique d’aujourd’hui et qui doit aussi devenir la sienne. Sans cette intimité avec la Parole de Dieu, la mesure et le critère avec lesquels affronter la réalité du monde seront eux-mêmes et la logique du monde. »
Une intimité personnelle avec Jésus qui traversait tous les textes choisis par Mgr Jamal Khader pour son ordination et sur laquelle l’homélie avait précédemment fait de riches développements.
Eglise latine d’Orient
De mémoire de palestinien présent, on a rarement vu Mgr Jamal aussi rayonnant. « C’est la grâce de l’Esprit saint, renouvelé aujourd’hui et qui va profiter au diocèse » assure confiant un prêtre. Tandis qu’un autre se réjouit de voir de nouveau la consécration épiscopale d’un palestinien. « Il en fallait un autre dans l’équipe », dit-il avec un clin d’œil.
Douze ans se sont écoulés depuis l’ordination dans cette même église de Mgr Shomali, originaire de la ville voisine de Beit Sahour. La Palestine donne donc un quatrième de ses fils comme évêque au diocèse de Jérusalem des Latins, après le patriarche Michel Mgr Sabbah en 1988, Mgr Kamal Bathish en 1993, Mgr William Shomali en 2010.
« Un merci tout spécial à sa Béatitude Mgr Sabbah, votre présence a du prix à mes yeux. C’est la deuxième fois que vous m’imposez les mains » a déclaré Mgr Daibes qu’un lien de filiation spirituel uni tout particulièrement à cette grande figure du christianisme palestinien et de Terre Sainte.
Mais Mgr Daibes a aussi chaleureusement le patriarche actuel, Mgr Pizzaballa. Les deux hommes ont appris à se connaître et à s’apprécier. Le nouvel évêque mesure la confiance – il a parlé aussi d’affection – qui lui est faite de partir pour la partie du diocèse, la plus importante numériquement, celle aussi qui avait le plus renâcler à la nomination d’un italien à la tête du patriarcat.
La nouvelle équipe du Patriarcat latin de Jérusalem pour les Latins est donc en place. Quatre évêques de trois nationalités et d’une moyenne d’âge de 62 ans. Les défis sont grands dans l’instabilité du Moyen-Orient, la question non résolue du conflit israélo-palestinien, le durcissement des approches religieuses, la tentation de forger son identité au prorata de son nombre.
Mais samedi à Bethléem, la joie manifeste des quatre évêques et de tous ceux qui les entouraient traduisait qu’ils sont prêts à prêcher l’évangile à temps et à contretemps, pour le renouveau de leurs fidèles et des sociétés dans lesquelles se déploie leur mission. On attend avec impatience de voir la nouvelle récolte.
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Regarder l’album complet des photos de l’ordination sur le site du patriarcat latin en cliquant ici.
Voir l’ordination de Mgr Jamal Khader Daibes sur YouTube en cliquant ici.
Lisez le Mandat apostolique de nomination en cliquant ici.
Devise et armes de Mgr Jamal Khader Daibes
Mgr Daibes est évêque titulaire de Patara qui appartenait au diocèse d’Antioche.
Patara est identifié avec les ruines près Gelemiş en province d’Antalya aujourd’hui Turquie.
La devise:
Deux mots font sa devise Miséricorde et vérité, tiréa du psaume 84, 11 « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent”.
Les armes:
Au centre le Chrisme, antique symbole chrétien, formé des lettres grecques Ι (iota), Χ (khi) et Ρ (rhô), les premières lettres de Jésus Christ. A droite et a gauche du monogramme, les lettres A (alpha) et Ω (omega) qui disent de Dieu qui est le commencement et la fin de toute chose.
Deux espèces végétales :
A droite l’iris noir (assaoussana assaouda’) de Jordanie, fleur symbole du royaume hachémite, elle est réputée pour pousser quoiqu’il en soit des conditions aussi bien dans les terres caillouteuses que dans le désert, et partout manifeste la même beauté.
A gauche, l’olivier, symbole de la Palestine, symbole de la résistance, de la persistances, de l’enracinement.
Au centre, les murailles de Al Quds, la sainte, Jérusalem à laquelle nous appartenons tous, qui a vu en son sein se dérouler les mystères du Salut, le siège de la première Eglise.
Des armes qui montrent que l’Eglise de Jérusalem réunit, avec Jésus en son sein, les diverses réalités du diocèse.