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Les patriarches Pizzaballa et Theophilos III sont auprès de leurs fidèles dans Gaza

Rédaction
18 juillet 2025
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19 mai 2024, le patriarche Pizzaballa entré dans Gaza pour la première fois depuis le 7 octobre 2023, a rendu visite à la paroisse grecque-orthodoxe de Sait-Porphyre dans Gaza ©Patriarcat Latin de Jérusalem

Au lendemain de la frappe qui a touché l’église latine de la Sainte famille à Gaza faisant 3 morts et plusieurs blessés, le patriarche des Latins, Pierbattista Pizzaballa, et le patriarche grec-orthodoxe, Theophilos III, sont entrés « tôt ce matin » dans Gaza pour se rendre auprès de leurs fidèles, apporter de l’aide humanitaire et exfiltrer les blessés, fait savoir un communiqué du patriarcat latin.


L’opération militaire en cours dans le quartier de El Zeitoun où se trouve la paroisse latine de la Sainte-Famille est suspendue ce matin sous la pression exercée par le patriarcat latin de Jérusalem.

Le cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem et pasteur de ses fidèles, a obtenu une trêve humanitaire, alors que la guerre détruit tout dans Gaza depuis 651 jours.

Rejoint par le patriarche grec-orthodoxe Theophilos III et accompagné d’une petite délégation[1], les patriarches doivent se rendre au chevet des blessés touchés par le tir d’un char qui a fait trois morts et dix blessés dans l’enceinte de la paroisse latine de la Sainte-Famille, hier matin 17 juillet.

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Coup de canif dans l’embargo humanitaire

Alors que l’aide humanitaire n’arrive qu’au compte-goutte dans l’enclave, le communiqué indique qu’« en coordination avec des partenaires humanitaires, un accès a été sécurisé pour acheminer une aide essentielle non seulement à la communauté chrétienne, mais aussi à un maximum de familles. Cela comprend des centaines de tonnes de vivres, des trousses de premiers secours et du matériel médical d’urgence. En outre, le Patriarcat a organisé l’évacuation de blessés vers des établissements médicaux hors de Gaza, où ils pourront être soignés. »

Un message posté sur par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale d’Italie fait état d’un chargement de 500 tonnes.

Depuis l’été 2024, le patriarcat latin, grâce aux dons reçus du monde entier, organisait la livraison d’aide humanitaire à la paroisse et son voisinage. Une aide qui a pris fin avec la rupture du Cessez-le-feu par le gouvernement israélien.

Privée de ravitaillement depuis fin mars, la paroisse avait organisé son rationnement et celui des populations qu’elle essayait encore d’aider, mais les vivres commençaient à manquer. Il n’y avait plus que 4 repas chauds par semaine distribués par la paroisse, tandis que les familles pouvaient compléter avec quelques vivres mis à leur disposition.

L’eau potable elle aussi manque gravement entraînant non seulement la soif mais des maladies de peau.

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C’est le même gouvernement Israélien, et son chef Benjamin Netanyahu qui hier soir, après que Donald Trump a eu fait part de son mécontentement de la frappe contre la paroisse, s’est fendu d’un communiqué d’excuse : « Israël regrette profondément que des munitions perdues aient touché l’église de la Sainte-Famille à Gaza. Chaque vie innocente perdue est une tragédie. Nous partageons la douleur des familles et des fidèles. »

C’est néanmoins la troisième fois que des tirs israéliens tuent des chrétiens de Gaza, après les frappes d’octobre 2023, sur les locaux de la paroisse grecque-orthodoxe Saint-Porphyre et décembre de la même année dans la cours de la paroisse latine.

« La communauté chrétienne de Gaza ne sera ni oubliée ni abandonnée »

Lors de ce voyage sans précédent, les deux patriarches « rencontreront des représentants de la communauté chrétienne locale, présenteront leurs condoléances et exprimeront leur solidarité. » explique le communiqué qui affirme avec force : « La communauté chrétienne de Gaza ne sera ni oubliée ni abandonnée ».

D’après le patriarcat latin : «  Le cardinal Pizzaballa évaluera personnellement les besoins humanitaires et pastoraux de la communauté afin d’orienter la réponse continue de l’Église et d’assurer sa présence sur le terrain. »

Pour le patriarche latin, c’est la troisième visite aux fidèles de Gaza depuis le 7 octobre 2023, après celle de mai 2024 et de décembre 2024.

Le Cardinal Pizzaballa et le patriarche grec-orthodoxe Theophilos III à l’occasion de Pâques. Photo d‘avril 2023 ©Patriarcat latin de Jérusalem/lpj.org

Deux patriarches ensemble à Gaza, c’est la première fois en 2000 ans de présence chrétienne continue dans l’enclave palestinienne ! Les circonstances sont elles aussi exceptionnelles. Cela fait près de 600 jours que l’ensemble des chrétiens de Gaza, ont trouvé refuge dans les locaux des deux paroisses de Gaza-ville.

Avant la guerre, la communauté chrétienne rassemblait 1017 fidèles d’après le père Gabriel Romanelli, curé de la Sainte-Famille.

Les chrétiens de Gaza sont en grande majorité grecs-orthodoxes, et les victimes d’hier, tuées dans la paroisse catholique étaient des fidèles orthodoxes dont les funérailles ont été célébrées pour deux d’entre elles dès hier après-midi, selon la tradition, dans l’église Saint-Porphyre. On compte aussi à Gaza quelques protestants qui tiennent l’hôpital Al-Ahli Arabi frappé, lui aussi à plusieurs reprises, par des tirs israéliens.

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Le christianisme est attesté à Gaza dès les premiers siècles. La ville devient un centre chrétien important à partir du IVe siècle. Saint Porphyre de Gaza (évêque entre 395 et 420) est une figure emblématique : il a fait construire l’église Saint-Jean-Baptiste, avec le soutien de l’impératrice Eudoxie. Au VIe siècle, Gaza est un foyer de culture chrétienne, avec des écoles de rhétorique et de philosophie influencées par le christianisme. On dénombre à la même époque au moins 9 monastères qui rayonnent dans l’enclave, avec notamment l’emblématique monastère de Saint-Hilarion.

La conquête musulmane au VIIe siècle entraîne un lent déclin. Les croisades redonnent un court souffle à la présence chrétienne, mais après la reconquête ayyoubide et mamelouke, les chrétiens redeviennent une petite minorité.

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Sous l’Empire ottoman, des églises sont maintenues ou reconstruites, notamment grâce à l’appui des puissances européennes protectrices des chrétiens d’Orient. Tandis que la paroisse de Saint-Porphyre est très ancienne, la paroisse de la Sainte-Famille est érigée par le patriarcat latin en 1879.

Avec une école et un dispensaire, la paroisse latine a toujours servi non seulement la communauté chrétienne mais son voisinage. Ce sont ses locaux qui abritent encore aujourd’hui plus de 500 réfugiés, une centaine sont chez les grecs-orthodoxes, tandis que près de 300 ont pu quitter l’enclave dans les premiers mois de la guerre.


[1] La délégation comprend également le chancelier du Patriarcat latin, le secrétaire de la Délégation apostolique du Saint-Siège à Jérusalem, ainsi que le secrétaire de l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte.

Dernière mise à jour: 18/07/2025 17:54

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