Georges Bael: « Faire d’ici un endroit meilleur »
Georges Bael, 18 ans, est un jeune Palestinien chrétien de Bethléem. Comme de nombreux jeunes de son âge, il aime la série Harry Potter, les romans de science-fiction et les sports d’équipe. Il rêve de grands voyages en Europe, de prendre le train avec juste un billet et un sac à dos. Pour autant, il est très conscient que la vie ne se limite pas à ça. “Je suis préparé aux difficultés qui m’attendent”, affirme-t-il d’un ton posé.
C’est pour cela que ses aspirations sont très claires. Georges sait ce qu’il veut : “Je vais finir l’université, passer un diplôme de comptabilité reconnu qui me permettra d’avoir un meilleur travail et un bon salaire. Celui-ci me permettra de subvenir aux besoins de ma famille. Car, quand je serai prêt, j’aimerais me marier, avoir des enfants et les élever dans la foi chrétienne. Mais tous ces objectifs n’ont de sens que si je peux vivre au quotidien comme un vrai disciple de Jésus.”
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Petit détail supplémentaire et non des moindres : Georges veut rester vivre ici, à Bethléem. Dans un contexte où de nombreux chrétiens émigrent, il en reste qui refusent cette solution, malgré les renoncements qu’implique la vie derrière le mur de séparation. “Certains chrétiens sont conscients de la grâce d’être né sur la terre où Jésus a vécu. D’autres veulent simplement partir dès qu’ils en ont l’opportunité, pensant que c’est mieux pour eux de vivre dans un pays libre. Ici nous endurons des restrictions de mouvements et de libertés mais il y a en plus les contraintes que la société traditionnelle palestinienne impose à ses membres. Par exemple une fille ne peut pas se promener en short dans la rue.”
Georges résume : “Les gens pensent que tout ira mieux dans un autre pays – ce qui est sûrement vrai – mais ils ne pensent pas à faire d’ici un endroit meilleur. Ils préfèrent fuir.”
Qui sommes-nous pour douter ?
Vivant à dix minutes de la basilique de la Nativité, le jeune homme s’y rend tous les dimanches pour assister à la messe de la paroisse franciscaine. Comme pour beaucoup, la présence de pèlerins du bout du monde ayant économisé toute leur vie pour venir prier en Terre Sainte l’aide à réaliser sa chance. “Les chrétiens nés ici ont une responsabilité envers la présence chrétienne en Terre Sainte. Je crois qu’il y a une raison à tout. Pourquoi est-ce tombé sur nous ? Nous ne savons pas ! Mais les voies de Dieu sont impénétrables, qui sommes-nous pour douter ? Nous devons seulement avancer et avoir foi en lui et en ce qu’il nous a donné.”
D’où viennent sa maturité et sa foi ? Georges soupçonne l’Esprit saint, l’éducation qu’il a reçue de ses parents et son expérience de vie. “Ma mère est palestinienne mais mon père est philippin. Le frère unique de ma mère a émigré en Norvège dès la fin de ses études de médecine. Il s’est marié à une Norvégienne, élève ses enfants là-bas. Mes cousins ne parlent pas arabe et je ne les connais pas vraiment, mais ils devraient venir bientôt en visite. Ma mère, à l’inverse, a eu à cœur de rester vivre ici et de nous élever en chrétiens palestiniens. Nous vivons avec ma grand-mère et sa sœur et la famille est très importante pour moi.” Il ajoute que la société palestinienne voit d’un très mauvais œil l’émigration de ses femmes, alors qu’elle accepte plus facilement celle des hommes – une pression de plus.
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S’il se sent totalement palestinien, il ne peut renier son ascendance philippine. “Les gens ici ne sont pas très tolérants avec les autres cultures. Ça passe mieux si vous êtes occidental, mais si vous êtes asiatique ou africain c’est l’inverse. Dès mes trois ans, les autres se moquaient de moi, me malmenaient et faisaient des remarques racistes. Ça m’a beaucoup affecté, mais ensuite je me suis donné à fond pour être le meilleur : en classe, dans l’équipe de football, de volley… Je voulais leur prouver que ce qu’ils pensent de moi ne m’affectait pas. Cela m’a rendu plus fort et maintenant tout le monde me respecte. Mais mes petits frères subissent les mêmes remarques. La vie n’est pas facile et agir en chrétien, aimer ceux qui nous font du mal, est un défi quotidien. »
En attendant, il avance, entre les cours à l’université, les rencontres avec les scouts salésiens et les permis délivrés par les autorités israéliennes. Ceux-ci lui permettent au moins une fois par an et sur une durée de deux-trois mois de franchir le mur avec sa famille pour passer les fêtes religieuses à Jérusalem, à 10 km de chez lui. Il y visite les sanctuaires chrétiens, mais en profite aussi pour faire ce qu’il ne peut pas faire à Bethléem, comme aller au cinéma avec des amis. Presque comme n’importe quel jeune de 18 ans.
Dernière mise à jour: 10/01/2024 20:28