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Le Terra Sancta Museum va exposer son Trésor à Lisbonne

Cécile Lemoine
10 mai 2023
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Le Terra Sancta Museum va exposer son Trésor à Lisbonne
Déménagement délicat de l'antépodium dit "de la Pentecôte", offert par le Commissariat de Terre Sainte de Naples en 1731, sous les yeux attentifs de frère Rodrigo et de Rui Xavier ©Henri de Mégille/Terra Sancta Museum

Des oeuvres d'art de la Custodie de Terre Sainte s'apprêtent à s'envoler pour le Portugal et le musée Gulbenkian le temps d'une exposition. L'occasion de faire connaître le futur Terra Sancta Museum et son projet à Jérusalem.


Branle bas de combat au couvent franciscain de Saint-Sauveur à Jérusalem. En ce 8 mai au matin, des chariots roulent en d’incessants aller-retour entre la salle des nacres et le hall de la Curie. Leur cargaison ? Le Trésor du Saint-Sépulcre. « Évitez de faire rouler les objets… Ça serait mieux si vous les portiez… » Le regard sévère par-dessus ses lunettes rectangulaires, frère Stéphane Milovitch surveille les gestes des trois ouvriers de la société israélienne chargés de mettre en caisse de larges pièces d’orfèvrerie.

Elles sont progressivement entreposées à côté de grandes caisses en bois : un baldaquin en argent offert par le roi d’Espagne Philippe IV de Habsbourg en 1665, un antependium (bas relief installé devant les autels) en argent massif offert par le Commissariat de Terre Sainte de Naples en 1731… Ce sont les pièces maîtresses des collections franciscaines qui s’apprêtent à s’envoler pour le Portugal, où elles seront exposées au musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne dans le cadre d’une exposition d’envergure : “Le Trésor des rois, chefs-d’œuvre du musée de la Terre Sainte”, qui ouvrira ses portes en 2023.

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Aussi précieux que fragiles, les objets nécessitent un maniement délicat. La mise en caisse se transforme en opération technique. En observant les ouvriers s’activer, le frère Stéphane, directeur des Biens Culturels de la Custodie de Terre Sainte, ne peut s’empêcher d’anticiper, un brin inquiet, le déplacement d’un baldaquin en or massif incrusté de pierres précieuses datant de 1754. 

Précieux cadeaux

En tout, 75 œuvres sont prêtées par la Custodie au musée Portugais. De l’orfèvrerie, mais aussi des documents historiques (firmans mamelouks), de la paramentique (vêtements liturgiques), une maquette du Saint-Sépulcre en bois et nacre du 17e siècle… Ces objets sont des cadeaux, offerts au fil des siècles par les cours royales européennes aux franciscains de Terre Sainte en remerciement du gardiennage des Lieux Saints, une mission dont ils ont la charge depuis le XIVe siècle, soit près de 800 ans. 

Et les rois ne lésinaient pas sur la valeur des présents : c’est la fine fleur de l’art et du savoir-faire européen qui parvenait jusqu’au Saint-Sépulcre. “Nous avons la chance d’avoir pu conserver une typologie d’objets qui sont aujourd’hui uniques. Certains ne se trouvent plus qu’à Jérusalem, parce qu’ils ont disparu en Europe”, explique frère Stéphane qui dirige la création de la section historique du futur Terra Sancta Museum, dont l’ouverture est prévue pour fin 2025. Y seront exposés de manière permanente les différents objets du Trésor, dont ceux qui s’envolent pour Lisbonne. 

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“Il était important de faire connaître le musée et ses collections avant qu’il n’ouvre, pointe frère Stéphane. Nous sommes très heureux de participer à des expositions où les pièces maîtresses de notre trésor peuvent être vues du public en dehors de Jérusalem, chose qui ne sera plus possible une fois le musée ouvert.” 

Avant le départ, les oeuvres sont passées à la loupe des experts en conservation de la Fondation Gulbenkian qui réalisent des constats d’état détaillés ©Cécile Lemoine/TSM

En plus de contribuer à faire connaître le futur Terra Sancta Museum, la Fondation Gulbenkian à l’origine de l’exposition portugaise, apporte aussi une aide précieuse aux franciscains : “Nous prenons en charge la restauration d’une partie des œuvres dans le cadre d’un mécénat de compétence avec la Custodie, détaille Rui Xavier, conservateur en chef du musée portugais. Celles en argent, par exemple, qui se sont oxydées avec le temps.” Venu à Jérusalem pour suivre le déménagement des œuvres de la Custodie, Rui Xavier a les yeux qui brillent : “C’est une grande chance de pouvoir travailler auprès de tels objets. On s’attend à ce que l’exposition fasse un carton.”

Un musée comme une « épiphanie de la mission de la Custodie »

Pensée pour mettre en valeur les présents offerts par le Portugal, grand mécène de la Custodie, l’exposition de la Fondation Gulbenkian s’inspire directement de celle organisée en 2013 à Versailles sur le Trésor du Saint-Sépulcre. L’événement avait attiré un nombre record de visiteurs et lancé le projet de musée à Jérusalem. Pour la Custodie, le Terra Sancta Museum, qui est en cours d’aménagement au couvent Saint-Sauveur dans la vieille ville, est l’occasion de se raconter. “Le but est d’expliquer ce que la Custodie est, à travers les œuvres offertes. Une forme d’épiphanie de notre apostolat en Terre Sainte : un dialogue, aussi bien avec le monde qu’avec Jérusalem et ses habitants juifs, chrétiens et musulmans », expose frère Stéphane.

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Si elle est très investie auprès de la communauté chrétienne locale, les “pierres vivantes”, la Custodie de Terre Sainte n’a refusé son aide à personne. “Parmi les éléments exposés dans le futur musée, il y aura une pharmacie du XVe siècle, composée d’un ensemble de pots, de potions, et d’une liste de noms de personnes soignées par la Custodie : il y avait aussi des juifs et des musulmans. Cette pharmacie manifeste notre rôle transversal dans toutes les communautés locales : la Custodie s’est toujours intéressée aux hommes, quelle que soient leurs origines, parce que tout homme est sauvé par le Christ”, explique le directeur des Biens culturels.

 

Pour remercier les franciscains de leurs bonnes oeuvres, les communautés locales ont offert de nombreux ex-votos à la paroisse et au Saint-Sépulcre, certains donc provenant même de familles musulmanes. Une vitrine contenant de précieux bijoux offerts pour rendre grâce à la Vierge Marie a récemment été redécouverte dans l’église Saint-Sauveur de Jérusalem.

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Témoins de la richesse de l’art et du savoir-faire palestinien, ces pièces, aussi rares qu’uniques, auront toute leur place dans le futur musée des franciscains. “A travers ces objets d’art on raconte l’histoire de la relation de la Custodie avec la population locale, ce qui permet de la reconnecter à sa propre histoire, à son héritage et sa culture”, sourit frère Stéphane qui a pris la décision de faire la part belle à ces collections palestiniennes dans les 1000 mètres carrés du futur Terra Sancta Museum.

“L’art permet de manifester ce que nous sommes et de toucher l’histoire humaine ou culturelle de chaque communauté”, poursuit le franciscain, convaincu que le Terra Sancta Museum, situé physiquement au croisement des mondes israéliens et palestiniens à Jérusalem, permettra de créer des ponts dans une Jérusalem fragmentée.

 

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