
Parmi les premières rencontres publiques du nouveau pape hier, 14 mai 2025, figure l’audience accordée aux pèlerins et aux ecclésiastiques des Églises catholiques de rite oriental venus à Rome pour le Jubilé. Une nouvelle occasion pour Léon XIV de parler de paix.
Malgré la mort du pape François et la période de vacance du Siège apostolique, les événements prévus pour l’Année Sainte 2025 ont, dans leur quasi-totalité – à l’exception, par exemple, de la canonisation de Carlo Acutis – suivi le calendrier établi. À présent, avec l’élection de Léon XIV, les pèlerins venus à Rome pour le Jubilé ont de nouveau l’occasion de rencontrer le pape, comme ce fut le cas ce matin, 14 mai, au Vatican, pour conclure les trois jours jubilaires des Églises orientales.
« Bienvenue à Rome ! – a déclaré Léon XIV en ouverture de son discours. – Je suis heureux de vous rencontrer et de consacrer aux fidèles orientaux l’une des premières rencontres de mon pontificat. »
Étaient présents dans la salle Paul VI le cardinal Claudio Gugerotti, préfet du Dicastère pour les Églises orientales, ainsi que plusieurs de ses collaborateurs, les patriarches des communautés catholiques de rite non latin (à l’exception du maronite Béchara Raï, absent pour raisons de santé), plusieurs cardinaux, membres du clergé, religieuses et laïcs. Dès son entrée dans la salle, le pape a été chaleureusement accueilli, et à plusieurs reprises applaudi au cours de son allocution.
Les trésors inestimables des Églises d’Orient
« Vous êtes précieux – a affirmé le pape Léon XIV. – En vous regardant, je pense à la diversité de vos origines, à l’histoire glorieuse et aux dures souffrances que beaucoup de vos communautés ont endurées ou endurent encore. »
Il a rappelé les paroles du pape François : « Ce sont des Églises qu’il faut aimer : elles préservent des traditions spirituelles et sapientielles uniques, et ont beaucoup à nous dire sur la vie chrétienne, la synodalité, la liturgie ; pensons aux Pères anciens, aux conciles, au monachisme : ce sont des trésors inestimables pour l’Église » (Discours aux participants à l’Assemblée de la ROACO, 27 juin 2024).

Le pape a aussi évoqué la lettre apostolique Orientalium dignitas de Léon XIII, « qui fut le premier à consacrer un document spécifique à la dignité de vos Églises, en rappelant d’abord que “l’œuvre de la rédemption humaine a commencé en Orient” ».
Ce pape souhaitait déjà préserver la liturgie orientale. Une inquiétude encore très actuelle, observe Léon XIV : « aujourd’hui, beaucoup de nos frères et sœurs orientaux, dont plusieurs d’entre vous, contraints de fuir leur terre d’origine à cause de la guerre et des persécutions, de l’instabilité et de la pauvreté, risquent, en arrivant en Occident, de perdre, outre leur patrie, leur identité religieuse. C’est ainsi qu’au fil des générations, le patrimoine inestimable des Églises Orientales se perd. »
« Nous accueillons l’appel à préserver et à promouvoir l’Orient chrétien, en particulier dans la diaspora, où il y est nécessaire de sensibiliser les Latins ; en plus de la création, lorsque cela est possible et opportun, de circonscriptions orientales. En ce sens, je demande au Dicastère pour les Églises Orientales, que je remercie pour son travail, de m’aider à définir des principes, des normes, des lignes directrices grâce auxquels les Pasteurs latins pourront concrètement soutenir les catholiques orientaux de la diaspora afin de préserver leurs traditions vivantes et d’enrichir par leur spécificité le contexte dans lequel ils vivent. »
Le sens du primat de Dieu
Le pape Léon XIV a souligné que l’Orient chrétien avait beaucoup à offrir à l’Église universelle : « Combien nous avons besoin de retrouver le sens du mystère, si vivant dans vos liturgies qui impliquent la personne humaine dans sa totalité, chantent la beauté du salut et suscitent l’émerveillement devant la grandeur divine qui embrasse la petitesse humaine ! »
« Et combien il est important de redécouvrir, même dans l’Occident chrétien, le sens de la primauté de Dieu, la valeur de la mystagogie, de l’intercession incessante, de la pénitence, du jeûne, des larmes pour ses propres péchés et pour ceux de toute l’humanité (penthos), si typiques des spiritualités orientales ! »
« Il est donc fondamental de préserver vos traditions sans les édulcorer ne serait-ce que par commodité, afin qu’elles ne soient pas corrompues par un esprit consumériste et utilitariste. Vos spiritualités, anciennes et toujours nouvelles, sont un remède. Le sens dramatique de la misère humaine s’y confond avec l’émerveillement devant la miséricorde divine, de sorte que nos bassesses ne provoquent pas le désespoir mais invitent à accueillir la grâce d’être des créatures guéries, divinisées et élevées aux hauteurs célestes. »
Tout faire pour la paix
Le pape est ensuite revenu sur le thème de la paix, si cher à lui et à ses prédécesseurs, en partant de l’expérience de souffrance et de martyre vécue par les chrétiens d’Orient, hier comme aujourd’hui : « Qui donc, plus que vous, pourrait chanter des paroles d’espérance dans l’abîme de la violence ? Qui plus que vous, qui connaissez de près les horreurs de la guerre, au point que le Pape François a qualifié vos Églises de « martyres »? »
« C’est vrai : de la Terre Sainte à l’Ukraine, du Liban à la Syrie, du Moyen-Orient au Tigré et au Caucase, quelle violence ! Et sur toute cette horreur, sur les massacres de tant de jeunes vies qui devraient provoquer l’indignation car ce sont des personnes qui meurent au nom de la conquête militaire, se détache un appel : non pas tant celui du Pape, mais celui du Christ, qui répète : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19.21.26) »
« Il précise : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). La paix du Christ n’est pas le silence de mort après le conflit, elle n’est pas le résultat de l’oppression, mais un don qui concerne les personnes et réactive leur vie. Prions pour cette paix qui est réconciliation, pardon, courage de tourner la page et de recommencer. »
« Ne divisons pas le monde en bons et méchants »
« Je mettrai tout en œuvre pour que cette paix se répande. Le Saint-Siège est disponible pour que les ennemis se rencontrent et se regardent dans les yeux, pour que les peuples retrouvent l’espérance et la dignité qui leur reviennent, la dignité de la paix. »
« Les peuples veulent la paix et, la main sur le cœur, je dis aux responsables des peuples : rencontrons-nous, dialoguons, négocions ! La guerre n’est jamais inévitable, les armes peuvent et doivent se taire, car elles ne résolvent pas les problèmes, elles les aggravent ; ce sont ceux qui sèment la paix qui passeront à la postérité, pas ceux qui font des victimes ; les autres ne sont pas d’abord des ennemis, mais des êtres humains : pas des méchants à haïr, mais des personnes avec qui parler. Fuyons les visions manichéennes typiques des récits violents qui divisent le monde entre bons et méchants. »
« L’Église ne se lassera pas de répéter : que les armes se taisent. Et je voudrais remercier Dieu pour tous ceux qui, dans le silence, dans la prière, dans le don de soi, tissent des liens de paix, ainsi que les chrétiens – orientaux et latins – qui, surtout au Moyen-Orient, persévèrent et résistent sur leurs terres, plus forts que la tentation d’abandonner ces terres. Il faut donner aux chrétiens la possibilité, et pas seulement en paroles, de rester sur leurs terres avec tous les droits nécessaires à une existence sûre. Je vous en prie, engagez-vous pour cela !»
- [g.s.]