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Cardinal Filoni : « Notre mission a plus que jamais du sens »

propos recueillis par Cécile Lemoine
22 septembre 2021
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Cardinal Filoni : « Notre mission a plus que jamais du sens »
Les statuts de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre stipulent que les membres doivent se rendre en pèlerinage en Terre Sainte régulièrement. C’est dans la suite du Christ que l’engagement se ressource. Ici dans le tombeau du Christ au Saint-Sépulcre. © Nadim Asfour/CTS

Grand maître de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre depuis décembre 2019, le cardinal Fernando Filoni semble désirer réformer l’institution séculaire. Après avoir revu les Statuts et le Rituel liturgique, il a publié un livre Et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum, dans lequel il dresse les contours de la spiritualité spécifique de l’Ordre du Saint-Sépulcre.


Un an après avoir été nommé Grand-Maître de l’Ordre Équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, vous publiez un ouvrage sur la spiritualité de l’Ordre. Cela répond-il à un besoin particulier ?

L’idée est née de mes échanges avec des membres de l’Ordre du Saint-Sépulcre. J’ai reçu beaucoup de courriers me demandant si, faire partie de cette noble institution, impliquait une spiritualité spécifique. C’est une question pertinente. Il ne s’agit pas simplement d’un ordre chevaleresque honorifique. C’est au contraire un organisme actif et vivant, avec des responsabilités et des engagements progressivement confiés par les papes. L’Ordre accorde une importance primordiale à la vocation de sainteté de ses membres et, dans le même temps, il aspire à être un instrument de développement et d’approfondissement de la spiritualité de chacun. C’est pour renforcer cette spiritualité particulière, que j’ai voulu écrire ce petit ouvrage. Je pense que ce texte pourra être utile, non seulement à nos Chevaliers et Dames, mais également pour former les nouveaux candidats et candidates et nous aider à trouver de nouveaux membres jeunes et moins jeunes. Ce livre donne à tous la possibilité de réfléchir sur le grand honneur et sur la charge qui pèsent sur notre Ordre. Il faut que tous les prieurs en aient une copie, de même que les évêques, partout où l’Ordre est présent.

Chevaliers de l’Ordre participant en manteau à la procession du Dimanche des Palmes
à Jérusalem. © Mazur/cbcew.org.uk

 

À quelles sources êtes-vous allé puiser ?

La spiritualité de l’Ordre tire sa source des Évangiles, et plus particulièrement du mystère de la mort et de la Résurrection du Seigneur. C’est le cœur de la spiritualité chrétienne, et c’est encore plus le cas pour un Ordre qui porte le nom du Saint-Sépulcre, le lieu de la mort et de la Résurrection. C’est un événement qui est plus qu’historique, c’est le cœur de la foi. Les Chevaliers et les Dames ont dû, au moins une fois, se demander ce qu’ils cherchaient en étant dans l’Ordre. Plaçons-nous devant le tombeau vide du Christ et faisons l’expérience émouvante de Marie de Magdala à qui on a demandé Qui cherches-tu, peut-être à l’occasion du pèlerinage que nous sommes invités à accomplir en Terre Sainte.

 

Vous avez intitulé votre livre d’après le passage évangélique se référant à Marie de Béthanie qui oint les pieds de Jésus. Pourquoi ?

L’Église est un corps semblable à celui du Christ. L’adhésion à l’Ordre nous permet de poursuivre l’œuvre de Marie de Béthanie, à savoir : oindre nous aussi le “Corps du Christ” qu’est l’Église dans laquelle vit Jésus à jamais. Nous devons le connaître et en prendre soin. C’est l’essence même de la mission qui nous a été confiée par tous les papes : soutenir l’Église sur la terre de Jésus par l’aide aux familles chrétiennes, à l’éducation des enfants, aux hôpitaux. Elle a plus que jamais du sens : nous avons besoin aujourd’hui de prendre soin de ce Corps du Christ blessé par d’innombrables violences. Nous travaillons pour la paix, la justice et la vérité. Notre institution est liée aux principes de la paix et de la cœxistence sur la terre de Jésus.

Lire aussi >> Ordre du Saint-Sépulcre: ni philanthropie, ni honneur

Cette spiritualité est-elle pour vous une découverte ?

Il faut se demander ce que signifie avoir une spiritualité. Pour les Dames et Chevaliers du Saint-Sépulcre, c’est à la fois un projet de vie, des convictions, des valeurs, des choix spécifiques. Portons attention aux mots du pape François adressés aux membres de notre institution. Il a dit : “On ne peut oublier que l’objectif principal de l’Ordre est la croissance spirituelle de ses membres, de renforcer son lien indispensable avec le Seigneur Jésus, dans la méditation des saintes Écritures et dans l’approfondissement de la doctrine de l’Église.” Pour moi, la réponse est donc, oui, cette spiritualité est une découverte, et non, parce qu’elle appartient à toute l’Église.

 

La crise du coronavirus a commencé quelques semaines après votre nomination comme Grand-Maître empêchant pratiquement les déplacements. Comment comptez-vous procéder pour vous rapprocher des Chevaliers et Dames ?

L’Ordre du Saint-Sépulcre est une “grande paroisse” et, comme dans toutes les grandes familles, la distance et le nombre peuvent parfois rendre la relation moins personnelle. J’espère avoir prochainement la possibilité de visiter nos Chevaliers et Dames pour les remercier de leur générosité et pour encourager leur engagement dans la vie des Églises locales et de Terre Sainte. Si le coronavirus n’a pas empêché les rencontres grâce aux nouvelles technologies, il me tarde de visiter les Lieutenants, pour échanger avec eux, mais surtout les écouter. C’est le sens de la rubrique “Le coin du Grand Maître”, sur le site de l’Ordre du Saint-Sépulcre où je réponds à des questions qui me parviennent par courrier et relatives à notre Ordre, à sa vie, à l’Église, la vie chrétienne, ou l’engagement en Terre Sainte. Dialoguer c’est se connaître, et interagir c’est s’estimer.

Mgr Fernando Filoni. © Service de Presse

 

Pourquoi ne plus utiliser l’épée pendant le rite de l’adoubement ?

La non-utilisation de l’épée dans le rite d’adoubement ne signifie pas une rupture avec l’héritage ancestral de l’institution. La révision du Rituel des Célébrations fait partie du mouvement de renouveau des Statuts de l’Ordre, débuté l’année dernière. Il s’agit d’uniformiser les pratiques de l’acte le plus solennel prévu par la liturgie de l’Ordre, qui n’étaient pas partout identiques, ni sur les cinq continents, ni entre hommes et femmes. Il s’agit aussi d’être en phase avec la vision de l’Église formulée par le pape François. Il la veut “au service” du Christ. Il faut bien repenser aux mots que Jésus a dit à saint Pierre durant son arrestation Remets ton épée au fourreau -Jn 18, 11 : le Salut n’est pas un combat seulement matériel, mais spirituel aussi.

Le Seigneur a également accepté la mort, prononcée par Pilate, sans se défendre. La force du Christ c’est la charité, non les armes. Mon royaume n’est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est point d’ici-bas -Jn 18, 36. D’ailleurs le Rituel n’a pas totalement exclu l’épée, qui reste un symbole fort des valeurs de loyauté, d’honneur et de vérité, puisqu’elle sera présente lors de la prière de Vigile, qui précède l’adoubement en tant que tel. Il y a une vision plus profonde d’un symbole rappelant le passé de l’Ordre. Je pense que les Dames et les Chevaliers le comprendront.

 

Quel était le sens du “fonds d’urgence Covid” créé au moment de la pandémie ?

Nous avons pris à cœur les besoins générés par la pandémie chez les fidèles de Terre Sainte. Instituer ce fonds nous a permis de collecter des aides exceptionnelles d’un montant de 2 millions d’euros en plus du million réuni pour les dépenses humanitaires plus générales, alors que le montant prévu par le budget de début d’année était largement inférieur. Ces dons ont bénéficié à plus de 2 400 familles dans une trentaine de paroisses et ont permis de répondre à leurs besoins élémentaires grâce à la distribution de bons d’achat pour les dépenses alimentaires, de produits d’hygiène et de médicaments. Les membres de l’Ordre du Saint-Sépulcre ont fait preuve d’une générosité formidable.

Il faut se demander ce que signifie avoir une spiritualité. Pour les Dames et Chevaliers du Saint-Sépulcre, c’est à la fois un projet de vie, des convictions, des valeurs, des choix spécifiques.

La situation sanitaire en Israël/Palestine s’améliore, prévoyez-vous de vous rendre prochainement en Terre Sainte ?

Qui vit en Terre Sainte, a vu et vécu beaucoup de souffrance ces dernières semaines. Je suis en communion avec ces difficultés et ces violences que je connais bien, pour avoir été nonce dans beaucoup de pays au Moyen-Orient. La première chose que nous avons faite a été de nous montrer solidaires par la prière. Tous les jours, nous prions Marie pour la paix en Terre Sainte. Dans la prière, nous pensons à Jésus lorsqu’il a vu Jérusalem blessée et détruite. Nous espérons un retour rapide de la situation à la normale, afin que les pèlerinages reprennent et que je puisse venir inaugurer l’église bâtie en Jordanie. Avec un peu de chance, ce voyage se fera à l’automne.


© Service de Presse

BIBLIOGRAPHIE

Et toute la maison fut remplie de l’odeur du parfum
Pour une spiritualité de l’Ordre du Saint-Sépulcre

Auteur : Card. Filoni
Éditeur : Salvator
ISBN :978-2-7067-2074-1
108 pages. 10,00 €

 

 

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