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La CPI ouvre la voie à une enquête sur les crimes commis dans les territoires palestiniens

Cécile Lemoine
8 février 2021
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La CPI ouvre la voie à une enquête sur les crimes commis dans les territoires palestiniens
Des enfants palestiniens jouent dans les décombres de la ville de Gaza, dont une partie a été détruite pendant la guerre de 50 jours entre Israël et les militants du Hamas à l'été 2014. Gaza, 22 juin 2015. Photo Aaed Tayeh / Flash90

La Cour pénale internationale a décidé vendredi, que sa juridiction s'étendait aux territoires palestiniens. Cela ouvre la voie à une enquête pour les crimes qui y ont été commis par Israël et le Hamas.


Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye ont tranché. En reconnaissant vendredi 5 février que la juridiction de la CPI s’étend à Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est, ils autorisent la procureure Fatou Bensouda à enquêter sur les crimes commis dans ces territoires occupés par Israël.

Fatou Bensouda avait annoncé, fin 2019, sa volonté d’ouvrir une enquête puisqu’il existait, selon les recherches qu’elle a menées ces cinq dernières années, « des motifs raisonnables de croire que des crimes de guerre ont été commis » dans ces territoires par l’armée israélienne et le groupe terroriste Hamas, ainsi que par d’autres « groupes armés palestiniens ».

S’interrogeant sur la compétence territoriale de la CPI, elle avait renvoyé la question aux juges. Une manière de partager le poids de l’un des dossiers les plus sensibles de la Cour. Désormais, l’institution peut légalement poursuivre les auteurs de crimes commis en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza. La Cour précise qu’avec sa décision, elle « ne statuait pas sur un différend frontalier en droit international, ni ne préjugeait de la question de quelconques futures frontières » mais avait eu l’« unique objectif de définir sa juridiction territoriale ».

Colère, inquiétude et joie

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, s’est empressé de réagir, arguant que cette décision relevait de l’« acharnement judiciaire ». « Le tribunal a une nouvelle fois prouvé qu’il est un organe politique et pas une institution judiciaire », a-t-il ajouté. Il dénonce un « antisémitisme pur », et pointe le refus de la CPI « d’enquêter sur les dictatures brutales d’Iran et de Syrie, qui commettent des atrocités presque chaque jour ».

Les États-Unis, alliés de l’État hébreu, s’étonnent de cette décision. « Nous avons toujours été d’avis que la compétence de la Cour devrait être réservée aux pays qui y consentent ou qui sont déférés par le Conseil de sécurité des Nations unies », précise le Département d’État. « Nous continuerons à nous opposer à ceux qui cherchent à cibler injustement Israël », a twitté son porte-parole, Ned Price.

Le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, a quant à lui salué une « victoire pour la justice ». « Cette décision est une victoire pour la justice et l’humanité, pour les valeurs de vérité, d’équité et de liberté, et pour le sang des victimes et de leurs familles », a-t-il déclaré auprès de l’agence officielle palestinienne Wafa.

Tout comme les États-Unis, Israël n’est pas membre de la CPI. L’Autorité palestinienne, qui n’est pas un État reconnu par la communauté internationale, y a adhéré en 2015. L’institution est censée servir de tribunal de dernier recours lorsque les systèmes judiciaires des pays ne peuvent, ou ne veulent pas, enquêter sur les crimes de guerre et poursuivre leurs auteurs.

L’armée israélienne et le Hamas dans le viseur

Dans le viseur de la procureur, la guerre de 2014 qui a sévi dans la bande de Gaza et fait plus de 1 000 morts, en grande partie des civils palestiniens. Israël avait à l’époque engagé ses troupes dans l’opération « Bordure protectrice » pour contrecarrer les activités du Hamas, le mouvement islamo-nationaliste, qui contrôle ce petit bout de territoire surpeuplé. Selon Fatou Bensouda, « les forces de défense israéliennes ont intentionnellement lancé des attaques disproportionnées » à plusieurs occasions durant l’été 2014, ainsi que lors de la « marche du retour », en mars 2018.

La procureure ne dédouane pas pour autant le Hamas, qui aurait « intentionnellement dirigé des attaques contre des civils et des biens civils en utilisant des personnes protégées comme boucliers, et en ayant recours à la torture ».

Charge à Fatou Bensouda de décider de l’ouverture de l’enquête. Sur la base de sa décision de 2019, elle devrait le faire. Son mandat de procureur doit cependant expirer en juin, et certains responsables israéliens estiment que les orientations de son successeur, qui n’a pas encore été élu, pourraient être différentes.