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Le monastère Mar Elian en Syrie renaît de ses cendres

Christophe Lafontaine
13 octobre 2022
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Le monastère Mar Elian en Syrie renaît de ses cendres
Intérieur de l'église restaurée du monastère de Mar Elian en Syrie avec encore les marques de l'incendie de 2015 © Sr Carol /Mar Moussa

Sept ans après sa destruction par Daesh, le monastère Mar Elian en Syrie revient à la vie. Le père Mourad a écrit sur l’avancée des travaux et annoncé le retour des reliques de Mar Elian en septembre dernier.



C’est un monastère qui avait été incendié et réduit à l’état de ruine à coups de bulldozers, le 21 août 2015, par les combattants de l’Etat islamique. Ces derniers avaient aussi profané le tombeau de Saint Julien qu’il abritait. « Comme s’ils voulaient effacer ce qu’ils avaient aussi reconnu comme le cœur battant du complexe monastique », a expliqué le 4 octobre l’agence Fides qui a fait part de l’état d’avancement des travaux de restauration du Deir Mar Elian el-Cheikh, le monastère de Saint Julien l’Ancien, à Quaryatayn, qui se trouve à équidistance entre Homs, Damas et Palmyre. 

Les travaux ont été entamés en mars 2022, a expliqué dans une lettre reçue par Fides, le père Jacques Mourad, fondateur de ce monastère de rite catholique syriaque et qui a reçu la responsabilité de sa restauration.

Moine et prêtre, il fait partie de la communauté de Mar Moussa, communauté monastique très active pour le dialogue islamo-chrétien et fondée en Syrie par le père Paolo Dall’Oglio, le jésuite italien disparu le 29 juillet 2013 alors qu’il se trouvait à Raqqa, la capitale syrienne de Daesh à l’époque.

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Le père Jacques Mourad avait, à partir des années 2000, été chargé de construire un monastère et une chapelle sur les ruines du monastère de Mar Elian construit il y a 1 500 ans. Entouré d’oliviers et de vignes, l’activité agricole contribuait à sa subsistance… jusqu’en mai 2015. Date à laquelle le père Jacques Mourad a aussi été kidnappé par un commando de djihadistes précisément à Mar Elian qui sera détruit trois mois après son enlèvement. Le moine avait été libéré le 10 octobre suivant.

Des signes de résurrection…

Aujourd’hui, les travaux de restauration ont bien avancé malgré « les difficultés liées à la situation économique de notre pays en raison des sanctions imposées », explique le père Mourad. Ces huit derniers mois, le site a cependant été nettoyé, des briques en terre ont été cuites pour relever le mur d’enceinte.

Deux cent cinquante oliviers ont été plantés car arbres fruitiers, oliviers et vignes ont été arrachés. Les pierres de la porte d’entrée et du baptistaire ont été retrouvées et les murs et le toit de la crypte reconstruits. L’église, incendiée, a également été réparée et été dotée d’un nouvel autel.

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La restauration a été effectuée sans nettoyer complètement la suie incrustée dans les murs afin de conserver des traces visibles du récent conflit. Aussi, un archéologue de Homs a restauré le tombeau de saint Julien d’Emèse, guérisseur martyr, vénéré par les chrétiens et les musulmans, avec les débris trouvés sur le site. Sept chambres ont également été refaites.

Sarcophage contenant les reliques de Saint Julien, au monastère Mar Elian en Syrie ©Sr Carol /Mar Moussa

…et de réconciliation 

Le but était de célébrer le 9 septembre dernier la fête de Mar Elian au monastère, et de ramener in situ les reliques de Saint Julien qui avaient été retrouvées par le père Jacques et mises en sécurité à Homs. La zone autour du monastère a en effet été reprise par l’armée arabe syrienne à Daesh en avril 2016. 

Tout fut donc prêt pour le jour de la fête de Saint Julien où plus de 350 personnes venues de toute la région, ainsi que de nombreux prêtres syriens catholiques de toute la Syrie et des amis musulmans du monastère.

La cérémonie de reconsécration, présidée par Mgr Youhanna Jihad Battah, archevêque syriaque catholique de Damas, a vu la participation, en tant qu’invité spécial, de Mor Timotheos Matta al Khoury, l’archevêque syriaque orthodoxe de Homs.

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Les deux évêques ont ensemble oint d’huile sainte la crypte et l’église restaurées. Ainsi, la cérémonie s’est révélée être « une formidable occasion de vivre la communion entre les deux Eglises sœurs », qui avaient connu par le passé des périodes de conflit autour de la propriété du monastère.

« Le moment le plus émouvant », a confié le père Jacques, fut « lorsque les reliques de Mar Elian sont arrivées aux portes du monastère, d’où un chrétien et un musulman les ont apportées et placées devant l’autel ». Elles ont ensuite été bénies et placées dans un sarcophage. « Il n’était pas facile d’imaginer pouvoir vivre la joie d’une telle rencontre », a souligné le père Mourad. « Il existe certainement une force qui dépasse nos limites humaines », a-t-il ajouté.

Durant la célébration, un professeur de philosophie, représentant la communauté musulmane, a appelé les chrétiens à revenir dans leurs maisons de Quaryatayn, ville de 30 000 habitants, majoritairement sunnite. Avant qu’elle ne tombe dans les mains de Daesh, la ville était un symbole de coexistence entre chrétiens et musulmans. De 2010 jusqu’au printemps 2015, le père Mourad s’est aussi occupé de la paroisse catholique de la ville.

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