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Éric-Emmanuel Schmitt et Jérusalem: une traversée

Marie-Armelle Beaulieu
5 avril 2023
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Éric-Emmanuel Schmitt et Jérusalem: une traversée
Eric-Emmanuel Schmitt contemplant de haut le Mur Occidental et l'esplanade sur laquelle ont voit aujourd'hui le dôme du Rocher et la mosquée Al Aqsa © Afif H. Amireh

La rédaction de Terre Sainte Magazine a reçu en avant-première le dernier livre d’Éric-Emmanuel Schmitt. Et pour cause, il s’intitule : "Le défi de Jérusalem, un voyage en Terre Sainte". Recension.


S’appeler Éric-Emmanuel Schmitt et s’essayer au récit de pèlerinage en Terre Sainte après Chateaubriand, Flaubert, Renan ou Loti est aussi logique qu’audacieux. Le faire à l’incitation du directeur des publications de la Librairie Éditrice Vaticane (LEV), la maison d’édition du Vatican, était assurément périlleux.

On ne présente plus Éric-Emmanuel Schmitt. Professeur de philosophie devenu écrivain, romancier, dramaturge. Il est couvert d’honneurs, bardé de prix, Goncourt, Molière, traduit dans 48 langues, joué dans 50 pays, ses livres se vendent comme des petits pains, c’est un bourreau de travail. Et il est doux. Il a les yeux marrons bleu, comme Guila, sa guide durant le pèlerinage.

En septembre 2022, Jérusalem avait bruissé de sa présence. Et le projet d’un livre avait fuité. Il est en librairie à partir du 5 avril.

Carnet de voyage

Terre Sainte Magazine a publié dans son numéro de janvier-février, l’interview que l’auteur avait accordée à Cécile Leca, volontaire au patriarcat latin de Jérusalem. Un entretien réalisé après qu’il a rencontré le patriarche Mgr Pizzaballa. À la demande : « Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ? », il avait répondu : « En réalité non… tout simplement parce que je ne sais pas encore ce que je vais écrire ! »

Finalement, Éric-Emmanuel Schmitt s’est plié à la suggestion initiale. Il a écrit un carnet de voyage. Littéralement. En prenant des notes de façon studieuse, ou comme une échappatoire, pour retenir l’instant ou s’en évader. Il avait annoncé un récit subjectif et il l’est, confinant à l’intime.

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Comme pour tout récit de pèlerinage qui se respecte, l’auteur commence par expliquer le motif de sa démarche et se plie à l’ordre chronologique du voyage. On le voit débarquer à Ben Gourion pour gagner en taxi Nazareth, où il rejoint un groupe de pèlerins, arrivés avant lui de l’île la Réunion. Décontenancé au début par les conversations sur les géraniums et les subtilités du rhum, il va peu à peu se laisser instruire. Par le père Henri, par la foi de ses compagnons, par Guila.

Éric-Emmanuel Schmitt n’est pas connu pour être un pilier d’église. Le désert du Hoggar a étreint un athée et libéré un croyant. Jésus rencontré dans les évangiles a fait de lui un chrétien. Mais il regarde les pratiques religieuses avec la conviction d’un poisson rouge. Aussi est-ce la surprise quand, lors du pèlerinage, en plus des réveils à des heures excessivement matinales, il faut se joindre au groupe pour les vêpres et la messe.

Mascarade

On se figure que les pèlerins en Terre Sainte ont tous la pratique ecclésiale chevillée au corps. C’est de moins en moins le cas. Et à ce titre, les découvertes dans le domaine d’Éric-Emmanuel Schmitt sont aussi drôles à suivre qu’intéressantes à observer. De temps en temps, comme il l’écrit, il se renfrogne. Parfois même, il explose. « L’envie de déserter cette mascarade me ronge. Je ne m’estime ni en résonance ni en sympathie avec ceux qui m’encerclent, j’aspire à récupérer ma liberté, ma rationalité, mon autonomie. Maillon de cette chaîne de bigots, moi ? Quelle prison ! Je vais m’extraire de ce rituel imbécile. »

Schmitt livre un récit vrai. Il ne cherche pas à briller. Il est trop occupé à batailler. S’il était un personnage de l’évangile, ce serait celui des deux fils de la parabole qui commence par dire : « Je ne veux pas ».
Certains lieux lui sont un supplice pour leur esthétique ou leur fréquentation : « Quand je lis les récits de voyageurs anciens, tels Chateaubriand, Lamartine, Loti, je les jalouse d’avoir foulé des sites vierges. » Ou parce que s’ils prétendent à dévoiler la foi, ils sont un défi à la raison. « Que fais-je ici ? La dérision me gagne. Mon esprit voltairien commence à persifler, jugeant ce spectacle aussi navrant que ridicule. »

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Il bataille parce que la Terre Sainte s’apprête à lui enseigner un au-delà de la raison qui ne s’y oppose pas. Il le pressentait mais c’est trop nouveau pour qu’il rende les armes.

Alors, il consent à se faire pèlerin parmi les pèlerins. À poser les mêmes gestes de dévotion à contre-cœur autant qu’à contre-raison. À force de voir et toucher, il se laisse et voir et toucher. Finalement, il lâche prise pour être mieux saisi, bouleversé, retourné. Éric-Emmanuel Schmitt a quitté la Terre Sainte boiteux et béni.

Son récit de pèlerinage, singulier, a valeur universelle. On se reconnaît jusque dans les rebellions. Mais l’auteur livre aussi quelques réflexions sur les évangiles qui sont propres à en renouveler notre lecture.
Vous voulez revenir ou revivre votre propre pèlerinage ? Lisez le dernier Éric-Emmanuel Schmitt, il est dans les bacs à partir d’aujourd’hui 5 avril.

CHEZ VOTE LIBRAIRE—–

Titre : Le défi de Jérusalem, un voyage en Terre Sainte.

Auteur : Éric-Emmanuel Schmitt

Éditeur: Albin Michel

Collection: Bam Sciences

Format: 14cm x 20cm

Pages: 224

ISBN 978-2-226-45024-1

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