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Décès de Mgr Hindo : « ne pas fuir » la Syrie, son héritage

Christophe Lafontaine
10 juin 2021
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Mgr Hindo, archevêque syriaque-catholique de Hassaké-Nsibi (Syrie) pendant 23 ans, est décédé le 6 juin à 79 ans. Tous se rappellent son refus de quitter Hassaké et ses habitants, face à l’arrivée de Daesh dans la ville.


Le Secrétariat du Patriarcat syriaque catholique d’Antioche a en a fait l’annonce le jour même, sur son compte Facebook. Mgr Jacques Behnan Hindo, s’est éteint dimanche dernier, à l’approche de ses 80 ans. Des suites d’une longue maladie, a précisé l’agence Fides.

Celui qui fut l’archevêque syriaque-catholique de Hassaké-Nsibi dans le nord-est de la Syrie de juin 1996 à juin 2019, s’était retiré à Paris, en France pour suivre un traitement médical. Il avait de fait démissionné pour cause de mauvaise santé et de limite d’âge en 2019. Le père Joseph Shamei avait pris sa suite en tant qu’administrateur patriarcal de l’archéparchie le 19 octobre 2019, après un court intérim effectué par Mgr Denis Antoine Chahda, l’archevêque d’Alep.

Né en 1941 à Azekh, aujourd’hui dans les frontières de la Turquie dans le sud-est du pays, il a étudié au séminaire de Charfet au Liban et a été ordonné prêtre en 1969 pour le diocèse de Hassaké-Nsibi. Après avoir enseigné au séminaire et servi la paroisse de Qamishli en Syrie, il a été prêtre de la paroisse syriaque-catholique de Paris en France de 1989 à 1997. En 1996, il fut nommé archevêque de Hassaké-Sisibi et reçu l’ordination épiscopale l’année suivante.

Une voix libre pour défendre le peuple syrien

Durant les années du conflit syrien débuté en mars 2011, Mgr Hindo a « représenté une voix libre capable de raconter de manière non-conformiste les événements de l’époque, et aussi de décrire les conditions des communautés chrétiennes locales sans stéréotype ni mystification », a souligné l’agence Fides dans un hommage.

Lorsque le conflit syrien a atteint la région de Hassaké, l’archevêque avait refusé 1 700 kalachnikovs offertes par le gouvernement aux chrétiens locaux : « En tant qu’hommes d’Église », avait-t-il réagi à l’époque auprès de l’agence de presse, « nous ne pouvons pas inciter les chrétiens à prendre les armes pour participer au conflit ». En mai 2016, Mgr Hindo avait défini comme « une folie » l’idée de financer avec des fonds du gouvernement américain la fourniture d’armes aux « milices chrétiennes » autoproclamées qui opèrent dans des conflits en cours en Syrie et en Irak.

« Lorsque l’archevêque Hindo est allé à l’étranger et a rencontré des hommes politiques et des personnalités institutionnelles, il a toujours élevé la voix en appelant à la justice pour le peuple syrien et son pays, tourmentés par la guerre », a déclaré à AsiaNews le père Amer Kassar, un prêtre syriaque catholique de l’église Notre-Dame de Fatima à Damas qui a bien connu Mgr Hindo et a répondu à une interview pour l’occasion.

Rester aux côtés du peuple

Mgr Hindo s’est aussi illustré pour ses prises de positions et leur traduction par des actes contre la fuite des chrétiens hors de Syrie. Le père Amer Kassar a de fait rendu hommage à l’évêque qui est resté avec son peuple même lorsque Daech est entré dans la ville en 2015. « Il a donné un grand témoignage à nous chrétiens, même aux prêtres, nous rappelant de ne pas fuir, de rester avec notre peuple », se souvient le père Kassar.

Mgr Hindo a dans ce sens lancé des projets de développement dans la région, notamment des programmes de logement pour les jeunes, afin de lutter contre le phénomène de l’exode des chrétiens. De même, il a aidé la Caritas à tenir son engagement envers les écoles, institutions qu’il considérait essentielles pour l’avenir de la communauté.

L’éparchie d’Hassaké a été érigée le 15 juillet 1957 par Pie XII. Le 3 décembre 1965, Paul VI l’a élevée au rang d’archéparchie d’Hassaké-Nisibi (Nisibi – située en Turquie – a été rajouté à titre honorifique). En 2011, d’après le site catholic-hierarchy.org, qui présente les diocèses de l’Eglise catholique romaine et des Eglises orientales rattachées à Rome, l’archéparchie comptait 35 000 fidèles, 11 paroisses avec cinq prêtres, deux religieux et trois religieuses. Mgr Jacques Behnan Hindo, avait confié ses craintes début octobre 2019 à l’Aide à l’Eglise en détresse, disant craindre un nouvel exode de chrétiens dans la région, à cause de l’offensive turque dans le nord-est de la Syrie contre les Kurdes, baptisée « source de paix ». Il avait alors affirmé que « depuis le début de la guerre en Syrie, 50% des fidèles d’Hassaké [avaient] quitté le pays, ainsi que 50% des orthodoxes ».

Se souvenant d’une figure de grande valeur, le père Amer souligne comment Mgr Hindo « a joué un rôle de médiateur entre Arabes et Kurdes, entre musulmans et chrétiens en restant toujours à Hassaké ». « De plus, a-t-il ajouté, il a promu plusieurs projets d’aide au développement local et au dialogue, comblant le fossé entre différents points de vue, opinions et groupes parfois très éloignés les uns des autres. C’était un homme de Dieu, qui connaissait bien la région et les gens qui l’habitaient ».

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