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Fr Patton: « L’esprit d’abnégation de nos Frères syriens m’a frappé »

F. De Grazia et S. Giuliano
17 février 2023
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Le frère Khokaz donne de la nourriture aux personnes réfugiées dans les locaux du monastère Saint-François à Alep ©Andre Tedori/TawqMedia/Custody

Le Custode de Terre Sainte revient sur la situation en Syrie, dix jours après le séisme et alors que les franciscains se démènent pour venir en aide à plus de 4000 personnes à Alep.


Interview réalisée pour le site de la Custodie de Terre Sainte et publié ici


Père Custode, le tremblement de terre en Syrie a immédiatement mobilisé les communautés franciscaines présentes dans la région pour apporter aide et soutien à la population locale. A quoi ressemble la situation à la lumière des dernières nouvelles que vous avez reçues ?

Je suis en contact quotidien avec tous les Frères qui vivent actuellement en Syrie. La situation à Damas est dans l’ensemble calme, car la ville n’a pas été fortement touchée par le tremblement de terre. Toutefois, nos Frères y accueillent des personnes déplacées en provenance des zones les plus touchées et qui trouvent refuge à la Casa Nova (un hôtel pour pèlerins, ndlr), une structure rattachée au Sanctuaire de la Conversion de saint Paul.

A Alep la situation est certainement bien plus grave, car la ‘furie’ du tremblement de terre est venue s’ajouter à la dévastation causée par plus de dix ans de guerre, donnant ainsi le coup de grâce à de nombreuses structures qui avaient déjà été gravement endommagées par les mortiers, les bombardements…

Lire aussi >> Tremblement de terre en Syrie et en Turquie, les franciscains se mobilisent

Sous la coordination du Père Gardien, le Frère Bahjat, nos Frères y prennent en charge quotidiennement près de 4000 personnes, réparties entre le Terra Sancta College, qui est actuellement le lieu où se trouvent la plupart des évacués, la paroisse des franciscains et la structure d’Er-Ram. A Lattaquié aussi il a fallu accueillir immédiatement des personnes évacuées, lesquelles ont été logées dans des salles paroissiales. Dans toutes ces villes, il ne s’agit pas uniquement de fournir un toit, il nous faut également essayer de les pourvoir de nourriture : surtout à Alep, où sont distribués 4 000 repas par jour.

Quelles sont les communautés les plus touchées en Syrie?

La situation la plus dramatique est enregistrée dans les villages de la vallée de l’Oronte, dans la région d’Idlib, car c’est la zone la plus difficile à atteindre et celle où le tremblement de terre a frappé le plus fort. Là, les dégâts causés par le séisme ont empiré de façon exponentielle une situation déjà critique en raison de l’isolement de la région et du fait qu’elle est sous le contrôle des djihadistes.

Dégâts dans l’église de Yacobieh, au nord de la Syrie ©Custodie de Terre Sainte

En ce moment, l’un de nos frères, le Frère Louai, suit la situation à Yacoubieh et dans les villages voisins. L’église de Yacoubieh elle-même est inhabitable et nos structures sont endommagées et peu sûres. Là-bas, la plupart des gens ont perdu leur maison.

En ce moment la Custodie de Terre Sainte promeut une campagne de collecte de fonds pour la Syrie à travers deux canaux, celui de l’Association Pro Terra Sancta et celui de l’Economat de la Custodie. Comment cette aide va aider les Frères et le peuple syrien ?

L’aide économique et financière peut aider les Frères syriens car elle leur permet d’acheter les produits de première nécessité qui sont fondamentaux dans cette situation. A Alep, le gouvernement lui-même aide notre communauté en fournissant du diesel, du gaz et de la nourriture, car distribuer quatre mille repas par jour est une mission extrêmement prenante. Si je peux me permettre une boutade, Jésus a multiplié les pains et les poissons pour 5 000 personnes, mais il ne l’a fait que deux fois dans les Evangiles : ici, nous devons subvenir aux besoins de toutes ces personnes tous les jours.

Grâce à ces collectes de fonds, chacun peut faire sa part : les particuliers peuvent ainsi nous aider à fournir les produits de première nécessité. Bien sûr, nous ne sommes pas les Nations Unies. Ce que nous faisons est une goutte d’eau dans l’océan, mais au moins quelques centaines de personnes peuvent avoir un toit sur la tête, une couverture, un repas chaud.

« Jésus a multiplié les pains et les poissons pour 5 000 personnes, mais il ne l’a fait que deux fois dans les Evangiles : ici, nous devons subvenir aux besoins d’autant de personnes tous les jours »

De nombreuses initiatives de solidarité ont été mises en place et ces gestes sont émouvants : dernièrement, j’ai été contacté par la compagnie de théâtre amateur d’un village du Trentin (Italie) où des enfants et des jeunes ont fait don de la totalité de la recette d’une représentation théâtrale au profit des victimes du tremblement de terre. C’est là un signe que les gens sont sensibles, et que tout le monde peut aider.

Nous avons appris que quelques Frères sont sur le point de partir pour aller soutenir le dur labeur des Franciscains de la communauté d’Alep.

En effet, quelques jeunes frères partiront pour relayer ceux qui sont déjà sur place. Moi-même, dès que je le pourrai, j’essaierai de rendre visite aux Frères et aux populations locale pour les encourager. Il est nécessaire et fondamental que les personnalités institutionnelles soient également présentes.

Pour ce qui est du sujet très délicat des sanctions contre le gouvernement de Damas, vous avez vous-même suggéré ces derniers jours que nous devrions opter pour une solution intelligente d’assouplissement des sanctions. Pensez-vous que nous allons dans cette direction ?

Les États-Unis ont déjà décidé de suspendre les sanctions pendant 180 jours et c’est là une chose très positive. Espérons que l’Europe fasse de même, et, surtout, que ces sanctions qui empêchent l’aide humanitaire, qui sont immorales et inhumaines de mon point de vue car elles touchent les gens ordinaires, la population civile et les groupes les plus faibles, soient suspendues.

Ce qui m’a le plus frappé, c’est l’esprit d’abnégation dont nos Frères ont immédiatement fait preuve.

La situation en Syrie était déjà critique avant le tremblement de terre : ici, les gens vivent avec 50 dollars par mois, le carburant et l’électricité sont rationnés… Qui parmi nous résisterait dans une telle situation? Qui parmi nous aujourd’hui serait capable de vivre avec une ou deux heures d’électricité par jour? Ou avec le pain rationné? Il faut voir les choses sous l’angle de la dignité humaine, de la dignité de la personne.

Y a-t-il un aspect particulier de cette situation extraordinaire et dramatique qui vous a le plus frappé ces derniers jours ?

Ce qui m’a le plus frappé, c’est l’esprit d’abnégation dont nos Frères ont immédiatement fait preuve. Dès les toutes premières heures, après avoir surmonté la peur qui les avait envahis eux aussi, ils n’ont pas ménagé leurs efforts et ont travaillé sans relâche pour accueillir les réfugiés, consoler ceux qui avaient perdu un être cher, aller rendre visite aux survivants dans les villages.

Ils ont partagé et continuent de partager la souffrance et les sacrifices des populations, et, en même temps, ils ont ouvert grand les portes des monastères. Quand ils m’ont demandé : que devons-nous faire ? J’ai moi-même dit : « Mettez à disposition tout ce que vous pouvez », car cela fait partie de notre choix de vie. Face au danger, aucun d’entre eux n’a jamais fait passer son propre bien et sa sécurité personnelle avant le bien et l’aide des autres.


Il est possible de contribuer à la solidarité franciscaine en Syrie

En France, la Custodie est partenaire de la Fondation François d’Assise. Les dons bénéficient d’un reçu fiscal pour la réduction d’impôt.

Faire un don en ligne

Vous pouvez aussi nous faire parvenir un chèque, adressé à l’ordre de la « Fondation François d’Assise », au 7 rue Marie Rose, 75014 PARIS. Préciser « pour la Syrie ». Votre reçu fiscal vous sera délivré par courrier.

 

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