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En Terre sainte, l’apprentissage du français ouvre des portes

Cécile Lemoine
23 avril 2021
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Premier jour de classe pour ces élèves d'une école de Ramallah. 25,août 2013 ©Issam Rimawi/FLASH90

Plus que l’anglais, langue parlée par une grande partie de la population, le français permet à ceux qui l’apprennent de se distinguer. Un plus dont se saisissent les directeurs d’écoles chrétiennes de Terre sainte


À l’École Notre-Dame de l’Annonciation à Ramallah, les élèves n’ont pas le choix. L’enseignement du français est obligatoire du CP à la terminale, au même titre que l’anglais. C’est assez rare dans une région qui n’a jamais été colonisée par la France, et où cette langue est habituellement optionnelle, reléguée en troisième ou quatrième position, derrière l’hébreu, l’arabe, l’arabe littéraire…

Derrière cette décision stratégique, Naela Rabah, l’énergique directrice de l’école, en poste depuis 19 ans. « Apprendre une langue c’est élargir ses horizons et ses opportunités. Le français, que je considère comme la deuxième langue internationale, permet aux élèves d’entrer dans de bonnes universités ou d’obtenir un emploi qualifié« , assure celle qui cherche à cultiver la tradition d’excellence d’une école fondée en 1954 par la communauté grecque-catholique melkite (catholiques de langue arabe priant dans le rite byzantin, Église catholique la plus représentée en Terre Sainte).

L’école accueille 300 élèves, garçons et filles, du jardin d’enfant à la terminale. Elle est très demandée par les chrétiens des différentes Églises, mais aussi par des familles musulmanes qui en apprécient la qualité pédagogique et l’atout de la coéducation entre catholiques et musulmans, à l’image de la société locale.

Enrichissement mutuel

Persuadée que le français permet à ses élèves de se distinguer, Naela Rabah s’est appuyée sur un réseau efficace pour construire un véritable projet pédagogique, fondé sur l’échange et la réciprocité. « Longtemps porté par des congrégations françaises installées à la fin du XIXe siècle, ce réseau d’enseignement du français en Palestine s’est peu à peu transformé en outil institutionnel d’influence ciblant les élites locales », analyse Clémentine Rubio, docteure en sociolinguistique et auteure de L’enseignement du français en Palestine. Le service culturel du consulat français, les volontaires envoyés par l’intermédiaire du réseau Barnabé et de la Délégation catholique pour la coopération (DCC) en sont les maillons principaux.

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Les cinq professeurs de français de Notre-Dame de l’Annonciation partent régulièrement se former en France, l’école accueille chaque année un volontaire en tant qu’assistant de langue et organise des camps d’été dédié à l’apprentissage du français. « Le but de ces échanges est d’apporter ce qu’on est, pas d’imposer ce qu’on fait chez soi. L’enrichissement est mutuel puisque chacun à des choses à apprendre de la culture et des manière de faire de l’autre », explique Alice de Rambuteau, l’animatrice du Réseau Barnabé qui travaille à la coopération entre l’Enseignement catholique et les établissements scolaires chrétiens de Terre Sainte.

Le Réseau Barnabé est ainsi en lien avec une trentaine d’écoles chrétiennes situées dans les territoires palestiniens et en Israël. « La présence d’un volontaire francophone témoigne d’une présence occidentale positive dans les territoires palestiniens. Parce qu’elle permet un échange inter-culturel très riche et une ouverture vers l’extérieur, dans des territoires quasi fermés », témoigne Anne Fauchard qui a été assistante de langue française à Zababdeh avec la DCC (Délégation catholique pour le coopération) à Zababdeh de 2006 et 2008.

Se donner les moyens

Elle replonge quelques années en arrière : « Je me souviens de Samer, à qui je donnais des cours particuliers de français. Il a continué ses études aux Etats Unis où il vit encore. C’était un étudiant curieux et ambitieux, je suis fière qu’il ait réussi à atteindre ses objectifs », s’enthousiasme-t-elle.

L’apprentissage n’en reste pas moins sans difficultés. « C’est toute une nouvelle écriture à maîtriser. Le français s’apprend en lettres cursives, les élèves doivent écrire tout attaché, en formant des boucles, contrairement à l’anglais qui sépare les lettres », détaille Alice de Rambuteau. « La plupart des familles ne parle pas le français et ne peuvent pas venir en aide à leurs enfants s’ils ont des difficultés », souligne Naela Rabah, qui ne lésine pas pour offrir le meilleur à ses élèves.

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La directrice de l’école melkite a ainsi repris le principe français du binôme de professeur. Un professeur palestinien et un volontaire français qui vient en soutien le temps d’une année scolaire. Une méthode qui permet de diviser les classes en petits groupes et de multiplier les regards sur chaque élève, même si elle a un coût. « Il faut se donner tous les moyens pour réussir les choses dans lesquelles on croit. Le français en vaut la peine », sourit Naela Rabah qui pense à instituer l’apprentissage d’une autre langue dans sa petite école de Ramallah.

 


 

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