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Institut Magnificat : 30 ans d’harmonie et d’espérance

Christian Media Center
22 novembre 2025
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C’est la fête de la musique ! À cette occasion, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir l’Institut Magnificat, le conservatoire de musique de la Custodie. Il célèbre cette année ses 30 ans !


À l’occasion du 30ème anniversaire de l’Institut Magnificat, un documentaire retrace les témoignages de ceux qui ont contribué à son parcours artistique et éducatif. Fondé par la Custodie de Terre Sainte, le Magnificat œuvre pour l’unité entre les cultures et les religions à travers la musique, instrument de dialogue, de croissance et de partage, capable de créer l’harmonie même dans les contextes les plus difficiles.

Frère Armando Pierucci, ofm – Compositeur – Fondateur de l’Institut Magnificat

En 1988, j’ai quitté mon poste de professeur d’orgue au Conservatoire de Pesaro parce qu’on m’avait demandé d’aller en Terre Sainte pour m’occuper du domaine musical. Mais pendant sept ans, je n’ai pas réussi à accomplir quoi que ce soit de concret.

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Dans un moment de “désespoir”, j’ai entrepris un pèlerinage à pied de Jérusalem jusqu’au Sanctuaire de la Vierge à Ein Karem, le lieu de la Visitation au Sanctuaire du Magnificat.
J’ai demandé à Notre-Dame du Magnificat : “Est-il juste que je sois ici à ne rien faire, alors que j’ai quitté un enseignement si important pour moi ?”

La Vierge a compris ma détresse et, en juin suivant, s’est tenu le Chapitre. Là, j’ai proposé d’ouvrir une école de musique, et tous les frères ont accepté, ils ont adhéré à l’idée.

Ainsi, en novembre de la même année, nous avons commencé avec deux professeurs : l’un pour le solfège et l’autre pour le piano. Le tout au service de la Basilique du Saint-Sépulcre et des autres Sanctuaires de la Custodie de Terre Sainte.

En 1995, au cœur de la Vieille Ville de Jérusalem, est fondée l’École de musique de la Custodie de Terre Sainte, une initiative unique en son genre, créée pour rassembler les personnes grâce à la beauté de la musique.

Frère Armando Pierucci, ofm – Compositeur – Fondateur de l’Institut Magnificat

Nous avons enseigné la musique dans le but d’offrir aux jeunes une réelle opportunité professionnelle. Nous avons fortement insisté pour que leurs études soient légalement reconnues, et avons réussi à obtenir la participation du Conservatoire de Vicence.

Cette collaboration a permis au gouvernement italien de reconnaître la valeur du parcours éducatif, garantissant ainsi l’accès à des diplômes valables en Italie et en Europe, comme c’est déjà le cas pour l’Institut Magnificat de Jérusalem.

Avec l’aide précieuse de Madame Hania Soudah-Sabbara (hélas aujourd’hui disparue), le Frère Armando a organisé les premiers cours du Magnificat dans une pièce du Monastère de Saint-Sauveur.

Dans cette petite salle se trouvait un vieux piano, que les doigts délicats des jeunes élèves ont ramené à la vie.

L’Institut Magnificat de Jérusalem est né du rêve de rassembler chrétiens, musulmans et juifs, étudiant et travaillant côte à côte, unis par leur passion commune pour la musique et l’art.

Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

Lorsque le père Armando est rentré en Italie, j’ai été nommé directeur du Magnificat — c’était en 2014. Il fallait être à la hauteur de ce qui avait déjà été accompli. Je venais tout juste de terminer mes études, et le Custode de l’époque, Pierbattista Pizzaballa, m’a dit : « Nous avons pensé à toi pour être directeur de l’école. » J’avais étudié la musique, mais le temps avait passé. C’était une très grande responsabilité pour commencer, et j’avoue qu’au début, j’étais effrayé. Le père Armando avait dirigé l’institut pendant 19 ans. Il en était le fondateur, et l’école n’avait connu que lui. J’étais donc un peu nerveux, mais ce fut une expérience magnifique.

Le Magnificat est, en d’autres termes, un véritable laboratoire de coexistence : un lieu où des cultures et des expériences diverses se rencontrent et s’enrichissent mutuellement.

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Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

L’une des plus belles choses du Magnificat, c’est la présence de ces germes d’espérance dans la coexistence entre juifs, musulmans et chrétiens.

Je pense que le Magnificat fonctionne justement parce qu’il n’a rien de forcé. Si on lance une initiative en disant : “Nous voulons les rassembler tous” ; dans le contexte actuel de la Terre Sainte, cela ne fonctionnerait pas.

Ici, au contraire, on a simplement décidé d’enseigner la musique, en restant ouverts à tous. Et comme la musique plaît à tous, tout le monde est venu. Ainsi, aujourd’hui, des personnes de toutes religions jouent ensemble, étudient ensemble et — si vous me permettez l’expression — apprennent à « faire harmonie ».

Frère Armando Pierucci, ofm – Compositeur – Fondateur de l’Institut Magnificat

Nous avons toujours cherché à impliquer les jeunes pour qu’ils chantent ensemble avec d’autres, issus de religions et d’ethnies différentes, et aussi pour qu’ils jouent ensemble — à quatre mains, par exemple. Avec le temps, cela est devenu l’idéal le plus profond et authentique du Magnificat : faire se rencontrer les personnes. Nous avons reçu beaucoup de soutien justement parce qu’on a reconnu combien il est précieux de créer des occasions de rencontre entre jeunes — qu’ils soient palestiniens, chrétiens ou non, musulmans ou juifs — et de les faire chanter ensemble. Tout cela fait partie d’un projet de paix que nous portons tous dans nos cœurs, et qui ne peut se concrétiser qu’à travers des expériences partagées. Et il n’y a rien de plus harmonieux que la musique pour poursuivre un idéal de paix.

Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

J’ai vu tant de belles choses. Par exemple, je me souviens d’un jour où nous donnions des concerts à Venise, en Italie. Une professeure juive marchait dans la rue en tenant la main d’un jeune garçon palestinien. Pour eux, c’était tout à fait normal, et ils parlaient en hébreu. Cela m’a touché encore davantage en sachant que l’enfant avait appris l’hébreu justement à l’école de musique, pour mieux communiquer avec son enseignante.

Le Magnificat a également su créer un environnement académique vivant et dynamique, favorisant la coopération et l’harmonie entre enseignants, étudiants, personnel et société en général. Sans ignorer la réalité politique et culturelle complexe qui, aujourd’hui plus que jamais, influence les relations entre les peuples, cet espace dédié à l’amour de la musique cherche à dépasser ces difficultés, en offrant un lieu de rencontre et de dialogue authentique.

Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

Depuis le 7 octobre, bien sûr, cela n’a pas été facile, mais musulmans, chrétiens et juifs, Palestiniens et Israéliens continuent de fréquenter l’école. Tous continuent à jouer ensemble, et je pense que c’est un très beau message : une goutte, un signe d’espérance dans ce conflit qui, malheureusement, perdure en Terre sainte.

Les standards élevés d’enseignement de l’école ont été consolidés grâce à une convention avec le Conservatoire de Musique « Arrigo Pedrollo » de Vicence. Sous la supervision de cet institut italien prestigieux et du Ministère de l’Université et de la Recherche, les élèves de l’Institut Magnificat peuvent obtenir des diplômes académiques reconnus dans toute l’Union européenne et à l’international, offrant ainsi aux étudiants en musique de Terre Sainte des opportunités de formation capables de transformer leur avenir.

Frère Armando Pierucci, ofm – Compositeur – Fondateur de l’Institut Magnificat

J’ai toujours cherché, à la fois au niveau local, avec l’institut musical des Palestiniens qui existe à Jérusalem, mais aussi avec les écoles israéliennes, à créer des échanges, à organiser des concerts, des concours, des compétitions musicales pour le piano, les instruments à cordes, les violons. Par la suite nous avons réalisé des tournées avec d’autres écoles de Zagreb, d’Italie, de Suisse. Nous avons continuellement créé des liens, et cela a porté ses fruits : les jeunes ont grandi, beaucoup ont obtenu leur diplôme. Aujourd’hui, nous avons la joie de compter parmi eux un jeune qui a commencé à étudier dès l’enfance au Magnificat et qui enseigne désormais le piano au Conservatoire de Zurich. D’autres, pour diverses raisons, ont quitté la Terre Sainte et enseignent aujourd’hui dans des écoles italiennes ou suisses. Les jeunes ont donc pleinement répondu à cet engagement d’étudier et d’atteindre l’excellence dans la formation.

Fr. Alberto Pari, ofm- Directeur de l’Institut Magnificat

L’Institut Magnificat a pour mission de former les nouveaux musiciens de Terre Sainte : c’est là son premier objectif. Mais nous avons aussi un chœur, composé surtout d’adultes, parfois d’étudiants, quelques enseignants, ou des membres des familles de nos élèves, qui participent aux grandes célébrations liturgiques : Noël, la Semaine Sainte et d’autres grandes fêtes en Terre Sainte. C’est en quelque sorte, la partie visible du Magnificat. À l’intérieur, il reste avant tout un institut de musique, un conservatoire de musique classique, qui n’a pas toujours beaucoup d’occasions de se produire.
C’est ainsi que nous avons créé le Festival Ayar. « Ayar » signifie le mois de mai dans les deux langues, hébreu et arabe. Autrefois, il s’appelait Festival Mom, en l’honneur de la fête des mères. Ce festival a été conçu pour faire connaître l’Institut au-delà des murs de la Vieille Ville et de son quartier. Nous cherchons donc des lieux où organiser des concerts tous les jeudis, avec les meilleurs élèves — parfois en duo avec leurs professeurs.
C’est une forme de promotion pour attirer de nouvelles familles, et chaque année, après ces concerts, nous avons de nouvelles inscriptions.

Fr. Alberto Pari, ofm- Directeur de l’Institut Magnificat

Beaucoup nous demandent : « Pourquoi ne faites-vous pas aussi de la musique orientale ? » Parce qu’il existe déjà d’autres écoles qui le font. Le Magnificat, lui, a choisi de se spécialiser dans la musique classique, et le niveau y est élevé, car nos étudiants, à mi-parcours et à la fin de leur formation, sont évalués par un jury de professionnels italiens. Nous accueillons les tout-petits dès 4 ou 5 ans. Ils suivent une première année appelée Children’s Group, un cycle préparatoire qui offre une initiation musicale à 360 degrés : rythme, danse, chorégraphie, musique, écoute… Ils apprennent le nom des notes et commencent à explorer tous les instruments.

À partir de 6 ans, ils peuvent choisir un instrument. Une petite sélection est faite selon leurs caractéristiques physiques : mains, taille… Nous voyons s’ils sont plus portés vers un instrument à vent, à cordes ou à clavier

Le premier niveau d’examen officiel s’appelle Level A, vers 10–11 ans. Après cela, ils accèdent au cours préparatoire de trois ans, qui mène ensuite à l’Académie donnant un diplôme universitaire. Ainsi, le parcours complet peut s’étendre de 4–5 ans jusqu’à 20–24 ans, voire plus. L’Institut compte 220 étudiants — c’est le nombre maximal de places possibles tant que nous n’aurons pas un bâtiment plus grand — encadrés par 23 professeurs.

Pour soutenir la logistique et le bon fonctionnement des activités de l’école, il y a Frère Corrado Sica, issu d’une famille de musiciens, qui a également entrepris une formation musicale rigoureuse et structurée

Frère Corrado Sica, ofm – Maître et directeur adjoint de l’Institut Magnificat

J’appartiens à la Province religieuse de Salerne-Basilicate, une communauté d’environ une centaine de frères répartis dans cette région du Sud de l’Italie.

Mon principal point de référence se situe en Campanie, et plus précisément dans la région de Salerne. C’est là que j’exerçais également une mission dans le domaine musical. Après mes études de théologie, les frères m’ont demandé de me spécialiser en musique, afin d’enseigner aux étudiants et aux novices, tout en apportant ma contribution aux grandes célébrations.
J’étais donc déjà actif dans la région comme musicien, organiste, chef de chœur et compositeur, et je menais différentes activités liées à la musique.

Frère Corrado Sica est le compositeur de l’hymne des Martyrs de Damas, interprété pour la première fois dans l’église Saint-Sauveur à l’occasion de leur canonisation, ainsi que de l’hymne Super Muros, composé pour l’entrée du Custode de Terre Sainte, le frère Francesco Ielpo. Il occupe actuellement le poste de directeur adjoint et d’organiste titulaire du Saint-Sépulcre. Par ailleurs, il dirige avec brio la Schola Cantorum lors des principales célébrations liturgiques, contribuant à rendre la liturgie encore plus solennelle et inspirante.

Frère Corrado Sica, ofm – Maître et directeur adjoint de l’Institut Magnificat

Pour moi, c’est une vraie joie de participer à cette activité, particulièrement intense et scolaire du Magnificat, car cela me pousse à me remettre sans cesse en question. Je dois toujours être prêt et préparé à répondre à tous ceux qui viennent chez nous pour apprendre. C’est une source d’enthousiasme, car cela me permet de collaborer avec d’autres frères, comme le directeur, le frère Alberto, et le frère Johnny, mon prédécesseur au poste de directeur adjoint.
Avec eux, et avec les professeurs, nous vivons des moments où la joie de la musique nous permet d’exprimer pleinement ce que nous avons appris, en le mettant au service non seulement des jeunes, mais aussi au bénéfice de tous ceux qui participent à la liturgie ou assistent à nos concerts.

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En cette année du huitième centenaire du Cantique des Créatures, se révèle avec force la profonde connexion entre la musique et le charisme franciscain, qui continue de résonner aujourd’hui comme un signe tangible de la présence de Dieu parmi nous

Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

Nous savons que lorsqu’on pensait à Dieu, on pensait à la musique des anges ; quand nous entendons une belle musique, nous disons souvent : « On dirait quelque chose qui vient du ciel », quelque chose qui nous élève vers le ciel.

Pour Saint François, la musique était un moyen privilégié de rapprocher les hommes de Dieu. À travers ce que nous faisons, le Magnificat devient une expression de foi, une manière de louer Dieu pour sa création et pour cette musique qui nous unit — comme dans le Cantique des Créatures. À la fin de sa vie, Saint François ajouta deux versets à ce Cantique, dont l’un sur le pardon : à ce moment-là, un fort conflit opposait le « Podestà » d’Assise, c’est-à-dire le chef de la ville, à l’évêque. François écrivit un verset justement sur le pardon, et par cette musique, il favorisa une réconciliation.

J’aime penser que le Magnificat représente aujourd’hui quelque chose de semblable : une réconciliation qui passe par une musique capable de toucher le cœur de tous.
C’est dans l’amour de la musique que, d’une certaine manière, nous parvenons à rassembler les personnes et à guérir, ne serait-ce qu’un peu, les nombreuses blessures qui affligent cette terre en ce moment.

Le Magnificat a fêté ses 30 ans, un anniversaire célébré en mai dernier avec beaucoup de talent, réunissant étudiants et professeurs dans une même harmonie.

Fr. Alberto Pari, ofm- Directeur de l’Institut Magnificat

Le concert de gala pour les 30 ans était un rêve que nous nourrissions depuis plusieurs années.
Nous aurions voulu célébrer le 25ème anniversaire, mais malheureusement cela est tombé en pleine période du Covid. Nous avons donc décidé de reporter aux trente ans, même si, en général, ce n’est pas une date habituellement très marquante.
Mais jamais nous n’aurions imaginé un tel succès : ce fut vraiment émouvant de voir tous les enfants, les étudiants, les professeurs, présents avec leurs familles.

Habituellement, cela n’arrive pas, car les cours sont organisés sur des jours différents et chacun vient à son heure. Le concert de Noël est une occasion de se retrouver un peu, mais jamais tout le monde n’est réuni en même temps. Lors de cette célébration, en revanche, nous avons pu monter sur scène avec l’ensemble de l’école : ce fut un moment véritablement émouvant.

L’histoire se poursuivra dans les années à venir, portée par la passion des frères pour la musique, conscients à la fois de sa valeur et des défis qu’ils pourront rencontrer en chemin.

Frère David Grenier, ofm – Vicaire – Washington D.C. – Commissariat de Terre Sainte

Je pense que la musique touche tout le monde. Je ne connais personne qui n’aime pas la musique. Nous n’avons peut-être pas les mêmes goûts, mais il y a toujours quelque chose qui touche le cœur quand on écoute de la musique, et chacun a un genre qui lui parle d’une manière particulière.

Fr. Alberto Pari, ofm- Directeur de l’Institut Magnificat

Car la musique est un enrichissement pour toute vie. On rencontre toujours des difficultés au début, mais ce qu’apporte la musique reste un trésor immense. Jouer dans un orchestre ou chanter dans une chorale avec des cultures et des personnalités différentes constitue une expérience profondément enrichissante, unique. C’est ce que nous expliquons à toutes les familles lorsqu’elles viennent. Les difficultés, le découragement et la fatigue arriveront, mais il faut les surmonter, car le résultat et le trésor que l’on atteint sont inestimables.

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